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Pour faire de vieux os

De ferme en ferme, l’ostéo des animaux

Vétérinaire de formation, Elsa Louvet pratique aussi l’ostéopathie. Parmi les troupeaux, elle déniche les maux des bêtes en appréhendant le corps animal dans sa globalité physique et émotionnelle. Du bout des doigts, elle sent, redynamise et laisse libre cours aux énergies.

À travers la palpation, Elsa écoute le corps de l’animal et tente de détecter des douleurs, des troubles internes, viscéraux, nerveux ou circulatoires qui pourraient avoir causé un déséquilibre. © Thomas Louapre

Isolée dans un enclos de la ferme Saint-Anne à Héric, avec une blonde d’Aquitaine particulièrement nerveuse face à qui elle ne fait pas vraiment le poids, Elsa est pourtant en pleine confiance. Depuis plusieurs jours, la bête boite. Vincent, son éleveur, est inquiet, la vache devant partir à la reproduction dans quelques semaines. Une génisse qui ne peut reproduire n’est pas un animal rentable. Alors, pour la première fois, il a décidé de faire appel à une ostéopathe. Dubitatif mais plein d’espoir, il regarde Elsa étudier patiemment sa vache.

Elsa a 32 ans. Depuis ses 18 ans, elle souffre d’endométriose, une maladie douloureuse, chronique, parfois invalidante, qui touche de nombreuses femmes et pour laquelle il n’existe aucun traitement. Lors de ses consultations chez un ostéopathe pour soigner des tensions mécaniques au niveau du bassin, elle comprend que les contraintes externes ne sont pas la seule cause de ses douleurs, mais que les troubles internes et les dérèglements entraînés par sa maladie doivent également être pris en compte.

Elsa retourne la tête de l’animal, jusqu’à passer le museau en haut, afin d’assouplir et de relâcher les cervicales. © Thomas Louapre

Tout comme pour les humains, l’ostéopathie animalière nécessite de considérer le corps animal dans sa globalité, physique et émotionnelle, structurelle et viscérale, pour en améliorer la circulation des énergies et résoudre les dysfonctionnements. Après un rapide diagnostic, Elsa manipule l’animal du bout des doigts. D’abord le dos et les flancs. Puis le foie, les reins, la queue et la tête.

Sous ces gestes doux, fluides et maîtrisés, l’animal s’apaise peu à peu, témoignant seulement quelques mécontentements quand l’ostéopathe met le doigt sur l’une des tensions qui pourrait être à l’origine de sa boiterie. Il est nécessaire que l’animal réagisse face à la douleur. C’est un signal. Il y a peu j’ai été confronté à un éleveur qui, pensant bien faire, a donné un anti-douleur pour soulager une bête fragilisée. Ne sentant plus la douleur, l’animal a forcé, jusqu’à se déchirer le muscle.

© Thomas Louapre

Soigner la cause plutôt que le symptôme

L’ostéopathie vise à traiter les causes de chaque symptôme. Pour cela l’ostéopathe arbore une vision holistique qui prend en compte l’environnement, le comportement, les caractéristiques de chaque race, les habitudes de l’animal… A-t-il déjà eu un veau ? Est-il de tempérament calme ou nerveux ? Est-il au pré en ce moment ? Une histoire propre à chacun qui permet au soignant d’établir des hypothèses et d’évaluer les manipulations les plus propices à la guérison.

Exemple très concret : chez certaines vaches laitières possédant toutes les facultés pour se reproduire, les tentatives d’insémination échouent. Dans le cadre de son mémoire de recherche, Elsa interroge les solutions ostéopathiques. Grâce à l’étude de plusieurs cas, sa première hypothèse lui porte à croire que la cause tient dans un blocage au niveau de la tête, dans une zone qui concentre de nombreux nerfs. Cette zone est directement reliée à l’utérus et aux ovaires, via une chaîne où circulent les hormones grâce aux pulsations du cœur. Elsa a constaté notamment que le blocage d’une cervicale décale la pulsatilité des hormones entre le signal envoyé au début des chaleurs et le moment où l’animal est réellement propice à la reproduction.

Dans ce cas précis, la médecine traditionnelle aurait tendance à privilégier la prise d’hormones quand l’ostéopathe tente d’agir directement sur l’origine du dysfonctionnement. En s’efforçant à résoudre la cause plutôt que de soigner le symptôme, l’ostéopathe évite ainsi les traitements chimiques (antidouleurs, anti-inflammatoires hormones…).

Par le passé, les éleveurs faisaient appel à des rebouteux, conscients que le recours aux médicaments n’était pas toujours possible.
© Thomas Louapre

Médecine complémentaire

Dans le cas de certaines maladies, et notamment les pathologies chroniques, l’ostéopathie ne possède aucun remède miracle, si ce n’est la possibilité d’apporter un peu de confort à l’animal et de diminuer ses souffrances. C’est souvent ainsi qu’elle accompagne les animaux de compagnie en médecine canine.

En zone rurale, les motivations des éleveurs sont avant tout économiques. L’ostéopathe intervient le plus souvent pour soigner des troubles locomoteurs, des troubles liés à un traumatisme ou à un accident ou encore des troubles physiologiques. Les vaches boiteuses, ayant des difficultés à se relever, infertiles, sujettes aux troubles digestifs ou en baisse de production laitière peuvent entraîner une baisse de rendement et nécessiter l’euthanasie faute de traitement curatif.

L’ostéopathie animale intervient alors souvent comme dernier recours, là où la médecine traditionnelle a montré ses limites. Elsa est ainsi appelée par des éleveurs qui n’ont pas d’autres choix que de tenter le tout pour le tout. Par le passé, voire encore parfois aujourd’hui, les éleveurs faisaient appel à des rebouteux, conscients que le recours aux médicaments n’était pas toujours possible. Aujourd’hui je croise une nouvelle génération d’éleveurs qui se soignent eux-mêmes avec les médecines douces et qui ont pris conscience que cela pouvait également être une alternative pour leurs animaux.

Au Gaec des Champs des Monts, à Bouvron (44), par quelques manipulations le long de la chaîne hormonale, Elsa traite une vache Montbéliarde dont les précédentes inséminations n’ont pas abouti. ©Thomas Louapre

Sentir l’animal

L’ostéopathie animale a d’abord trouvé sa place auprès des professionnels du milieu équestre, avant de se développer petit à petit auprès des éleveurs de bovins, caprins, ovins… Si les éleveurs en agriculture biologique sont plus sensibilisés à ces médecines préventives et alternatives, la tendance s’étend également en conventionnel. Depuis peu, les chambres d’agriculture et les groupements agricoles proposent aussi des initiations à l’ostéopathie animalière ou à l’acupuncture.

Reconnue depuis 2011 et réglementée depuis 2017 l’ostéopathie animalière est considéré comme un acte vétérinaire. Elle peut être pratiquée par des professionnels qui, comme Elsa, ont fait une formation complémentaire, ou par des personnes sans diplôme vétérinaire, formées en écoles spécialisées, ayant passé un diplôme d’État et à condition qu’ils adhèrent à l’ordre des vétérinaires.

Consciente que l’émotionnel affecte aussi la santé de l’animal, Elsa présente un veau à une prim’hostein couchée après un vêlage compliqué dans lequel elle a perdu le sien. © Thomas Louapre

Soucieuse de transmettre sa connaissance et de sensibiliser l’éleveur aux problématiques de ses animaux, pendant chacune de ces interventions, Elsa explique son diagnostic et décrypte son travail thérapeutique sur l’animal. Les éleveurs sont demandeurs de conseils. J’essaie de les sensibiliser à des petites choses qu’ils peuvent voir visuellement. On obtient de bien meilleurs résultats si on intervient précocement sur l’animal. Cette sensibilité se développe au fil du temps, si tant est que le pratiquant fasse l’effort d’écouter attentivement l’animal au-delà des seuls aspects cliniques.

L’équilibre global dans lequel l’animal est appréhendé facilite d’autant plus sa capacité d’auto-guérison sur laquelle la pratique s’appuie, comme de nombreuses médecines douces. En définitive, je considère avoir bien fait mon travail quand mes clients n’ont pas trop souvent besoin de moi.

Yannick aide Elsa pour une mise en tension. © Thomas Louapre

6 commentaires

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  1. Bravo
    Ma fille Veterinaire osteopathe fait ce travail depuis quelques années près de GUERET dans la creuse.
    Elle travaille aussi bien sur le gros bétail que les animaux de basse courre ou les animaux de compagnie c’est surprenant les résultats qu’elle obtient.

  2. Bravo, beau travail!
    J’ai un cousin qui est agriculteur, éleveur de vaches laitières. Il est en train de se former au reiki pour soigner ses bêtes!

  3. « pour soigner des troubles locomoteurs, des troubles liés à un traumatisme ou à un accident ou encore des troubles physiologiques » c’est sur qu’un animal élevé pour être rentable, qu’on force à se reproduire et qu’on exploite le + possible : ça cause de sacrés troubles … Si seulement les gens se rendaient compte qu’on pourrait foutre la paix aux animaux …

  4. Article super intéressant et nouveau pour moi !
    Un sacré travail dans le bons sens de traiter les animaux sans médicaments 🙂
    Lene

  5. c’est un travail exceptionnel qui demande des qualités hors normes. Un grand bravo.
    Les agriculteurs doivent être particulièrement heureux d’avoir croisé la route de cette « magicienne ».

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