Il y a ceux qui font chabrot et coupent leur soupe avec du vin et Romain des Grottes qui, dans le Beaujolais, dorlote sa vigne à grandes lampées de tisane. On goûte ?
Ce jour-là, lorsqu’on aperçoit la première parcelle du Domaine des Grottes, il est à peine l’heure du pousse-café.
Une fois n’est pas coutume, on vient parler tisane, avec un (chic) type connu pour ses jolis vins légers… et pour avoir arraché un rang de vigne sur deux : Romain des Grottes.
Encore un allumé ? Pas franchement. On est à Saint-Étienne-des-Oullières, en plein Beaujolais, vignoble à la réputation salie par les jus acides qui envahissent chaque année les rayons de grandes surfaces et autres soirées à thème, laissant derrière eux un sacré mal de bû (expression du terroir lyonnais qui laisse ici songeur) et de petites notes violettes aux commissures des lèvres.
Une forêt comestible sinon rien
Romain ne boit pas de ce vin-là. Le sien, il le bichonne, il le soigne aussi naturellement que possible. Installé avec sa compagne depuis 2002 après une première vie en région parisienne, il s’emploie à redonner vie à un sol bloqué par des années de traitements chimiques. Le secret ? Laisser à la nature reprendre la place qu’elle mérite. Et il suffit de regarder ses vignes pour le comprendre : entre chaque rang, arbres fruitiers, herbes et fleurs s’en donnent à cœur joie. Un sol désert, ça n’existe pas dans la nature, à part peut-être à la plage !
Si Romain n’est pas tendre avec les interventionnistes de tout crin, il l’est encore moins avec lui-même : Souvent, en croyant bien faire, j’abîme ce que la nature a fait. Coluche disait que le mois où les politiciens font le moins de conneries, c’est février. Y’a moins de jours. Ici, c’est pareil : moins j’en fais, mieux c’est !
Soigner la vigne au pisse-mémé
Avec un rendement annuel moyen de 20 hectolitres pour 7 hectares de surface, on est loin des performances industrielles. Ce qui permet à Romain d’être très réactif : à la moindre menace d’insecte ou de maladie, toutes ses parcelles peuvent être traitées manu-naturellement en deux jours chrono. Il s’agit moins ici de donner à ses vignes une vilaine correction — comme si la nature n’était pas déjà parfaite – que d’actionner délicatement ses mécanismes de défense… à l’aide d’une bonne tisane !
Thym, romarin, sarriette, à chaque plante sa fonction : si ortie et pissenlit excitent la croissance, saule et reine des prés accélèrent la réponse aux agressions. Et rien de tel qu’une infusion de lavande mélangée à de l’huile essentielle de gaulthéries pour mettre un joyeux bordel parmi les insectes fauteurs de troubles.
La technique, éprouvée en biodynamie, en fait ricaner plus d’un. Pourtant, elle demande un grand savoir-faire et de solides connaissances en phytothérapie. Il y a un truc qui me chiffonne dans l’idée de me lever le matin pour aller faire la guerre à la nature. L’idée, c’est d’appliquer la phytothérapie à la vigne comme on l’appliquerait à l’humain.
Romain va même plus loin. Pour concocter l’une de ses dernières créations, malicieusement baptisée l’Antidote — succulent mélange de jus de raisin et de plantes infusées, recommandé pour lendemains difficiles — il n’hésite pas à touiller une tisane de plus 1000 litres ! L’année dernière, il s’est écoulé plus de bouteilles de ce curieux breuvage sans alcool que de quilles de rouge. C’est dire. Et quand on monte en degrés, ça donne quoi ? Des jus frais, légers, à 10 ou 11 % et aux noms qui font sourire : brut de cuve, cuve de brut, l’épaisseur du moment présent… Aucun jargon qui tienne. Au Domaine des Grottes, on produit en biodynamie du glouglou à boire entre copains, qui donne envie de courir nu dans les champs sur un air de piano. À ce stade, ce n’est plus du vin nature, c’est du naturisme.
Bravo Monsieur, ça donne envie de re-boire du Beaujolais!!!