Par Clémence Fernet, 17 octobre 2018

Ma révolution délicieuse a commencé lorsque, jeune et naïve, j’ai ouvert un restaurant et me suis mise en quête de bonnes choses à cuisiner, raconte Alice Waters dans l’introduction de son ouvrage de cuisine aux couleurs ensoleillées. Je cherchais à retrouver les ingrédients et les goûts dont j’étais tombée amoureuse lorsque j’étais étudiante en France.

La France, un déclic pour la jeune femme qui à 19 ans passe une année à Paris, la ville de sa grand-mère, pour étudier. Rapidement, elle préfère les chaises des grands restaurants aux bancs de l’école. C’est là, au milieu des rues pavées de la ville, qu’elle déguste une délicieuse soupe de légumes dont le goût, la saveur et le charme lui resteront intacts des années plus tard. Cet amour pour la France et sa gastronomie, elle le gardera toujours dans son cœur et dans sa cuisine. Aussi, en 1971, lorsqu’elle ouvre son premier restaurant à Berkeley, près de San Francisco, elle lui donne le nom de Chez Panisse, en hommage à Marcel Pagnol et ce sud de la France qu’elle aime tant.

Cuisiner simple, frais, local

Si l’on utilise les meilleures ingrédients, on pourra cuisiner très simplement et le résultat sera extraordinaire parce que la nourriture aura le goût de ce qu’elle est, explique Alice. C’est ce que nous avons appris dans notre restaurant Chez Panisse après des années de recherche, de préparation et de dégustation. Depuis quarante-sept ans, au 1517 de l’avenue Shattuck, Alice propose un menu à prix fixe qui change quotidiennement. Pour approvisionner son enseigne tous les jours en produits frais et de saison, elle peut compter sur un solide réseau d’agriculteurs et d’éleveurs locaux avec qui elle a tissé des liens durables au fil des années. Un petit miracle au pays de la junk food et de l’agriculture intensive.

Chaque jour, les meilleurs produits des fermes alentours sont livrés à son restaurant. Une fois cuisinés et servis, les restes sont mis au compost pour éviter toute perte. Puis, lorsque le compost est mûr, il est remis à disposition des agriculteurs pour leurs plantations. Les produits sont naturellement délicieux lorsqu’ils ont été cultivés avec soin, récoltés au bon moment et acheminés immédiatement en direct du producteur, confesse la militante Slow Food. 

Tout est merveilleux, au pays d’Alice !

Alice la magicienne ne s’arrête pas là. Après l’ouverture de son restaurant, c’est à l’éducation et aux enfants qu’elle s’attaque. Dans une école primaire à Berkeley, elle met en place un jardin-potager et une vraie cuisine. Les enfants apprennent à cuisiner eux-mêmes et à connaître la provenance des aliments qu’ils consomment. Alors, la magie opère. Les enfants se mettent à table tous ensemble, comme à la maison, et prennent le temps de savourer un vrai repas. Aujourd’hui, plus de 5000 projets de ce type ont vu le jour dans des milliers d’écoles à travers le monde. Prendre soin de la planète et apprendre à vivre en communauté, tel est le credo qu’elle souhaite transmettre à ces enfants.

La rencontre touche à sa fin et notre cœur tangue définitivement pour Alice Waters. Derrière la douceur de sa voix et de ses traits, se trouve une femme qui a fait de l’alimentation responsable le combat de toute une vie. Il est midi, et il paraît que son livre L’Art de la cuisine simple renferme l’une des meilleures recettes de poulet grillé. Et si on se mettait à table ?