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Le rire vert, nouvel humour noir ?

Peut-on rire de tout, hein ? Question écologie, une nouvelle bande de joyeux drilles fait passer ses messages sur fond de grosse déconnade. On s’en paye une bonne tranche (garantie sans OGM) ?

 

C’est l’histoire d’un grand-père en 2050, il se pointe à la pizzeria et commande une quatre saisons, et le pizzaïolo lui répond ah désolé m’sieur, on connaît pas. HAHA. Vous la connaissiez celle-là ? Du éco-MDR en LOL durable sur l’autoroute du golri responsable. Eh ouais, nous aussi écolos avons le droit de solliciter nos zygomatiques. S’ils étaient il y a peu encore considérés comme des alarmistes rabat-joie, les écolos semblent désormais avoir le vent en poupe. Humoristes et chroniqueurs (Guillaume Meurice, Roman Frayssinet, Ben et j’en passe), vidéastes (La Barbe, Bridget Kyoto, Professeur Feuillage), illustrateurs (Famille zéro déchet, Insolente Veggie) se sont ainsi emparés de la cause environnementale dans un discours infusé d’humour.

Même Nicolas Hulot est passé par la case gag en produisant une vidéo avec Golden Moustache Break the Internet. L’humour est une fonction langagière bien utile pour s’adresser au plus grand nombre et sensibiliser les plus réfractaires au détour d’une blagounette. Seulement voilà, cet humour vert n’aurait-il pas une fâcheuse tendance à prêcher des convaincus ?

 

 

Parler de sujets graves tels que ceux concernant l’environnement sur un ton léger, voilà le credo de ces humoristes/journalistes (et inversement) qui optent pour un ton ludique afin de vulgariser leurs thématiques. C’est ainsi que Nicolas Dumérieux officie sur son programme La Barbe, produit par France Télévision. Il traite des sujets comme l’eau, les métaux rares ou encore le gaspillage alimentaire avec une véritable rigueur journalistique, saupoudrée de vannes dont le montage s’inscrit pleinement dans la mouvance des vidéos qui ont vu naître les superstars de Youtube. On s’est penchés tout particulièrement sur les vidéastes Mathieu Duméry et Lénie Chérino, délicieux duo du Professeur Feuillage qui sévit depuis 2014 sur Youtube avec leur chaîne également produite par France Télévisions. Leurs Chroniques Écologiques super trash et super drôles abordent des sujets aussi triviaux que la gestion du pipi et du caca et d’autres parfois plus complexes comme le thorium (considéré abusivement comme l’avenir du nucléaire écolo). Fanitude 10 sur l’échelle de Richter. Tellement fan qu’on a même interviewé l’instigateur du projet, Mathieu Duméry.

 

 

Quel intérêt représente l’utilisation de Youtube pour des vidéastes en herbe ? Pour Mathieu Duméry, à l’époque, c’était encore un espace libre, le seul pour parler d’écologie de la façon dont on voulait en parler. On pouvait dire bite et couilles à l’antenne. Ah oui, on vous prévient, le Professeur Feuillage a un langage fleuri et c’est d’ailleurs ce qui nous a enchantés. Mais avec le recul, il constate un intérêt limité sur le web. Tu ne tombes pas sur un programme écolo par hasard, il faut l’avoir voulu. Eh oui ! La plateforme Youtube fonctionne par tendances, ce qui la rend très segmentante. Au départ, c’est pratique pour diffuser ses vidéos en un clic mais ça ne permet absolument pas de s’adresser au plus grand nombre contrairement à la télévision. Cette dernière a le mérite d’imposer sa grille de programmes et donc de toucher les téléspectateurs malgré eux. Finalement, la bonne vieille téloche serait encore à ce jour le medium le plus efficace pour toucher des personnes qui s’en battent habituellement les steaks de l’écologie. Parce qu’en parlant de steaks, il est plus utile d’inciter un grand nombre de gens à consommer moins de viande plutôt que de radicaliser quelques écolos, comme nous l’explique le feuillu Mathieu Duméry.

On a planté beaucoup de graines et on attend de voir si la récolte sera bonne mais faudra pas qu’on loupe la saison des pluies.

 

Il déplore par ailleurs, le peu de changement dans les comportements encore à l’heure actuelle. Une petite tranche de la population qui s’en branlait ne s’en branle plus mais globalement on n’a pas fait beaucoup de chemin... Certes il y a une prise de conscience, mais maintenant il faut passer à l’acte. On a planté beaucoup de graines et on attend de voir si la récolte sera bonne mais faudra pas qu’on loupe la saison des pluies (ceinture noire de la métaphore). On aurait trop tendance à excuser son comportement en se comparant aux autres, du genre à se dire que comme on a un vélo et qu’on fume pas, on peut prendre l’avion pour faire un Paris-Nantes pépouze. BAH NON VIEILLE PATATE PAS BIO. Les gens ont l’impression que l’ennemi c’est l’autre, mais notre ennemi c’est nous-même

 

 

Cela étant dit, on peut aussi faire de l’humour écolo sans nécessairement vouloir transmettre un message, ni vulgariser une information. Le simple fait de rire de l’écologie, c’est déjà l’intégrer en soi. C’est ce qu’on peut voir, ou plutôt entendre, dans la mini série d’Arte Radio, Super Ecolo, qui livre dans chacun de ses six épisodes de quelques minutes le témoignage (fictif) d’un écolo pur sang qui va un peu trop loin dans ses engagements : le voisin relou qui veut à tout prix convertir son immeuble à des pratiques écoresponsables ; la famille qui utilise son HLM pour faire une ferme urbaine avec ruche d’abeilles dans la chambre de la petite et bétail sur le balcon : Techniquement c’est une vache élevée en plein air. Au douzième étage certes, mais en plein air, etc. En tournant en dérision les comportements ultra écolos, ces faux reportages leur donnent justement du poids.

C’est une toute autre démarche qui n’est pas sans rappeler la bande-dessinée du philosophe Alessandro Pignocchi, Petit traité d’écologie sauvage. Deux tomes d’illustrations qui imaginent un monde où la politique serait bizarrement passionnée d’écologie et où les dirigeants auraient adopté l’animisme des Indiens d’Amazonie. Le résultat est naturellement absurde alors que le fond de pensée est cohérent. De la même façon que certains articles du site parodique Le Gorafi parviennent à mettre le doigt sur tous les points sensibles de l’écologie (et en particulier le rapport paradoxal qu’on entretient avec notre volonté de préserver la planète tout en commandant un plat suremballé sur Deliveroo). Leurs titres sont particulièrement éloquents, tels que Les politiques demandent aux jeunes de laisser des sujets sérieux comme le climat aux grandes personnes ou encore Climat – Le nouveau rapport du GIEC spécialement conçu pour être plus facilement détruit par les broyeurs des ministères. Parfois il suffit de peu de mots pour toucher là où ça fait mal.

 

 

L’humour, ça fait rire. C’est positif. En riant de l’écologie, on la considère et on lui donne des armes (calibre 9 mm). L’humour sert de levier pour sensibiliser et faire de l’écologie un problème substantiel de notre société… mais ça ne suffit pas. La sensibilisation, c’est une première étape qui ne servira pas à grand chose si on ne l’utilise pas pour changer concrètement nos comportements. Donc maintenant qu’on est bien sensibilisés de la tête aux pieds, passons aux actes ! Révolution, poil aux nichons !

______________

Annexe (poil au…)

Quelques conseils écoresponsables des gens qui nous font bien marrer tout en parlant de sujets qui nous font bien chialer.

– Professeur Feuillage : sa chaîne, son livre, bientôt sa bande dessinée. Et qui sait peut-être un jour… la télé ? 

La Barbe 

Super Ecolo sur Arte Radio 

Bridget Kyoto : ancienne journaliste à Libération et pour Causette, Laure Noualhat livre de courtes vidéos à forte tendance collapso’ (comprenez : collapsologue, c’est-à-dire prônant la thèse de l’effondrement) sur fond d’Apocalypse, mais ça ne l’empêche pas de nous faire bien marrer.

Et tout le monde s’en fout : web-série de Fabrice de Boni, Axel Lattuada et Marc de Boni qui aborde des thématiques de société ou de philosophie (on vous recommande tout particulièrement l’épisode sur les vêtements).

– Le blog de La Famille zéro déchet et leur BD Famille en transition écologique.

– Le blog Insolente veggie et ses multiples livres.

– Les BD d’Alessandro Pignocchi Petit traité d’écologie sauvage et La recomposition des mondes, vous pouvez aussi le suivre sur son blog Puntish, un petit plaisir (même pas coupable).

2 commentaires

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  1. Bonjour,

    Dans la même lignée, il y a « Ami des lobbies ». Il s’agit de courtes vidéos sur des thèmes choisis comme la déforestation, le marché du textile, la chasse, etc…

    Exemple de vidéos ://www.youtube.com/watch?v=OIdRq5jLiIE

    Un bon humour vert !

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