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Spiritueux amidonné

Vodka française : de la pomme de terre à la petite eau

En France, Pauline et Paul-Henri Leluc sont les seuls à produire de la vodka depuis la plantation de la pomme de terre jusqu’à la mise en bouteille. Un challenge dans une région surnommée le grenier de la France pour sa culture de betteraves et de céréales.

Pauline et Paul-Henri Leluc dégustant de la vodka viellie dans le chai. © Anne-Claire Héraud

Plus qu’un projet professionnel, la ferme de Faronville est un projet de vie. Pauline et Paul-Henri, couple passionné de spiritueux et d’agriculture, ont repris les terres familiales et relèvent le défi de créer une vodka française d’exception. Respectivement journaliste agricole et informaticien, ces enfants d’agriculteurs quittent leurs métiers et la capitale française en 2007 pour venir s’établir en Beauce avec leurs quatre enfants : Nous voulions jouer notre rôle familial en reprenant l’exploitation. Beaucoup de corps de ferme tombent aujourd’hui en ruine et ne sont jamais repris.

Stockage des pommes de terre de Faronville. © Anne-Claire Héraud

À l’image des producteurs de Calvados avec les pommes, ou de Cognac avec le raisin, le couple prend le parti de travailler et de transformer la matière première dont il maîtrise la culture depuis des années : la pomme de terre. Sur ses 260 hectares répartis sur deux sites, la ferme de Faronville produit aujourd’hui principalement des céréales (maïs, blés tendres et durs, orges) et des pommes de terre, suivant une rotation de sept ans, évitant ainsi la propagation du mildiou. 2500 tonnes par an de pommes de terre y sont récoltées, dont environ 40 tonnes sont réservées à la vodka. La majeure partie de la production est distribuée en coopératives.

La vodka « Premium » et la vodka « Petite Eau » de Faronville. © Anne-Claire Héraud

Très vite après leur installation, le couple souhaite se détacher du modèle agricole « traditionnel » légué par le grand-père de Paul-Henri, spécialisé dans les grandes cultures, comme beaucoup d’autres agriculteurs de la région. Animé par l’envie de retisser du lien social et de se diversifier, il développe et teste de nouvelles activités : de la culture de la pomme de terre à la production d’oignons blancs, en passant par l’aménagement de chambres d’hôtes, le couple finit par réaliser un rêve nourri depuis de nombreuses années en se lançant dans la distillation de vodka.

 

Le hangar de stockage et de tri des pommes de terre. © Anne-Claire Héraud

Le secret de la vodka

La vodka peut être fabriquée à partir de différentes matières premières, et suivant deux tendances : à la russe, avec une base de céréales (blé, orge, maïs…), ou à la polonaise, avec la pomme de terre. Paul-Henri, responsable de la production, se spécialise dans les vodkas polonaises et nous confie s’être inspiré de la recette originale pour créer la sienne : la vodka Faronville. Il aura fallu deux ans au couple pour affiner sa propre formule. La levure, c’est la baguette magique et le secret du distillateur. Personne ne divulgue cette information. Personne ne sait quelle levure est utilisée en Pologne par exemple, nous livre-t-il, en évoquant le subtil équilibre entre la variété de pomme de terre, l’enzyme et la levure, indispensable à la production d’un produit noble.

Paul-Henri qui fait couler les têtes de distillation, premières vapeurs d'alcool récoltées. © Anne-Claire Héraud

À Faronville, Pauline et Paul-Henri produisent aujourd’hui trois types de vodka : deux blanches, l’une à 40 degrés et l’autre à 42 ; ainsi qu’une vieillie en chai. Elles sont élaborées à partir de deux variétés de pommes de terre, sélectionnées sur des critères stricts de calibre et de taux de matière sèche (l’annabelle et l’agata), d’une enzyme d’origine française et d’une levure, dont ils taisent le nom évidemment.

La première étape se déroule dans la brasserie. C’est ici que se crée toute l’identité du produit, nous indique Pauline. Dès la récolte en août, les pommes de terre sont triées, nettoyées puis lavées. Elles sont ensuite épluchées, coupées en frites et cuites à plusieurs températures pour favoriser la réaction enzymatique qui transformera l’amidon en sucre. Cette purée sucrée fermente grâce à une levure française. C’est ce qu’on appelle le moût, qui est alcoolisé et prêt à la distillation.

L'alambic prestigieux de la ferme de Faronville. © Anne-Claire Héraud

L’alambic de la ferme de Faronville, de fabrication bordelaise, a la particularité de disposer d’une colonne de rectification au centre, permettant une sélection des vapeurs. Les premières, les têtes de distillation, sont les mauvais alcools chargés en méthanol qui sont jetés. Suit le cœur de chauffe, qui reste plus longtemps dans cette colonne, ajoutant ainsi de la rondeur à l’alcool. Enfin, les queues de distillation, mauvaises au goût, sont mises de côté pour être réutilisées lors de la prochaine distillation.

Après distillation, l’alcool est réduit au degré désiré en ajoutant de l’eau puisée et osmosée sur place. L’alcool collecté repose enfin pendant trois semaines en cuves avant la mise en bouteille. Une partie de l’alcool distillé est réservée à la fabrication de vodkas vieillies en fûts neufs, qui permettent d’assembler différentes saveurs et couleurs. Dans son chai, Paul-Henri teste, goûte et compose. Un véritable travail d’artiste, empreint de subtilité.

Le cœur de chauffe récolté après distillation. © Anne-Claire Héraud

L’accord de la vodka

À l’arrivée, leur vodka blanche nommée Petite Eau (vodka en russe), plus appréciée des puristes du spiritueux, filtrée cinq fois à froid, est la plus neutre et minérale des trois. Tandis que l’autre blanche, la Premium, non filtrée à froid, plus aromatique et plus assumée sur le côté pomme de terre, est prisée des personnes ayant des a priori négatifs sur le goût agressif que peut parfois dégager cet alcool.

La colonne de rectification de l'alambic. © Anne-Claire Héraud

À la question quelle vodka préférez-vous ?, Pauline et Paul-Henri répondent en chœur que cela dépend avec quoi. Ils nous invitent à accorder la première aux arômes délicats, raffinés et élégants avec du saumon, une salade et un blini, en toute simplicité, à la russe. Pour la deuxième, plus aromatique, elle sera appréciée pour accompagner du sucré. Elle se marie par exemple très bien avec du chocolat, des macarons, de l’amande…

Le couple se réjouit aujourd’hui d’avoir une place dans le monde de la gastronomie : Les chefs inventent des recettes incroyables et nous font découvrir des assemblages auxquels on n’aurait pas forcément pensé, comme par exemple l’association avec de l’agneau au miel.

Pauline en pleine explication sur le vieillissement de spiritueux en fûts. © Anne-Claire Héraud

Finalement, et bien que la vodka ne soit pas l’unique débouché pour les pommes de terre de la ferme de Faronville, ce ne sont pas moins de 5000 bouteilles par an qui sont distribuées et vendues à des cavistes et des épiceries fines. Il faut dire que la petite eau à base de pomme de terre spécifiquement est rare. Deux autres vodkas de ce type existent aujourd’hui dans l’Hexagone. Elles sont distillées à partir de tubercules provenant de coopératives. La réalisation artisanale d’un bout à l’autre de la chaîne engagée par Pauline et Paul-Henri leur permettent de sortir leur eau du lot.

Le lièvre, animal très présent dans la région, inspiration du logo de la vodka de Faronville. © Anne-Claire Héraud

Un commentaire

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  1. Bonjour,
    Il existe cette fabrication en de nombreux lieux en France,
    Je note un grosse fabrication dans ka Marne.

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