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Retrouver du jus

La clairette pétille encore

Durement touchée par la crise du Covid-19 et par la concurrence avec le prosecco italien, la clairette de Die peine à maintenir sa tête hors de l’eau, laissée-pour-compte dans ses cuves. Frédéric Raspail, producteur bio installé à Saillans dans la Drôme, parvient encore à ne pas trop perdre de plumes (ou de bulles).

Les vignes de Frédéric Raspail au plateau de la Tour à Saillans font face au massif des trois Becs. ©earl Raspail Jean-Claude

Passer le tunnel de pierre construit dans la roche de l’Écharenne, c’est sortir du village de Saillans et s’en prendre plein la vue : le sommet des Trois Becs, forteresse calcaire de 1500 mètres d’altitude, domine telle la proue d’un navire la vallée de la Drôme. Si au milieu coule une rivière, les collines escarpées sont couvertes de vigne, de ce muscat blanc à petits grains que les vignerons cultivent pour la clairette, ce vin blanc pétillant naturellement effervescent classé en appellation d’origine protégée (AOP).

Sur les 1600 hectares plantés sous l’appellation Clairette de Die, 1200 sont en contrat avec la cave coopérative Jaillance à laquelle sont affiliés 200 viticulteurs. Frédéric et Anouck Raspail, quadragénaires, quatrième génération à produire de la clairette à Saillans, produisent eux dans leur caveau une dizaine de cuvées issues de 15 hectares de vignes, en bio depuis 1997. Comme le reste de la filière, ils ont été touchés de plein fouet par les conséquences économiques de l’épidémie de Covid-19. Les ventes de clairette ont chuté de 40 % pendant le confinement.

La salle de remuage. Les bouteilles sont régulièrement remuées afin d’éviter qu’un dépôt ne se colle le sur verre. ©earl Raspail Jean-Claude

Pêche de vigne

Parfois appelé le champagne du pauvre, alors que cela n’a rien à voir, la clairette n’a pas le même goût, explique Frédéric, qui après ses études d’œnologie a fait ses gammes chez Bollinger, la clairette fermente naturellement sans ajout de levure ni de sucre dans des cuves à moins trois degrés jusqu’à la mi-novembre, ce qui stoppe la fermentation par le froid avant que le sucre ne transforme le raisin en alcool. Le vin est ensuite mis en bouteille début décembre dans une cave à dix-douze degrés. Peu alcoolisée, la clairette a des saveurs qui se rapprochent parfois de la pêche, longtemps cultivée à Saillans avec la lavande et la noix.

C’est Jean-Claude, le père de Frédéric, qui a agrandi l’exploitation. Elle est passée de trois à quinze hectares, en utilisant la chimie seulement pour désherber sous les pieds de vignes, deux fois par an. Désormais, ce désherbage est géré grâce à des machines performantes. C’était naturel pour mon père de passer en bio comme il était impensable pour lui de vendre son vin à la grande distribution. Il dit toujours qu’il aurait préféré arracher sa vigne plutôt que de faire ce choix. Au milieu des années 1980, une déviation routière est construite et permet de désengorger la vallée du trafic routier qui asphyxie les villages. La nouvelle route en direction de Die contourne Saillans et longe un des hectares de vignes de la famille Raspail. Jean-Claude décide d’y construire son caveau et la boutique.

Jean-Claude, le père de Frédéric, n’a jamais voulu vendre sa clairette à la grande distribution. ©EPerrin

Raz-de-prosecco

Aujourd’hui, 70 % de leurs ventes se font sur place, 10 à 12 % à l’export et le reste auprès de coopératives bio. Nos vignes sont plantées sur des terres escarpées des coteaux de Saillans, nous vendangeons à la main un peu tard dans la saison afin de ramasser un raisin bien mûr. Nous n’avons pas augmenté nos prix en passant au bio et nous refusons de nous agrandir pour passer à une production intensive. Ici, le climat à la fois méditerranéen et montagneux (proche du Vercors) tranche avec les centaines d’hectares de la plaine de Venise, où naît sur ces terres à maïs le prosecco italien, avec qui la concurrence est rude.

Frédéric s’empare des bouteilles une à une dans la salle de remuage, un geste exécuté régulièrement car la clairette est un vin doux, un dépôt se colle sur le verre. Le muscat blanc à petit grain est très branchu et donne beaucoup d’amertume, il faut donc l’écraser avec précaution, en le respectant, confie-t-il, au pied de l’énorme pressoir à pneumatique. Dans la boutique, l’étiquette du vin blanc « Les belles demoiselles vendangé le 20 décembre 2018 », donne à voir les collines à fortes pentes de Montalivet. Dans la région, d’autres ont déjà fait le choix de la biodynamie, une démarche qui va plus loin que la bio. De quoi provoquer une effervescence ?

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  1. N’hésitez pas à faire un tour à leur boutique, ils sauront vous faire partager leur passion et vous repartirez avec le carton de bouteille idéal pour fêter les petites et grandes occasions en souvenir !
    Une belle rencontre lors de notre passage estival à Die il y a 2 ans !

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