fbpx

Monts et cristaux

Salies : un sel qui coule de source

À 50 km de l’Atlantique, aux pieds des Pyrénées, le sel de Salies sort du sol béarnais comme un diable de sa boîte. Après avoir fait la richesse du village, cette curiosité géologique a lié son destin à celui d’un géant gastronomique du Sud-Ouest, le jambon de Bayonne.

La pêche au sel demande de la patience, mais ça mord à tous les coups. ©Thomas Louapre

La vapeur d’eau s’élève en épaisses volutes au dessus du bassin bleu ciel. D’un geste précis, Thomas fait glisser son épuisette à la surface, l’égoutte et la vide avec délicatesse. Le produit de sa pêche se dévoile au grand soleil : ici, ce n’est pas du poisson que l’on tire des eaux, mais l’or blanc de Salies-de Béarn. Le sel de source, cette curiosité qui a fait la richesse et la fierté de cette petite ville thermale du Sud-Ouest.

L'exploitation des sources salées est ici attestée depuis 4000 ans.

Reliquats de la mer retirée bien avant la formation des Pyrénées, les poches de sel-gemme souterraines vieilles de 250 millions d’années sont traversées par des sources qu’elles chargent à plus de 300 grammes de sel par litre, soit une concentration dix fois supérieure à l’eau de mer ! Aujourd’hui encore, la Heste de la Sau (la fête du sel) met en scène, tous les ans, la traditionnelle distribution de l’eau salée à chaque famille au centre du village, à la fontaine du Bayaà.

Aux manettes de sa grue, Christian pioche « au pif » puis égoutte le gros sel. Il en tire 1600 tonnes par an. ©Thomas Louapre

Une pêche au poêle

La production de sel n’a jamais cessé mais la précieuse eau est maintenant captée à quelques kilomètres du village, à plus de 100 mètres de profondeur et tuyautée jusqu’à une petite usine employant 7 personnes. Mise à décanter dans un grand bassin pour perdre son fer et garantir sa blancheur au sel, l’eau arrive ensuite dans les fameuses « poêles à sel », le spot de pêche de Thomas. Au fond de l’eau, des résistances électriques font monter la température à 83°C, qui permet une cristallisation optimale du sel.

La fleur de sel se forme en pyramide inversée à la surface, et si on ne la récupère pas, elle coule au fond, explique Gaëlle Reclus, responsable qualité et environnement du site. C’est pour ça que Thomas veille au grain ! L’étudiant, en contrat saisonnier pour l’été (la récolte s’étale mai à septembre), n’est pas le seul à pêcher dans sa poêle. À ses côtés, une immense pince actionnée par une grue ramasse le gros sel déposé dans le fond du bassin. Mis à égoutter, le tas blanc est ensuite emmené en tractopelle jusqu’à un hangar pour y sécher quelques mois. Rien ne se perd : les « eaux mères » du bassin, délestées d’une partie de leur sel, sont envoyées au thermes de Salies, pour faire barboter les curistes.

Le sel est mis à sécher en hangar, au moins 2 mois. Pour la salaison du jambon, il doit contenir moins de 8% d'humidité. ©Thomas Louapre

Sans Salies, plus de Bayonne !

Une prestigieuse destination attend le gros sel ensacheté aujourd’hui : les salaisons de jambon de Bayonne. Le cahier des charges de l’Indication géographique protégée du jambon, décrochée en 1998, implique en effet l’emploi de sel-gemme du bassin de l’Adour. Or, depuis la fermeture des salines de Bayonne, Salies-de-Béarn est le dernier lieu de production de ce sel ! Depuis que l’usine a été rachetée et modernisée par le consortium du jambon de Bayonne en 2010, on est pleinement intégrés à la filière, explique Gaëlle Reclus. De fait, sans sel de Salies, plus de jambon de Bayonne ! L’angoisse. Mais l’inverse est aussi vrai : si l’usine voyait disparaître les commandes des salaisons, soit 80% de sa production, le coup serait fatal.

Le sel de Salies est envoyé au restaurant parisien de Philippe Etchebest.

Depuis quelques années, l’accent a donc été mis sur l’ouverture de nouveaux débouchés. La fleur de sel, nature ou aromatisée, est distribuée dans les grandes surfaces de la région et sur les tables des restaurateurs de tout l’hexagone. La pureté du sel-gemme, exempt de toute pollution, lui confère un avantage certain sur le sel de mer. Nous en envoyons jusqu’au restaurant parisien de Philippe Etchebest, précise Gaëlle, qui a réussi à obtenir une IGP Sel-de-Salies en 2016. On est allé à Bruxelles, où l’on a déposé un cahier des charges calé sur notre production. De quoi assurer de beaux jours au trésor de Salies.

Frotté puis recouvert de sel de Salies pendant 8 à 12 jours, ce jambon sera ensuite mis à sécher près d'un an. ©Thomas Louapre

____________

Découvrez en images la production de sel de Salies, juste ici.

Un commentaire

Close

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Recevoir le magazine

1 newsletter par quinzaine.
No pubs, Pas de partage de donnée personnelle

Oui ?

Recevoir le magazine

1 newsletter par quinzaine.
No pubs, Pas de partage de donnée personnelle