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Fou d'ailés

« Paysan de nature » : la vie sauvage comme refuge

À la ferme du Grand Laval, entre la vallée du Rhône et le Vercors, les frontières se brouillent entre espaces cultivés et sauvages. Un « Paysan de nature » organise ses 30 hectares de terres drômoises en un refuge pour diverses espèces, afin de gagner en résilience en essayant de faire revenir la vie.

© Angela Bolis

Ses dindons se pavanent sous les pommiers, des rhubarbes poussent à l’ombre des kiwis, des brebis broutent d’anciens champs de tournesols… Fruits et légumes, élevage ovin et poules pondeuses, céréales et légumineuses se côtoient dans un joyeux mélange. La ferme, entièrement bio et en vente directe, s’inspire de l’agroécologie et de la permaculture. Avec une particularité plus rare : flouter la frontière entre la culture et le sauvage.

Entre les deux, Sébastien Blache a refusé de choisir, lui qui se définit comme un « paysan naturaliste ». Soit : Un paysan qui intègre la vie sauvage dans son espace agricole, qui la fait revenir s’il est installé dans un milieu anéanti par des années de monoculture chimique, ou qui la préserve, qui la respecte et qui la connaît. Un paysan, aussi, qui accepte qu’une partie de son exploitation soit hors de son contrôle. L’agriculteur drômois participe ainsi au tout jeune réseau Paysans de nature, initié par des membres de la LPO (Ligue de protection des oiseaux) et d’agriculteurs vendéens, et qui rassemble des paysans engagés dans cette démarche dans toute la France.

Le projet est né notamment face à un constat : le déclin de la biodiversité en zone agricole. Nous devons dépasser les outils actuels de protection de la nature, qui ont été efficaces pour quelques espèces et espaces restreints, mais qui ont été insuffisants pour endiguer le désastre biologique auquel on assiste aujourd’hui, précise Paysans de nature sur son site internet. L’objectif du réseau : multiplier les espaces dédiés à la conservation des espèces sauvages en contribuant à installer des paysans et paysannes acteurs de la protection de la nature.

© Angela Bolis

Refuges drus

Sur son terrain, Sébastien Blache a aménagé en une quinzaine d’années une multitude de refuges pour la faune de passage. Ce sont de petites mares alignées au bord du verger ; des bottes de paille ou des tas de bois mort ; un vieil arbre couché qui se décompose… Ce sont aussi des bandes enherbées qui ne seront pas cultivées, des arbres plantés qui ne seront pas taillés, ou de longues haies touffues qui évoluent librement entre deux champs.

La ferme est aussi parsemée de plus de 2 000 nichoirs, en attendant que les arbres vieillissent et offrent à leur tour un abri de choix. Un ruisseau court entre les hautes herbes, sortant parfois de son lit pour arroser la prairie alentour. Et ce réensauvagement ne se cantonne pas aux périphéries des cultures : il les pénètre aussi, comme ces fleurs des moissons, bleuets, coquelicots, pensées des champs, que le fermier ressème parmi ses céréales. Même les dindons sont issus d’un croisement entre une race domestique et des oiseaux sauvages venus d’Amérique.

© Angela Bolis

Zones humides, prairies, haies… Dans cette mosaïque de petits écosystèmes, toute une faune sauvage vient s’abriter. Une biodiversité ordinaire et locale, dont on ne pourrait ici faire la liste exhaustive : quatre espèces de chauve-souris, lièvres, hérissons, ragondins, campagnols, renards, poissons (truite, goujon, épinoche…), serpents, grenouilles, insectes divers et variés… Mais ce sont les oiseaux, surtout, qui reviennent. Avant d’être agriculteur, Sébastien Blache était ornithologue. Il est donc aux premières loges pour observer le vertigineux déclin des oiseaux des champs, dont les populations, en France, ont chuté d’un tiers en quinze ans (étude du CNRS et du Muséum d’histoires naturelles, 2018).

Quand il a repris les terres de son grand-père, en 2006, l’exploitation était en monoculture de maïs, labourée, défrichée et cultivée avec des intrants chimiques. Le naturaliste a alors fait un état des lieux, dénombrant une vingtaine d’espèces d’oiseaux. Aujourd’hui, il en compte une cinquantaine : mésanges, chouettes, rossignols, alouettes, huppes fasciées, verdiers, serins, bruants, fauvettes, cailles… Une surprise, et une bonne raison de rester optimiste pour ce paysan, animé avant tout par sa passion du vivant.

© Angela Bolis

Services écosystémiques

Au-delà de la préservation de ces espèces, la biodiversité sauvage qui peuple la ferme du Grand Laval profite également aux cultures. Plus tu as de biodiversité sur la ferme, plus tu as de chances d’avoir des services écosystémiques, et donc de résoudre divers problèmes, résume Sébastien Blache. Ces services écosystémiques, ce sont la fertilisation des sols, la pollinisation, la régulation des parasites, et bien d’autres sans qui nulle plante ne pourrait pousser en bonne santé. Dans le verger de pommiers par exemple, sévit le carpocapse de la pomme, un papillon de nuit dont la chenille se nourrit à l’intérieur du fruit. Pour s’en prémunir, Sébastien Blache compte, en partie, sur ses prédateurs naturels, tels que les mésanges ou les chauve-souris. Plus ils seront abondants et divers, mieux ils pourront limiter ce parasite tout au long de son cycle de vie.

© Angela Bolis

Mais cet exemple s’inscrit dans une démarche de repeuplement plus global : l’agriculteur se refuse à trier entre espèces auxiliaires ou nuisibles, utiles ou inutiles. On ne cible pas vraiment tel animal pour résoudre tel problème, on cherche plutôt à voir l’utilité de cette biodiversité dans sa globalité. L’idée est d’accueillir la plus grande diversité d’espèces possible sur la ferme pour recréer un petit écosystème interdépendant, explique Sébastien Blache. On fait confiance au sauvage, on cherche à intervenir le moins possible, et à se retirer peu à peu. Cet esprit de lâcher-prise n’évite pas quelques interventions avec des produits naturels pour garantir la survie des cultures, mais l’ambition est bien de réduire ces actions, pour laisser faire au maximum les dynamiques naturelles. Je trouve que c’est moins anxiogène de travailler ainsi, sans être en guerre permanente contre le vivant.

© Angela Bolis

8 commentaires

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  1. Bonjour Bravos…exemple a faire partager un maximum,ou est situé cet endroit magique ?? merci encore trop beau…

  2. la serre en plastique fait tache et les renards avec les poules en liberté ils oublient de prélever !!!!! autrement bonne mentalité

  3. Merveilleux! Que j’aimerais me retrouver parmi vous là-bas!
    Artiste à Paris, passionnée de la nature, la grande nature (plutôt sauvage) me manque.
    Des bons bâtiments vides dans la région?
    Contactez-moi svp : 0682408592

    1. Que ce soit en Drôme ou en Ardèche , il y a pléthore de maisons en pierres et beaucoup d’ artistes ( des Néerlandais , Suisses , Japonais , Belges et Allemands se sont expatriés et vivent près de chez moi , en Ardèche ) . Allez voir les Boutières , le plateau ardéchois , la Drôme provençale , le Vercors , l’ Ardèche du Nord et celle du Sud , etc …

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