Souvenir amer de la guerre, la chicorée est-elle encore au café ce que les topinambours sont aux patates ? Trêve de mauvaise presse, c’est l’heure de redorer le blason de cette plante bien meilleure pour la planète et pour le cœur que sa concurrente caféinée. À vos tasses, prêts ? Buvez !
Ersatz de café : une histoire de guerres
Les Grecs la surnommaient déjà l’amie du foie. Pour comprendre l’histoire de la chicorée, il faut remonter en 1806. Nous sommes au tout début du Blocus continental, ces représailles économiques que Napoléon Iᵉʳ impose à l’Empire britannique. Adieu sucre et café provenant des colonies, les importations sont bannies. Pour pallier le manque de tasses caféinées en France, la culture de la chicorée commence à se développer en guise d’ersatz. Rebelote pendant les deux guerres mondiales. Les produits lointains étant des denrées rares et précieuses, la chicorée, alternative locale, reprend le relai.
Dans l’imaginaire collectif, la plante reste encore associée à la disette et au rationnement. Mais dans le cœur des gens du Nord, c’est un emblème du terroir local. Plus de 95 % de la production française vient du Nord-Pas-de-Calais, ce qui en fait le premier producteur mondial de chicorée. La ville d’Orchies en est même devenue la capitale, dédiant un musée à cette racine qui a fait le succès de la famille Leroux et leur fameuse marque du même nom. Dans bon nombre de familles ch’ti, leurs produits aux bouchons jaunes sont dégainés à l’heure du petit-déjeuner.
Une fleur bleue
Avec son beau feuillage vert et ses fleurs façon bleuet, la chicorée fait partie de la grande famille botanique des astéracées, au même titre que ses amers cousins l’endive, le pissenlit, ou l’artichaut. Semblables à de gros panais ou à des navets longs, les tubercules de chicorée doivent passer par plusieurs étapes avant de finir dans nos bolées.
Les racines sont d’abord chauffées et séchées à haute température. Elles se rabougrissent ainsi en perdant 90 % de leur humidité. Réduites en tranches appelées cossettes, elles sont ensuite torréfiées lentement. La couleur brune et l’odeur caramélisée apparaissent alors.
Reste à choisir sa forme finale : en grains, moulue ou liquide. Ça vous rappelle quelque chose ? Ça tombe bien, l’usage est similaire à celui du café, à une exception près : la chicorée est une véritable alliée santé !
Bienfaits pour toi
Tout comme le topinambour (encore lui !), l’ail ou les asperges, la chicorée est riche en inuline. L’inuline est une fibre qui agit en prébiotique dans l’organisme. En bref, en nourrissant les bonnes bactéries intestinales, elle améliore la digestion et régule le transit et la glycémie. Naturellement sans caféine, la chicorée pousse la vertu jusqu’à renforcer le système cardio-vasculaire grâce à sa forte teneur en fer. Femmes enceintes, enfants, cardiaques, hypertendus, anémiés : si vous lisez ces lignes, foncez sur la chicorée.
Au-delà du ventre et du cœur, c’est aussi à la planète que la chicorée fait du bien. Celle qui peut être produite sous nos latitudes nécessitant peu d’eau, d’espace agricole et d’intrants chimiques. La boisson chaude préférée des Français, quant à elle, implique forcément un transport générateur d’émissions de gaz à effet de serre, mais surtout une déforestation importante dans les pays producteurs de café. Encore une bonne raison de relocaliser nos boissons !
Utilisations & recettes
Florent Ladeyn, chef flamand jusqu’au-boutiste du local s’est amusé à imaginer une boisson chaude garantie 100 % ch’ti, qu’il sert dans ses restaurants et estaminets. Le secret ? Une chicorée artisanale produite à Oye-Plage, un peu de graines de tournesol torréfiées pour la rondeur et de l’orge malté pour corser le tout. Pour les irréductibles de la caféine, un mélange entre café (60 %) et chicorée (40 %) permettra de reproduire le fameux ami du petit-déjeuner. Les puristes dilueront deux cuillères à café de chicorée soluble dans un grand bol d’eau bouillante, ou feront infuser une poignée de grains pendant 5 minutes dans une théière.
Avec ses notes noisettées et caramélisées et sa franche amertume, la chicorée n’est pas un simple substitut au café, elle a aussi un répertoire culinaire dédié. En version liquide, elle s’acoquine à un bon vinaigre de vin, de l’huile de noisette et de la moutarde en grains pour une vinaigrette au goût du Nord. Ses grains infusés dans de la crème et du lait donneront un parfum corsé à n’importe quelle crème brûlée. En poudre dans un appareil à cake relevé de muscade, de cannelle et de gingembre, la chicorée s’accorde aux saveurs du pain d’épices.
Pied-de-nez bas carbone au café, remède aux grands maux et atout aux meilleurs mets, la chicorée, c’est l’alternative toute trouvée.
Je me rappelle que mon père buvait de la Chicorée tout les matins haha Il est passé au café depuis! Par contre je n’avais aucune idée que la chicorée était une plante et qu’elle était plus écolo que le café…!
Bonjour,
Article très intéressant, qui m’a fait découvrir cette plante dont je ne connaissais pas les si belles fleurs.
Petit bémol : il n’est pas fait mention du trèèèès grand taux de sucre présent dans cette boisson qui frise quand même les 30 % . C’est pas rien alors que le café n’en contient absolument pas.
Bonjour Laurence ; Je pense que le taux de sucre par rapport à la dose consommée reste faible : Pour une portion de 5g de chicorée en poudre on a 0,5g de sucre … Je pense que l’on peut largement s’autoriser une petite chicorée le matin dans le cadre d’un petit déjeuner équilibré pauvre en sucre donc à index glycémique bas et plutôt protéiné 🙂
Bonjour Laurence,
Merci pour votre commentaire !
J’ignorais le taux de sucre de la chicorée, c’est effectivement intéressant d’avoir cette donnée à l’esprit.
Bonne semaine,
Laurène.
La chicorée, une jolie redécouverte gourmande pour notre famille depuis 2 ans!! Et comme pour le café, elles ne se valent pas toutes, le goût dépend de l’art de la torréfaction et du mélange de céréales ajoutées