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« Avec la vente directe, on a gagné la sécurité sur nos prix »

Dans les Yvelines, la ferme du Bois Champeau ne vend plus que sa production de viande en direct. Retour sur un virage-sauvetage pris il y a 13 ans par Cathy, femme d’éleveur militante.

« La crise ? Nous on a été touchés en 1996 au moment de la vache folle. En 2002, on a pris le virage de la vente directe. Avant, on vendait nos animaux aux négociants en bestiaux. Au moment de l’ESB, il fallait quasiment leur donner. Ils nous achetaient nos vaches pour trois fois rien. Ils disaient qu’il n’y avait pas de cours, que les bovins n’avaient pas de cotation. Et pendant ce temps-là, la grande distribution et les bouchers ne baissaient pas leurs prix pour autant. Depuis je refuse de travailler avec eux. Il est hors de question que je leur vende mes rillettes. »

 

Cathy, 100% locale.
Cathy, 100% locale.

Il y a 13 ans, la vente directe ne faisait pas la Une des journaux télévisés. Pour les éleveurs, il y avait tout à inventer. « L’été 2002 on a tracté dans toutes les boîtes aux lettres pour présenter nos produits. J’avais même pas d’ordinateur. Sur la région on n’était pas nombreux à se lancer. Une poignée. » En 2011, Cathy découvre les Ruches. L’an passé, elle réalise son rêve et ouvre une boutique de produits locaux et traditionnels. « Aujourd’hui, je suis complètement en vente directe. Toute notre production est vendue localement. Evidemment ça demande beaucoup de travail. »

Le travail, dans le couple, c’est une évidence. Une nécessité aussi. « La crise de la vache folle, on l’a payée pendant des années. Au bout du compte, on sera mieux à la fin 2015 mais Christophe (son conjoint ndlr) ne se prend pas de salaire tous les mois (de 1000 euros). Si je n’avais pas été là, il n’existerait pas. Transformer et commercialiser ses produits ça a un coût. Les heures supplémentaires je connais. J’étais double voire triple active mais il fallait sauver la ferme. On y est arrivés. »

Cette fois-ci, la crise de l’élevage ne touche pas l’exploitation directement. « Mais je suis solidaire. Les éleveurs sont victimes d’un système. Quand il y a des bâtiments dans ta cour que tu dois rembourser, tu n’as pas le choix. Il faut que ça rentre. Les éleveurs sont pris en étau. » Comment changer de modèle ? « Ca ne se fait pas comme ça. Quand on regarde le prix du porc 1,40 c’est quoi ? De la viande à pas cher, dégueulasse. Il faudrait tout repenser que ce soit au niveau du consommateur, du transformateur ou du producteur. »

 

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Régulièrement Cathy suggère à ses voisins de s’organiser et de développer collectivement d’autres formes de vente. « Mais le problème c’est que le paysan est assez perso. Il y a dans ce monde une vraie rivalité, ceux qui guettent la faillite des fermes voisines pour s’agrandir. Et puis dans ce milieu, on ne parle pas. On a honte à dire que ça ne va pas. La crise, elle est aussi psychologique. Quand le Crédit Agricole ou la MSA t’envoie les huissiers, tu n’es pas bien. Tu veux en priorité que ton entreprise marche. Et au bout du compte c’est toi et ta vie personnelle qui en prend un coup. »

« Nous en Ile-de-France, on est plutôt mieux lotis. Les gens sont mobilisés, ils consomment moins et mieux. Dans ma boutique personne ne congèle. On a la chance d’être dans une région de 12 millions de consommateurs au pouvoir d’achat élevé. Aujourd’hui, on tire notre épingle du jeu parce qu’on a pris le virage de la vente directe il y a 13 ans. On a déjà gagné ça : ne plus dépendre des cours et des marchands de bestiaux. On a gagné une sécurité sur nos prix. »

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Lire aussi :

  • « A la base, les producteurs devraient être libres de fixer eux-mêmes leurs prix » : le témoignage de Bernadette, éleveuse dans l’Ain sur le plateau du Bugey
  • « Nous sommes même allés jusqu’à faire un crédit pour nourrir nos cochons » : confidences de François et Elisabeth dans le Tarn.
  • « Ils court-circuitent la grande distribution » : ces expériences qui marchent en Alsace.

 

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  1. Ca fait plaisir de voir des agriculteurs qui arrivent à s’en sortir. Ah ces marchands de bestiaux qui font la pluie et le beau temps, le crédit agricole qui est là pour financer des projets plus ou moins bien ficelés par les chambres d’agriculture et qui au moindre problème attend au coin du bois pour s’en mettre plein les poches (agios…).
    En se levant l’agriculteur se demande comment faire pour gagner quatre sous avec tout ce qu’il a à payer, il ne vit que dans l’angoisse de ne pas perdre de veau ou de vache, que la récolte sera bonne, que la grêle en quelques minutes ne vienne pas anéantir le travail d’une année au moment de la cueillette des fruits, avant les moissons !!!
    Peut-être que la course à la production ce n’est plus le modèle économique à suivre, des tracteurs toujours plus gros, des bâtiments toujours plus grands où s’entassent des animaux. Le hors-sol permet d’investir dans des productions avec le moins de terrain possible.
    Ce n’est pas cela l’agriculture ! En élevage, c’est connaitre individuellement ses vaches, son terrain pour ne pas faire n’importe quoi. Pourquoi s’entêter à produire à grands coups d’azote, d’herbicide,de fongicides, de raccourcisseurs de paille, des céréales pour la vente dans des régions herbagère ? Pour les primes !
    On en arrive à orienter sa production en fonction des différentes aides, faites du canards, du veaux de batterie, de la poule pondeuse, c’est pas grave si vous n’aimez pas, mais ça rapporte, du moins sur le papier, car sur le terrain la réalité est bien différente!
    Et au bout de quelques années de galères, l’agriculteur dans le meilleur des cas se reconverti et les voisins sont contents ils récupèrent d’autre terrain, l’huissier a bradé le matériel et le cheptel pour que les créanciers retombent à peu près sur leurs pieds, mais dans d’autres cas il prend une corde ou son fusil.

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