Devant un rayon de vins, vous ne savez jamais vraiment vers quelle bouteille vous ruer. Avouez-le, bio, HVE, nature ou biodynamique, tout ça c’est un peu du plouf plouf, voire la roulette russe. Grâce à Guillaume, caviste chez La Cave, à la Bastille, voici une anti-sèche particulièrement digeste à avaler. Jusqu’à plus soif !
Première gorgée : les vins biologiques
Le label bio, vous le connaissez sûrement : c’est la petite feuille étoilée sur fond vert pour l’Europe, les lettres AB pour la France. Les deux garantissent la même chose, à savoir que les viticulteurs cultivent leurs raisins sans aucun produit chimique de synthèse et bannissent les OGM. Côté vinification, la liste des produits autorisés est un peu moins longue qu’en conventionnel mais on permet quand même l’ajout de tanins, de soufre, de levures… qui ne se doivent pas d’être bio. Côté sulfites, les vins bio ne doivent pas dépasser 100 mg/l (c’est 160 pour les autres).
Et c’est meilleur le vin bio ? C’est comme tout, il y a du bon et du moins bon. Ce qui déchaîne les passions chez ses amateurs, c’est la teneur en soufre. Si la fermentation du raisin en produit naturellement, on peut aussi en ajouter pour tuer les bactéries et levures indésirables, en plus de protéger le vin de l’oxydation (bref, pour qu’il dure longtemps). Sa mention est obligatoire sur les étiquettes, sous les noms soufre, SO2, dioxyde de soufre ou encore sulfites. En théorie, moins votre bouteille en contient et plus vous évitez le mal de crâne du lendemain de soirée. Dans un autre registre, pour certains, la présence de sulfites s’associe à l’apparition de rougeurs comme manifestation d’une allergie. Oui, c’est un peu gênant.
Du côté de l’expert : Le plafond de soufre autorisé en bio est très élevé. Triste réalité, pour notre caviste, le logo ne dit pas quoi que ce soit sur la qualité du vin, ou encore sur sa camisole. (Visualisez quelqu’un : c’est le vin. Puis imaginez cette même personne dans une camisole, et dites-vous que c’est ce qui la retient de bouger.)
Dress code du vin bio
– Un logo vert avec son épi blanc ou deux lettres AB sur fond vert.
– Des sulfites autorisés, déclarés sur toute étiquette si la bouteille en contient plus de 10 mg par litre (c’est presque inévitable).
– Et puis quand même 35 intrants autorisés pour la vinification (mais là, rien n’est dit sur l’étiquette).
Deuxième verre : les vins HVE
HVE, ça veut dire haute valeur environnementale, et cela ne certifie pas la qualité du vin que vous achetez mais la qualité environnementale de l’écosystème où il est produit. Cette certification atteste que les viticulteurs (mais ça marche aussi pour les autres agriculteurs) se soucient bien de l’environnement. Le cahier des charges porte sur l’ensemble de l’exploitation, qui doit être pensée en fonction de quatre biais : on fait donc attention à la biodiversité ; on adapte l’utilisation des fertilisants et des pesticides en fonction des indésirables à éradiquer (on évite de tuer tous les insectes présents par exemple) ; et on optimise l’utilisation d’eau en fonction des sols.
Du côté de l’expert : Guillaume connaît bien Terra Vitis, le label HVE utilisé pour les vins. Les vignerons labellisés ont cette philosophie du vin propre, mais s’ils doivent traiter à un moment pour sauver les vignes, il le feront et, a priori, ils feront attention à ne pas retrouver de traces de chimie dans leur vin. Ça a le mérite d’être clair. Tous les vins Terra Vitis que j’ai pu goûter jusque-là étaient de qualité. On sent qu’ils ont joué le jeu. Une fois encore, ce n’est pas tant le label qui compte mais la philosophie du vigneron.
Rappelons que l’association Terra Vitis met l’accent depuis 1998 sur les trois piliers du développement durable : environnement, social et économie. Regroupant six associations régionales (Vallée de la Loire, Alsace, Champagne, Beaujolais/Bourgogne, Languedoc-Roussillon/ Vallée du Rhône, Bordeaux/Sud-Ouest), les vignerons adhérents se donnent pour mission de devenir des exemples de responsabilité sociétale sur leurs exploitations.
Dress code du HVE
Pour résumer, dans les vins HVE, vous trouverez de tout, mais en quantité… raisonnée ? À chacun d’apprécier ce qui est raisonnable et ne l’est pas. Chez Terra Vitis, le logo est un cercle gris, avec une grappe au milieu.
Troisième lampée : les vins biodynamiques
Pour pousser plus loin cette logique écologique, certains viticulteurs se sont lancés dans la biodynamie (et ce n’est pas simple). Dans les années 1920, Rudolf Steiner, philosophe autrichien, préconise (déjà) de se débarrasser des engrais chimiques et pesticides. En agriculture biodynamique, le but est de réduire au maximum la présence d’intrants et aucun intrant de synthèse n’est admis (on utilise par exemple des engrais et traitements à base de plantes et de bouses de vache). Surtout, le producteur considère ses végétaux (ici, la vigne) comme appartenant à un écosystème et il cherche à y maintenir un équilibre (entre plante, sol, terre et environnement). Ce qui le conduit notamment à un suivi strict du calendrier lunaire. Ça vous fait rire ? Il faut être peu intéressé ou entêté pour ne pas comprendre que la lune influe sur la pousse des fruits et légumes ! rappelle Guillaume. Si cet aspect mentionné seul est parfois caricatural de la biodynamie, la méthode complexe a déjà fait ses preuves au niveau gustatif. Ceux qui ricanent encore se rappelleront que les domaines de la Romanée-Conti, Gramenon ou le Clos des Vignes du Maynes sont en biodynamie depuis des années.
Là où le consommateur peut faire une vraie différence, c’est entre les vins conventionnels et les biodynamiques ou naturels. En matière d’arômes, de saveurs et d'expression du terroir, c’est souvent incomparable.
Du côté de l’expert : les vins Demeter
Le label Demeter, c’est celui qui garantit le plus une méthode de production et de vinification respectueuse. Ils ont un cahier des charges strictement défini, on est sûr a priori qu’ils n’ont pas mis de saloperies dedans.
Pour les vins biodynamiques, ça fonctionne par cycle, en fonction de la lune et des saisons. Sur une caisse de six, pour les cuvées sans soufre ajouté en particulier, et en fonction du moment où l’on déguste, on peut se retrouver avec un vin plus ou moins différent. Moins il y a de souffre, plus le vin devient vivant !
Dress code du biodynamique
Les vins biodynamiques se reconnaissent à deux labels. Demeter (oui, faisons tous comme si nous savions que c’est la déesse de l’agriculture) existe depuis 1927 dans 53 pays et Biodyvin l’a rejoint en 1995. Le premier est orange et le deuxième représente une grappe verte.
Dernier verre pour la route : les vins naturels
Chez les naturels, les producteurs reprennent les cahiers des charges du label biodynamique, pour y ajouter quelques caractéristiques. Chez eux, comme pour les domaines en biodynamie, généralement de petites tailles, les vendanges sont manuelles ; les levures utilisées sont celles présentes naturellement dans les baies de raisin ; les techniques dites brutales sont proscrites (la pasteurisation rapide par exemple) ; et aucun produit n’est ajouté lors de la vinification, (la quantité très limitée de soufre étant indigène).
En gros, dans le vin naturel, il n’y a que du raisin. On peut en distinguer deux types : les vins naturels de l’association AVN, et les vins de l’association S.A.I.N.S. Les vignerons de l’association des vins S.A.I.N.S (Sans Aucun Intrant Ni Sulfates ajoutés, aucun rapport avec les cieux) se sont unis autour d’une charte prônant le respect des consommateurs, de la nature et ont misé sur la dimension humaine. Les vignerons sont extrêmement attentifs dans les vignes et s’appliquent pour leur culture, pour pouvoir se passer de produits chimiques lors des différentes étapes de la fermentation de leur raisin. Par conséquent, on ne retrouve pas de traces de ces intrants de synthèse si contestés.
Faire un vin nature, c’est très exigeant, pendant trois ou quatre mois, les vignerons dorment très peu, ils se lèvent constamment la nuit pour aller voir où ça en est.
Dress code du Naturel
Pour les vins AVN, il existe un logo, assez simple et de couleur violette … Mais pour les vins S.A.I.N.S, pas de label, il faudra fouiner un peu.
Pour s’y retrouver, on vous refile une astuce : l’application Raisin, le Google Maps du vin naturel. Recensant plus de 1300 vignerons du vin naturel dans le monde entier, et 2500 caves, restaurants et bars, l’appli est collaborative. Chacun donne son bon plan, avant que les informations ne soient modérées.
Du côté de l’expert :
Sans une camisole, le terroir va beaucoup mieux s’exprimer dans le vin. C’est ce que vous diront tous les vignerons qui font du nature. D’après moi, on trouve davantage d’acidité (entendez de la fraîcheur) dans ce type de vin et il donne une part belle au fruit et pas aux arômes liés à un élevage marqué (arôme boisé puissant par exemple). D’une certaine manière, disons que ces vins sont plus authentiques. Aussi, pour qu’ils soient réussis et sans défaut, c’est dur ! Ils peuvent très facilement être déviants : certains diront qu’il sentent la ferme, ou qu’il y a un goût saucissonné en bouche. Mais certains aiment ça, semble-t-il !
Vous avez pris de la bouteille ? Vous voilà expert en label de pinard ? Sachez que beaucoup de vignerons n’adhèrent pas aux grands labels, sans pour autant produire de vin conventionnel ! Ajoutons que parmi les vins écologiques, certains sont faits pour durer, quand d’autres sont réservés à une consommation plus rapide. À vous d’en discuter avec votre caviste ou le producteur d’à côté avec un petit ballon de rouge. Ou de blanc, sur ce sujet, on n’a pas de conseils à vous donner.
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Merci à Guillaume de La Cave, à la Bastille, 6 rue Sedaine à Paris pour ses précieux conseils et informations.
Jamais lu autant d’idées reçu et de fausses informations en si peu de temps. Quand un caviste essaye d’expliquer le métier de vignerons: ben, il est forcément à côté de la plaque. Pourquoi ne pas demander aux agriculteurs concernés comment ils travaillent? Cordialement
Loin de toute polémique sur le sujet, seulement quelques petites précisions. HVE et Terra Vitis n’ont rien de commun, le premier se veut plus « officiel » que le second, qui lui même est plus restrictif que le premier car le suivi se fait de la vigne jusqu’à la bouteille, seulement dans la vigne pour hve. Les vins « nature » eux ont la particularité de donner avantage au fruit et à la fraîcheur. Mais ils se dégradent vite parfois, ils bougent beaucoup en fonction de nombreux critères comme la température, l’hygrométrie, la météo en général et les conditions de conservation. Délicats à produire, ils demandent une grande surveillance et un savoir faire de la part du vigneron. Le principal dans tout cela, c’est que le meilleur vin est celui qui vous plait, le reste……
Super article ! juste et bien expliqué! BRAVO!
Famille SCARLATA – vignerons nature en Languedoc
Juste pour preciser: Teras Vitis n’est pas un label de HVE pour le vin. Mais Teras Virus est un label et HVE en est un autre.
Super clair MERCI
Plusieurs erreurs factuelles dans ce papier :
– l’agriculture biologique autorise certains pesticides de synthèse (sulfate de cuivre par exemple)
– on ne risque pas de tuer beaucoup d’insectes avec du glyphosate puisque c’est une herbicide
– les cycles de la Lune n’ont aucun effet prouvé sur les cultures (cf. https://en.wikipedia.org/wiki/Lunar_effect#In_plants )
Si vous demandez à des sages-femmes s’il y a plus de naissances pendant la pleine lune, une partie va vous répondre que oui. Or, l’Insee est formel : ça n’est pas le cas. Même chose pour les agriculteurs.
Forcément, si Wikipedia est votre source.. Alors vous ne pouvez qu’avoir raison!
Quid de l’expérience des agriculteurs (au sens large) depuis des décennies?