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Voie urbaine lactée

Marseille en fait tout un fromage

Au cœur de la cité phocéenne, la Laiterie Marseillaise vend et confectionne ses propres fromages, en partenariat avec des producteurs locaux. Objectif : relocaliser la fabrication de produits laitiers près des zones de consommation. Et ça passe comme dans du beurre…

Du camembert à la crème brûlée au thym, l’offre de la Laiterie Marseillaise se décline entre basiques de qualité et nouveautés insolites. © Marine Samzun

De quoi faire une raclette pour six… des gros mangeurs ! précise Jacques, en tenue de motard, venu spécialement du XIIe arrondissement de Marseille. À la porte de la petite échoppe en plein centre de la ville, à deux pas du Vieux-Port, les clients masqués se pressent dès l’ouverture, étirant le cou afin de se décider pour un chèvre frais, un saint-nectaire fondant ou un yaourt à la verveine. Une bonne crèmerie de quartier ? Oui, mais pas seulement… La Laiterie Marseillaise fabrique aussi ses propres fromages sur place, à partir de lait issu d’élevages triés sur le volet, tous de la région. En plus, c’est super bien situé, juste en face du caviste de l’Abbaye ! reprend Jacques, un fidèle des débuts qui admet faire des kilomètres juste pour ça.

Les fromages sont fabriqués sur place, sous les yeux des consommateurs, pour être ensuite vendus en boutique. © Marine Samzun

Ça ? Le local et le fait-maison : credo des deux cofondatrices de la laiterie urbaine, Audrey et Madeleine. Rencontrées sur les bancs d’une formation de crémier-fromager à Paris en 2018, les deux trentenaires en reconversion ressentent la même nécessité de ramener la production laitière en ville afin de donner à voir et à comprendre aux urbains. Elles ouvrent alors en janvier 2020 une fromagerie mêlant espaces de vente et de fabrication, séparés par une simple vitre. Ce n’est pas que pour la transparence, c’est aussi pour la pédagogie, explique Audrey, ancienne directrice de cabinet d’origine marseillaise.

Au gré des arrivées des clients et des temps d’affinage, la petite équipe de quatre salariés valse entre table d’égouttage cuve de pasteurisation et caisse enregistreuse, distillant au passage explications et conseils aux amateurs du quartier. Nous voulons défendre un savoir-faire : la transformation du fromage au lait cru, à l’opposé du pasteurisé industriel, renchérit Madeleine, qui travaillait dans le prêt-à-porter à Paris.

L’affinage d’un fromage dure au minimum onze jours : « Ça se sent au visuel et au toucher », précise Madeleine. © Marine Samzun

Soutenir la filière laitière et les producteurs locaux

Au-delà de sensibiliser les citadins, le choix de fabriquer sur place permet de relocaliser la production, limiter les intermédiaires et ainsi mieux valoriser le travail des exploitants. La filière laitière est la plus en crise aujourd’hui, lâche Audrey. Avec ce projet, nous nous engageons à soutenir les éleveurs pour mieux les rémunérer : ici, ce sont eux qui fixent les prix ! Par rapport au cours du lait de vache à 0,32 € par litre pour du conventionnel et à 0,48 € pour du bio, la Laiterie Marseillaise rémunère les producteurs à 0,85 € par litre, soit près du double. Résultat : parmi les 80 fromages en vente, certains sont parfois plus chers qu’ailleurs, mais le coût moyen reste limité par la fabrication locale (les fromages faits maison oscillent entre 3 € et 8 € en fonction du poids et de la durée d’affinage). Il faut aussi voir le temps et le savoir-faire, il est nécessaire d’expliquer pourquoi le fromage est un produit d’exception, vivant, revendique Audrey.

Et les jeunes crémières ne s’arrêtent pas là : à côté des fromages de vache, chèvre ou brebis qu’elles fabriquent (environ 30 % de leur production), on peut dénicher des crèmes brûlées au thym, des yaourts à la verveine d’Aubagne, du riz au lait au riz de Camargue, des crèmes café et chocolat d’artisans locaux… Notre source d’inspiration ? le port de Marseille qui brasse des influences de toute la Méditerranée, déclare en chœur le duo qui a réalisé 45 créations en partenariat avec des producteurs de la région. Je suis fascinée qu’avec un élément aussi simple que du lait, on puisse fabriquer autant de choses différentes, s’émerveille Madeleine. Et, crème de la crème, ces produits se vendent tous en pots consignés. Nous avons 80 % de taux de retour : les gens jouent le jeu, avec le sourire, poursuit-elle.

Respect de la saisonnalité naturelle des animaux, primauté au plein air et au fermier : les fromages proposés à la vente répondent à des critères stricts. © Marine Samzun

Les laiteries urbaines : une tendance qui s’affine avec le temps

Afin de déployer pleinement leur pédagogie fromagère, Audrey et Madeleine ont également imaginé des ateliers ouverts au public, notamment dans le cadre de partenariats avec des centres sociaux marseillais, à destination de personnes en précarité. C’était une attente et un besoin ; on n’osait pas venir ici ; a-t-elle entendu dire lors de ces ateliers. Il faut dédramatiser ce type d’endroit : il y a des produits d’appel abordables pour toutes les bourses, comme des yaourts ou du fromage frais, continue Audrey. L’enjeu est de manger peut-être moins mais mieux.

Depuis quelques années, les laiteries urbaines font peu à peu leur beurre sur le territoire national : Paris, Pau, Toulouse, Lyon, Bordeaux… Le duo marseillais admet surfer sur la tendance, avec un chiffre d’affaires au-delà de leurs espoirs pour une première année. Il y a aussi eu une demande énorme avec le confinement : le fromage, c’est un réconfort, argue Audrey. Autre élément moteur selon la Marseillaise : L’autonomie alimentaire des villes qui devient un enjeu prégnant pour l’avenir.

Les néo-fromagères souhaitent d’ailleurs continuer à développer des synergies locales, notamment avec un projet d’éco-pâturage dans les quartiers Nord de la ville. Quitte à disposer un jour de leur propre troupeau ? Madeleine en rêve déjà. Quant à Audrey, elle aspire à davantage de temps libre après une première année menée tambour battant : On respecte les saisons, les humains… on devrait appliquer la recette envers nous aussi. Le comble serait en effet de devenir chèvre…

5 commentaires

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  1. Bonjours,
    Je ne vous connais pas encore, mais si vous vouliez avoir un troupeau, ce serait bien d’avoir des chèvres du Rove car il y a tellement de terrains sauvages autour de Marseille et peut être retrouverait on le vrai goût des brousses du Rove d’avant! J’ai bientôt 76 ans et j’ai connu ça il y a longtemps. Rien à voir à celles qu’on vous vend aujourd’hui!

  2. Super boutique, il devrait en fleurir un peu partout, cette façon de consommer, c’est l’avenir de nos enfants.

  3. Fidèle parmi les fidèles, une boutique chaleureuse, des fromages excellents, avec un faible pour les yaourts maison, celui à la cannelle est sublime !

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