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Bénévoles au bout du fil pour soutenir l’agriculture de demain

Voilà une relation à distance qui tourne bien ! En tendant l’oreille aux agriculteurs impactés par le confinement, les volontaires de ce programme en ligne se forment aux enjeux de l’agriculture durable et mettent de bonnes habitudes dans leur panier.

L’écran s’illumine d’une mosaïque de visages. Claire, Céline, Alex et Melody échangent pour la première fois et s’apprêtent à passer les cinq prochains jours ensemble. Nous sommes lundi soir, la deuxième promotion du programme Ré-Action Alimentation prend ses marques, avec enthousiasme et impatience. Lancé fin mars par la communauté d’entrepreneurs sociaux makesense, le programme de bénévolat Ré-Action réunit des bonnes volontés confinées un peu partout en France afin de fournir de l’aide matérielle et du soutien psychologique à quatre publics impactés par la crise sanitaire : les soignants, les personnes âgées isolées, les sans-abri et les agriculteurs.

Pour aider ces derniers, la promo de la semaine compte une centaine de personnes — surtout des urbains entre 20 et 40 ans — répartie en six groupes. Beaucoup de restaurants et de marchés ont été fermés en raison de la crise du COVID-19, explique un mail envoyé aux participants par Lauren Miller, community developer chez makesense et coordinatrice du programme. De nombreux producteurs qui commercialisent leurs produits via ces filières se retrouvent en difficulté. Cette semaine, on va agir concrètement pour être solidaire avec celles et ceux qui nous nourrissent.

Avant d’aller éventuellement donner un coup de main aux champs, les bénévoles, majoritairement confinés dans leurs appartements, sont invités à se former aux grands enjeux de l’agriculture durable et à agir à leur échelle pour favoriser une alimentation paysanne, locale et de saison, avec les outils du confiné : du temps, des écrans, une carte bleue, des posts Instagram et de la débrouillardise.

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Un mail nous cueille au saut du lit mardi matin. Le défi du jour est « J’évangélise mon entourage ». Faites rêver un maximum de gens d’un monde meilleur fait de petits plats savoureux et de balcons verdoyants, propose Lauren. Dans le groupe de discussion WhatsApp animé par Céline, qui rassemble 21 personnes, on prend le conseil au pied de la lettre, avec un projet de livre de cuisine classé par saison. On se retrouve à acheter hors-saison parce qu’on n’a pas beaucoup de recettes, explique Claire, qui a mis en commun son crumble à la courge — idéal pour la rubrique automne-hiver.

Avant d’évangéliser, il s’agit d’abord de se convertir : J’ai toujours dit qu’il fallait que je le fasse, mais avant cette semaine, je n’avais jamais eu l’impulsion d’acheter des produits de saison près de chez moi, avoue Julie. Comme elle, une grande partie des bénévoles du programme entre tout juste dans la compréhension des enjeux alimentaires. Ce n’est pas si difficile que ça, il suffit de s’y mettre, assure l’étudiante.

J’ai toujours dit qu’il fallait que je le fasse, mais avant cette semaine, je n’avais jamais eu l’impulsion d’acheter des produits de saison près de chez moi.

Pas de le temps de souffler, à 13 h commence un tutoriel de jardinage confiné. Sur l’écran, Nicolas nous fait visiter ses rebords de fenêtres parisiens envahis de verdure. Impossible d’ouvrir ou de fermer les volets, étouffés par la biodiversité potagère. Comme on est confinés, on y passe un temps fou, et on voit presque pousser les plantes ! s’amuse le citadin, pas peu fier de ses laitues maison. Évidemment, ce n’est pas le cœur de votre alimentation qui va en dépendre, mais c’est un outil de pédagogie, précise-t-il.

À 16 h 30, un nouveau mail nous donne le programme des autres interventions de la semaine, accessibles en direct ou en rediffusion. Le temps de faire quelques recherches sur les circuits courts proches de chez soi, il est déjà 18 h, et le débriefing vidéo quotidien commence pour le groupe de Céline. La mosaïque de visages réapparaît. Constance a déjà bien rempli le livre de recettes. J’en ai quelques unes à ajouter : cuisiner, je ne fais que ça depuis deux semaines, s’amuse Hélène.

Ça fera un beau cadeau à la fin du confinement, à offrir à ceux qu’on aime, s’enthousiasme Melody. La jeune femme, en télétravail chez ses parents à Chambéry, court après le temps pour contacter les agriculteurs locaux afin de connaître leurs besoins et alimenter son projet : un guide de l’agriculteur confiné, pour offrir en un coup d’œil des alternatives aux paysans qui ont perdu leurs débouchés. Céline la rassure : Si vous n’avez pas le temps cette semaine ce n’est pas grave, vous pouvez faire les actions plus tard. Mais il y aura peut-être moins l’effet de groupe.

Toucher du doigt la réalité agricole

Au troisième jour, l’écran d’ordinateur devient une fenêtre ouverte sur le monde agricole. Sur Zoom ce mercredi soir, Yoann, maraîcher près de Pornic, exhorte les citadins à venir repeupler les campagnes. On n’est plus du tout autonome sur les territoires, assure-t-il. Ce n’est pas l’agriculture urbaine qui va nourrir les villes, il n’y a que par l’installation de millions de paysans dans les campagnes que l’on va pouvoir retrouver une certaine autonomie ! L’appel du pied est passé, l’été sera sans doute l’occasion de tester le wwoofing et de se découvrir une carrière de paysan.

Dans le groupe mobilisé par Céline, c’est Pascal, l’oncle de Julie, en grandes cultures bio depuis vingt-deux ans, qui appelle les jeunes générations d’urbains à faire bouger les mentalités et à lui rendre visite à même le champ. J’espère que j’aurai un petit boulot pour vous ! s’amuse-t-il. Dans mon métier, même quand je ne suis pas confiné, je suis seul, ça me fait plaisir d’avoir un moment de sociabilisation !

Déjà vendredi. Les objectifs des deux derniers jours, « Je propose mon aide à un réseau » et « Je commence un circuit court » ont été suivis : Je suis devenue sociétaire de C’est qui le Patron, j’ai fait un don à l’association Solidarité Paysans, j’ai contacté les initiatives locales de circuits courts pour savoir s’ils avaient besoin d’aide et dès la semaine prochaine, je vais aider l’un d’entre eux à se faire connaître auprès des agriculteurs, énumère Constance dans le groupe WhatsApp. J’ai hâte de commencer ! Sans vous je ne me serai pas lancée !

Lors de la session vidéo de clôture, c’est Julie qui se propose pour présenter les résultats des six groupes de travail sur l’alimentation. Une centaine de sourires apparaît sur l’écran, la vidéo totalise 300 vues en direct sur Facebook. Des semis aux balcons, des bénévoles pour les distributions des Ruches, un hôtel à insectes, une initiative « Prête-moi ton coffre » pour encourager les chauffeurs VTC à livrer des paniers de légumes… les premières réalisations contribuent modestement mais sûrement au soutien de l’alimentation durable, en temps de crise et après. Beaucoup d’entre nous aimeraient continuer cet engagement, ça nous a mis l’eau à la bouche, annonce Julie.

On sème à distance

Je pense que ça a simplement semé des graines, confie Antoine Delaunay-Belleville, qui a conçu le programme alimentation chez makesense, et anime les réunions Zoom un ukulélé à la main. On donne les outils, et les participants prennent ce qu’ils peuvent. Certains ne vont pas aller beaucoup plus loin, mais d’autres ne vont pas s’arrêter là. Je table que 30 % vont faire une action significative comme monter un réseau local ou prendre une part sociale chez Terre de Liens.

Les effets se font parfois sentir après coup : le groupe de la première semaine du programme étant toujours actif, une membre a partagé la photo de l’affiche qu’elle a mise dans son immeuble, avec les horaires et les contacts des distributions en circuit court dans son quartier. Notre objectif, c’est d’aider les gens à faire le prochain pas, explique Antoine. On est un marche pied, dans une société structurée pour que la première marche fasse 20 mètres de haut. On ne va pas emmener les gens au bout du chemin, mais on va leur faire la courte-échelle.

Et l’échelle s’améliore de semaine en semaine. La prochaine promotion, de 200 personnes, sera répartie par groupes géographiques, afin de pouvoir organiser des rencontres après le confinement. Céline se charge maintenant de coordonner les mobilisateurs, mais elle garde un œil sur son groupe : le guide de l’agriculteur confiné et le livre de recettes avancent à leur rythme. Déjà lundi, 19 h, tout est prêt pour une nouvelle semaine de solidarité en ligne.

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Illustrations : Laura Thierry

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  1. Une belle initiative ! Près de Nantes nous avons créé la Ferme des Mille Bras avec un projet « SCOPILOTE » qui va dans ce sens ; soutenir un producteur bio et mettre en vente une partie de sa production dans une coopérative participative locale ; donner un coup de main à un autre pour une récolte, désherber, remonter une bâche sur une serre, etc… cela est une aide précieuse pour le maraîcher et du bonheur pour les compagnons souvent citadins, qui reprennent vie après une bonne matinée au grand air, courber vers la terre, à l’apprivoiser, à apprendre … Participer à la production de son alimentation, c’est un moyen merveilleux pour se réapproprier la connaissance, la compréhension et le désir de collectivement agir, pour une agriculture locale respectueuse du vivant, créatrice d’emplois, de bien être, de convivialité et d’espérance.

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