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Surplus de bonheur

Babelicot, le beau projet avec rien à jeter

Babelicot est une conserverie artisanale brestoise créée par Éléonore et Benjamin Faucher. Qui dit conserverie bretonne, dit sardines en boîte ? Non, les deux entrepreneurs ont pêché une bien meilleure idée pour donner du sens à leur travail : la valorisation des invendus des maraîchers de la région.

La pointe Saint-Mathieu, dans le Finistère, là où tout a démarré. ©Domitille Langot

Conte de faits

Tout commence par un conte qui a marqué l’enfance d’Éléonore. Après avoir avalé un pépin de babelicot, une maman devient poupée et sa petite fille découvre la réalité de parent. Une histoire où s’inversent les rôles. Et inverser la tendance, c’est ce qui anime aujourd’hui les deux jeunes ingénieurs agronomes.

Dans leur vie professionnelle, ils sont confrontés à une réalité qui les indigne : le surplus de production des maraîchers du Finistère. Ils espèrent qu’un organisme, un collectif ou une association organise une filière pour le valoriser. Le constat est partagé par tous, pourtant rien ne se fait. Alors le couple se mobilise : ce qui était destiné à la poubelle sera valorisé et s’imposera au passage comme source d’emploi à la rémunération juste. Le pépin a germé. Babelicot, cela sonne plutôt bien comme nom d’entreprise ? suggère Éléonore.

Nicolas dans son champ où plus rien ne se perd. ©Domitille Langot

Du local dans le bocal

Et sur le terrain ? Imaginez le champ de Nicolas qui coule vers la mer à la pointe Saint-Mathieu. Un paysage sublime et préservé pour que les légumes bio du maraîcher se chargent de saveurs et de nutriments.

Pourtant il a un problème. Sa semeuse n’est pas bien réglée pour l’espacement de ses choux. Quelques centimètres de trop entre chaque plant et les voilà qui poussent sans contrainte : magnifiques, denses et volumineux. Mais invendables, pas suffisamment normés pour rejoindre les cagettes ou les étals. De plus, la météo très favorable des deux dernières semaines a accéléré leur croissance, tout comme celle de ses confrères, créant un pic de production. Impossible d’écouler toute la marchandise. Reste à les arracher, les broyer et les retourner à la terre pour l’amender. Pas perdu pour son champ, mais pour Nicolas, le manque à gagner est cruel. Il y a bien les grosses coopératives légumières qui achètent les surplus agricoles pour leur transformation ou leur surgélation, mais elles ne sont pas preneuses de son trop petit volume. Il pourrait les brader sur les marchés, mais sa clientèle est peu encline à passer des heures en cuisine. Alors pourquoi ne pas les transformer lui-même ? Il n’a ni le temps, ni la compétence, ni l’outil de travail pour se lancer dans la conserverie. C’est un métier qui ne s’improvise pas.

15 à 20 % de sa production, tous légumes confondus, partait ainsi dans le sol chaque année. Mais ça, c’était avant Babelicot ! Maintenant, dans un rayon d’une cinquantaine de kilomètres autour de Brest, l’entreprise achète et met en bocal tous les laissé-pour-compte de Nicolas. Il faut voir son sourire lorsqu’il livre et la complicité d’Eléonore pour comprendre combien le projet fait sens pour tous.

La soupe du jour : potimarron et lentilles corail au curry. ©Domitille Langot

Serial transformators

De la belle idée à la faisabilité, il a fallu plus d’un an à Éléonore et Benjamin pour éplucher méthodiquement tous les aspects commerciaux, comptables et juridiques. Créer le réseau, organiser les livraisons, trouver un atelier, les débouchés commerciaux et surtout élaborer une gamme de produits différente pour ne pas marcher dans les plates-bandes de la concurrence.

Tiens, je ne vois pas beaucoup de petits pots de bébés bio et locaux. Et des tartinables végétariens pour l’apéro ? Pas davantage de sauces et de condiments sans adjuvants… L’essai est transformé en 2016. Babelicot affichent 36 propositions gourmandes dans ses bocaux aux étiquettes colorées et au graphisme enfantin, vendus dans les rayons des magasins bio, sur Internet, dans les événements lié au développement durable et dans les paniers de la Ruche qui dit Oui !

Aussitôt cuite, aussitôt conditionnée. ©Domitille Langot

Orange mécanique

Jeudi, c’est potimarron ! Un magasin vient de livrer les dernières caisses du stock de cucurbitacées qu’il ne parvient plus à vendre. Une lassitude de la clientèle à la fin de l’hiver. Et aussi ceux d’un maraîcher, dont le calibre n’a rien de canon. Dans l’atelier, Benjamin est aux fourneaux, Éléonore à l’embouteillage, et une stagiaire les aide. La soupe de potimarron s’enrichit de lentilles corail et de curry. Rien de plus, c’est comme à la maison. Rien à voir avec l’industrielle qu’on étoffe d’amidon, d’eau et d’exhausteurs de goût. Un délice qui passera à l’autoclave pour assurer sa conservation.

Et c’est là, toute la difficulté du métier. Il a fallu beaucoup d’expérimentations pour élaborer les recettes, doser les ingrédients, ajuster la cuisson pour éviter les surprises de la stérilisation (modification de couleur, de texture, de saveurs). Une fondue de courgettes revenues préalablement dans l’huile peut développer un curieux goût de graisse de canard. Un houmous de betterave peut perdre au passage l’intensité de son violet.

Après l’encapsulage, la stérilisation, puis le collage de l’étiquette, une centaine de bouteilles d’un bel oranger sort de l’atelier. Demain, en fonction de la nature des rescapés, ce sera production de petits pots pour bébé, de pesto vegan, de rillettes de champignons ou de curry d’oignons. Benjamin a son carnet de recettes par saison bien au point. Et s’il faut improviser, c’est un défi qu’il aime relever. À l’instar de leur chutney de tomates vertes : un maraîcher qui voulait jeter en fin de saison ses tomates qui ne pourraient plus murir a appelé Babelicot à tout hasard. Ah, bon ! Vous allez en faire quelque chose ? Oui, un must de la gamme maintenant…

Éléonore et Benjamin Faucher, les deux initiateurs de ce beau projet. ©Domitille Langot

Des choux gras pour demain ?

Comment se développer et assurer la pérennité de l’entreprise tout en respectant ses valeurs ? La question est délicate. Ne pas céder à une trop importante augmentation de la production qui engendre fatalement la recherche de la meilleure marge au prix le plus bas. L’esprit de notre conserverie bio artisanale, c’est respecter le travail des maraîchers, des produits, de la saisonnalité, du circuit-court et de notre clientèle. Pour rester fidèle à l’économie solidaire, l’avenir de Babelicot serait peut-être d’initier son concept à taille humaine à d’autres régions. Éléonore et Benjamin n’ont pas le bocal de cristal pour lire l’avenir. Mais l’énergie pour entreprendre, oui…

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Babelicot, 5, rue de Kervézennec, 29200 Brest, babelicot.fr

6 commentaires

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  1. Alors là, moi je dis « chapeau » aux deux créateurs de cette entreprise !
    Bravo !
    Et oui, un essaimage dans les autres régions serait intéressant !

  2. Bravo !!! ça donne envie de dupliquer par chez nous dans le val d’Oise
    Un travail qui a du sens !!!

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