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Graines de survie

Le Potager d’un curieux, cabinet de biodiversité

Dans leur labo à ciel ouvert du Sud de la France, Jean-Luc Danneyrolles et sa fille, Violette, font figure de résistants. Chaque année, ils sauvent des dizaines de variétés de semences différentes et fournissent jour après jour un formidable travail pour le maintien d’une nature libre et variée.

©Anne-Claire Héraud

Téton de Vénus, Rose de Berne, Lemon Bush, Charbonneuse…  tel un inventaire à la Prévert, la collection de tomates sauvegardées par Violette Danneyrolles et son père Jean-Luc Danneyrolles est belle, riche et variée. Ce sont elles les plus cultivées au Potager d’un curieux, un espace hybride entre maraîchage, laboratoire vivant et lieu de vie où plus de soixante variétés de tomates sont mises en culture chaque année.

Depuis que je me suis installé à Saignon (Vaucluse), il y a trente-cinq ans, j’opère un gros travail de sauvegarde et de maintenance d’espèces souvent menacées de disparition. Beaucoup de graines m’ont été confiées par des personnes âgées qui souhaitaient que je les sauve, explique Jean-Luc. La collection de graines s’élève aujourd’hui à plus de 300 variétés de plantes rares, curieuses, parfois anciennes, souvent excellentes, toujours surprenantes.

Lors de notre passage, au mois de mai, les plants ont déjà plusieurs semaines. Ils sont costauds, vigoureux (rien à voir avec les maigrichons de la grande distribution) et certains sont prêts à être mis en terre. Deux amis de la famille sont venus prêter main forte dans cette mission. Chaque semaine, Violette vend graines, plants et légumes sur le marché d’Apt. Mais on peut aussi se rendre directement au Potager d’un Curieux et acheter en libre service. Les prix sont indiqués sur de petites pancartes, on trouve son bonheur parmi toutes les espèces bigarrées et une boîte en fer reste à disposition pour y glisser la somme totale et faire l’appoint soi-même.

©Anne-Claire Héraud

Libres comme l’air

Toutes les semences cultivées ici sont paysannes, libres de droit et reproductibles. Officiellement, elles ne sont vendues qu’à des jardiniers amateurs puisque la loi interdit la vente aux professionnels de semences qui ne sont pas inscrites au catalogue du GNIS, le groupement national interprofessionnel des semences et des plants. Nous ne sommes pas contre l’hybridation naturelle d’une plante au gré des saisons et du passage des pollinisateurs, ce que nous critiquons ce sont les hybrides F1, le croisement de plusieurs variétés sélectionnées sur des critères esthétiques, de conservation et de résistance, et surtout qui ne sont pas reproductibles d’une année à l’autre et n’ont aucun goût, explique Jean-Luc.

Le but n’est pas de nous accaparer le marché de la semence, bien au contraire !, précise Violette. Nous conseillons seulement à nos clients, une fois qu’ils ont des graines de bonne qualité entre les mains, de les reproduire plutôt que d’en racheter car elles s’adaptent au terroir sur lequel elles poussent et deviennent plus résistantes au fil des années.

©Anne-Claire Héraud

Recette appliquée par Violette et son père, épaulés par une petite équipe de jardiniers dispersés entre l’Hérault, le Vaucluse et les Bouches-du-Rhône : Nous sélectionnons les fruits qui sont les plus proches du fruit original de cette variété. Si on prend l’exemple des tomates, je choisis des bien mûres dont je vais retirer la pulpe et je chinoise l’ensemble de sorte à retirer le plus de jus possible, raconte celle qui s’était d’abord dirigée vers des études de médiation culturelle avant de venir travailler aux côtés de son père, et désormais dotée d’une solide connaissance du vivant malgré sa jeune vingtaine.

Une fois séchées à l’air libre, les graines sont effritées et mises en sachet mais on ne les compte pas une à une, avertit-elle. Avec l’expérience, on sait par exemple que l’on met environ 40 graines de tomate dans une cuillère à café. Tous les sachets sont stockés dans le hangar foutraque où les températures sont relativement stables toute l’année et rangés dans de grandes cantines métalliques afin d’éviter de tenter les gourmands rongeurs. 

©Anne-Claire Héraud

Sols vivants

Puis à la sortie de l’hiver, vient à nouveau le moment de multiplier cette biodiversité. Les graines sont semées dans un terreau animal et végétal qui nous vient d’éleveurs de chevaux et de chèvres. Il est vivant, c’est primordial pour bien accompagner la levée des plantes, explique Violette. Le problème aujourd’hui, c’est que la plupart des terreaux vendus dans le commerce sont enrichis de ressources fossiles épuisables comme la tourbe. Je ne saurais donc que trop vous conseiller de vous fournir chez un voisin qui a des bêtes ou bien d’aller directement vous servir dans la forêt.

Ensuite, il faut être patient et observateur. Les plaques de semis sont posées sur une nappe chauffante maintenue à 16 °C, pour gagner en précocité lorsque les températures sont encore fraîches. Chaque matin, j’entre dans la serre, j’observe la levée des uns, j’arrose les autres, c’est fascinant de maîtriser tout le cycle, de la graine au légume, poursuit-elle. Au déjeuner, dans la magnifique cuisine d’extérieur tout en bois, Jean-Luc apporte sur un plateau ces légumes libres et vivants sublimés par son bon sens cuisinier. Il est l’heure de casser la graine.

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Pour en prendre encore plus de la graine, découvrez le blog Le potager d’un curieux.

 

2 commentaires

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  1. C’est un bel endroit, plein de charmes inattendus, grande cabane dans un arbre, chapeaux de paille en guise d’abat-jours, une belle yourte, que Jean-Luc nous a chaleureusement invités à visiter, cabane un peu exotique qui abrite le matériel, une serre, de petits sentiers, et …des graines, des plans, des cultures, si précieuses ! Jean-Luc cultive la vie, le droit à la vie et ses ressources essentielles !
    Bravo pour le combat, car c’en est un. Chapeau bas .
    Merci Jean-Luc.
    Sophie
    Ma fille agronome, elle aussi, soutient ton travail.

  2. Beaucoup de poésie également dans ce lieu, et d’esthétique toute simple et naturelle. Les semences sont d’EXCELLENTE qualité, on peut les commander 😉 si vous ne pouvez pas passer.

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