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Transmissions

Ma fille, tu m’hérites une ferme

Faire son beurre dans l’agriculture ? Cécile y a cru, en reprenant l’exploitation laitière familiale aux côtés de son père. Diversifiée et pédagogique, la Duterie est la crème des fermes de Touraine.  

©Thomas Louapre

Il faudrait bien chercher pour trouver un animal qui n’a pas sa place à la Duterie. Dans la cour, dont les toitures d’ardoises et de tuiles trahissent la ferme tourangelle, une troupe de poules blanches et noires passe sous le regard des chats. Tout autour, ça bêle, ça meugle, ça couine, ça caquette et ça hennit au pâle soleil de printemps, en attendant la prochaine averse. 

On a 160 vaches, 250 poules, 30 oies, une soixantaine de canards, 10 pintades, 7 dindes et dindons, 3 chèvres, 20 moutons, 8 agneaux, 2 cochons et un cheval, lance Cécile Devault dans un seul souffle. L’agricultrice de 28 ans est elle-même un pur produit de la ferme : Je suis de la cinquième génération d’agriculteurs, annonce-t-elle fièrement. Mon père a grandi ici, moi aussi, et mes grands-parents sont dans la maison d’à-côté. J’ai encore des meubles de mes arrière-grands-parents ! C’est important cette histoire. On oublie souvent que quand les gens vendent leur ferme, ils vendent aussi leur maison. 

Dans toute la ferme, des ardoises parlent aux enfants, quitte à révolutionner leur conception du monde. ©Thomas Louapre

Un prof bien particulier

La vente. L’idée a hanté Michel, le père, à l’approche de la soixantaine. Les voisins, grands céréaliers, se faisaient soudain courtois et serviables, il y avait 160 hectares en jeu. Et puis Cécile, après un BTS agricole, a surgi pour embrasser l’héritage, poules, vaches et cochons compris. Quatre ans plus tard, Michel se pince encore : J’y croyais pas ! Un de mes enfants qui reprend la ferme. Et une fille en plus ! Pour Cécile, qui a l’élevage dans le sang, la collaboration familiale s’est faite tout naturellement : On a à peu près les mêmes idées, les mêmes envies. Ça l’a reboosté, aussi. Les deux travaillent maintenant main dans la main, les postes sont interchangeables, et Cécile peut sereinement apprendre toutes les facettes du métier.

À la traite, aux champs ou à la compta, le père et la fille se relaient avec le même soin. ©Thomas Louapre

À la Duterie, la transmission est même une activité professionnelle et de longue date. Aux mois de mai et juin, la ferme affiche complet : les classes vertes défilent pour donner du grain aux poules. Il y a un peu plus de vingt ans, avec l’effondrement du prix du lait, je me suis posé la question : est-ce que je continue ? raconte Michel. Pour diversifier les activités, l’accueil à la ferme s’est imposé. J’ai passé mon Bafa à 40 ans ! Ça a remis du sens dans mon travail, et je ne le regrette pas du tout aujourd’hui. La charge de travail supplémentaire est endossée de bon cœur par Cécile : C’est assez intense mais ça ne dure que deux mois. Et puis on fait ça pour que les gens sachent ce qu’est une ferme. Sur ce point, les visiteurs sont servis. Après avoir nourri les animaux le matin, les enfants sont invités à traire une vache et même à faire leur propre beurre.

Le duo vient d’arrêter les marchés pour développer la vente à la ferme. Pour l’instant, le local est un peu étroit. ©Thomas Louapre

L’amour vache

Doux ou demi-sel, c’est le best-seller des Devault : On n’est pas nombreux à faire des vaches, on est dans le pays des chèvres, dans les appellations Sainte-Maure de Touraine et Valencay. Fromages frais, faisselles, tommes, yaourts, tout est fabriqué sur place. Dans le petit espace de vente, le père et la fille s’affairent et se frôlent pour empaqueter les produits laitiers et les œufs de toutes les tailles, de la caille à l’oie. Une cliente attend patiemment en discutant de tout et de rien.

On n’est pas encore au point, s’excuse Michel, qui cherche désespérément un sac pour emballer le tout.  On a arrêté les marchés le week-end dernier. Ça prend trop de temps, comme les magasins de producteurs, avec lesquels on avait trop de pertes. On fait de l’ultra-frais. Les livraisons à 25 Ruches permettent de travailler à la commande, mais le but est de développer la vente à la ferme.

©Thomas Louapre

J’aimerais réorganiser des choses, confie Cécile. Transformer un peu plus, surtout de la tomme, qui se garde bien. Et puis diminuer le nombre de vaches, pour en avoir vingt de moins. Mais on n’arrive pas à choisir lesquelles : on y est attachés, elles ont toutes un nom ! Folle Avoine, Jachère et leurs copines mènent en effet une vie assez paisible aux bons soins des Devault, à peine dérangées par les poules naines qui viennent leur chiper du grain.

Pour bien produire, le bien-être animal c’est important, explique Cécile. Les vaches nous permettent de manger, de boire, et elles ne vivent pas longtemps, il faut respecter ça. Principalement constitué de prim’holstein, le troupeau devrait progressivement compter davantage de montbéliardes et de normandes, moins productives mais plus rustiques, qui n’ont pas besoin d’aide pour vêler. Cécile et Michel pourraient alors garder du temps pour leur prochain projet : transformer une grange en salle d’exposition et de spectacles. On a fait du théâtre avec mon père, on aimerait bien faire ça ici. Après tout, la ferme de la Duterie n’est plus à une production près.

Rustique et « bonne pâte », la montbéliarde est l’avenir de la ferme. ©Thomas Louapre

9 commentaires

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  1. bravo Cécile et Michel, quelle complicité et quelle énergie !
    votre témoignage me touche et donne du baume au coeur pour continuer dans cette voie d’avenir pour la vie !
    Un grand merci à vous et à vos bêtes
    Véronique bénévole à terre de lien
    Ouistreham plage

  2. Je ne travaille pas dans l’agriculture mais vie pleinement au coeur de la jolie campagne Tarnaise depuis 8ans. Ici nous savons ce qu’est l’agriculture avec son travail et ses rudesses. Pour rien au monde je ne retournerai vivre en ville. Nous favorisons dès que possibles les circuits courts et les marchés paysans. Bon nombres de jeunes essaient de revenir à la terre et il faut les encourager. Je souhaite bon vent à cette famille et surtout quelle « fierté » pour le père. Bravo ….

  3. Bravo Cécile et Michel, votre ferme est un exemple pour tous! Nous savons combien, vous êtes courageux et combien le bien être des animaux compte. Longue vie à votre ferme et à vos projets;-)
    Karine et Paulo (Confitures de Tradition)

  4. Mes grands-parents étaient agriculteurs et l’image de votre ferme, votre travail auprès des animaux, votre entente père-fille, font chaud au coeur. Je vous encourage et vous souhaite de réussir. Bravo !

  5. Bonjour et bravo Cécile !
    Nous sommes des anciens « pratiquants » de La Ruche de Sennevières… Cela nous fait très plaisir d’avoir de bonnes nouvelles de la Duterie. Flo et Patrick (des anciens Lochois partis vers d’autres cieux sur le Larzac)

  6. Cécile, je vous connais grâce à la Ruche. Bravo pour votre travail. je soutiens mordicus. Est-il possible de passer vous rendre visite ? Je vous embrasse de toute ma sympathie. Didier

  7. Merci pour ce joli témoignage! Mon père était agriculteur (au moins de 7ème génération) et a dû arrêter quand j’avais 12 ans…c’est encore douloureux, plus de 20 ans après! Alors félicitations, et je vous souhaite de réaliser tous vos rêves.

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