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Voyage dans les petits espaces

Dans un petit jardin urbain, une grande abondance

Pas besoin d’aller vivre à la campagne pour accueillir plein d’êtres vivants sur son terrain. Près de Nantes, un amoureux de la biodiversité en fait l’expérience sur 450 m² à peine.

Un rectangle bien ordonné, un carré débordant de courges et un carré pour les plantes spontanées en liberté. La recette du jardin idéal ?

Le jardin entoure une petite maison moderne dans une longue rue d’Orvault, tout près de Nantes (Loire-Atlantique). Situé au beau milieu d’un quartier pavillonnaire, sa superficie ne dépasse pas les 450 m² : exactement la moyenne des jardins privés français. Le nombre d’êtres vivants au mètre carré, en revanche, est très largement au-dessus de la moyenne. François Liorzou, son propriétaire, y a listé une centaine d’espèces de végétaux, dont un quart sont venus là spontanément. Il a repéré des dizaines d’insectes, des merles noir, des mésanges, des pinsons des arbres et des huppes fasciées.

Un havre de paix qu’il a confectionné avec des outils simples : une bêche, un râteau, une tondeuse et un broyeur de végétaux. Et des techniques pas plus compliquées. Il composte ses épluchures, feuilles mortes et petits résidus de taille. Ici, rien ne se perd, observe-t-il. Il paille son petit potager pour en préserver l’humidité et entrepose les branches taillées dans un coin, ce qui constitue un abri pour beaucoup d’animaux. Souvent, il ne fait même rien du tout : Je ne tonds pas certains rectangles, pour en faire de petites prairies. Désignant une plate-bande : Je vais simplement nettoyer ici un peu au printemps.

Même dans un petit jardin, couper les espaces et les perspectives est forcément une bonne idée.

Nettoyer. Le mot est lâché, par erreur. C’est la formation initiale qui revient, sûrement. François Liorzou a fait ses classes en aménagement paysager dans les années 1970, à une époque où on apprenait à utiliser systématiquement ce qu’on appelait des matières actives, des herbicides, des pesticides, des fongicides. On nous apprenait à tuer en fait.

Devenu enseignant à son tour en formation BTS, il continue à se former et découvre des méthodes beaucoup plus douces, comme les travaux de Gilles Clément. Ce paysagiste a développé entre autres l’idée qu’il faut faire le plus possible avec, le moins possible contre, ou proposé la notion de tiers paysage – qui désigne l’ensemble des espaces délaissés par l’humain, souvent les plus riches en matière de biodiversité.

Pour François Liorzou, c’est une claque. Il contacte Gilles Clément à la fin des années 1990 pour organiser des conférences. Ensemble, ils vont créer à partir de 2003 un « jardin en mouvement » (un concept de Gilles Clément qui laisse une large place aux dynamiques du vivant) de 5 hectares dans le lycée où enseigne François Liorzou, à Saint-Herblain.

Des milliers d'espèces différentes peuvent cohabiter sur un petit espace comme celui-là.

Alors, après avoir utilisé le mot nettoyer, François Liorzou se reprend : Je vais juste retirer un peu de matières sèches pour laisser aux végétaux la place de s’épanouir dans la parcelle. Aujourd’hui retraité, le paysagiste est convaincu qu’on peut appliquer sa vision du jardinage autant sur un petit jardin urbain que sur un grand terrain de plusieurs hectares. Par exemple, dans des jardins trop petits pour y creuser une mare, de larges bassines en zinc peuvent accueillir bon nombre d’espèces adaptées à l’eau, comme le plantain d’eau ou la libellule. La végétalisation peut coloniser des gouttières et des regards avec de la mousse, ou un toit d’abri de jardin avec des sédums.

Sachant que 80 % des jardins français comptent au moins un petit bout de pelouse, mis bout à bout, ces espaces privés représentent plusieurs centaines de milliers d’hectares, soit l’équivalent d’un grand département français. Ou encore… de l’ensemble des réserves naturelles françaises !

Ceux qui s’appliquent à en faire des lieux vivants et attirants pourront obtenir des résultats formidables. Ainsi l’entomologiste britannique Jennifer Owen a compté depuis les années 1980 l’ensemble des espèces qui ont visité son jardin de 700 m², situé dans la ville de Leicester. Elle est parvenue à identifier pas moins de 2 673 espèces différentes, dont 474 plantes, 1 997 insectes, 138 araignées et cloportes ou 54 espèces d’oiseaux !

Trois conseils de base délivrés par François Liorzou :

 

1 – Regarder comment la nature fonctionne

Un jardin ça a un sol, un environnement, une banque de graines déjà présentes. Quand on se lance, il faut se demander « où j’habite ? » et « qu’est-ce qui pousse autour de moi ». Ensuite, il faut adapter votre conception et vos plantes au milieu, et pas l’inverse. Souvenez-vous qu’on ne fera jamais pousser un roseau dans un tas de sable ni une lavande dans un marais.

2 – Accepter de ne pas tout maîtriser

Regarde ici, il y a des pissenlits. Beaucoup de gens voudraient les retirer. Moi, ils ne me gênent pas du tout. De façon générale, il faut accepter d’avoir des plantes spontanées au jardin. C’est elles qui apportent le plus de biodiversité.

3- Croire au mouvement

Je vois beaucoup d’émissions de jardinage où, à la fin de l’émission, on voit du jour au lendemain un jardin entièrement replanté, avec des individus adultes. Ça donne l’impression que les plantes sont là comme un décor définitif, figé. Au contraire, il vaut mieux planter souvent des arbres et arbustes plus jeunes, et les laisser s’épanouir. Et comme ça le jardin n’est jamais terminé, il est en mouvement.

Pour approfondir

Références

L’auteur défend l’idée que l’on peut créer et gérer un espace paysager – même petit – en favorisant la diversité écologique, en respectant le vivant et en limitant les entretiens futurs.

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