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Une haie utilisée jusqu’à la dernière brindille

Les haies bocagères disparaissent de nos campagnes. Certains décident pourtant de replanter et d’entretenir ce patrimoine centenaire, comme le Gaec des Rocs et la communauté de communes de Pouzauges, en Vendée. Chez eux, le bois des haies sert au tissu local…

Texte : Tanguy Dehlin
Photos : Thomas Louapre

Au Gaec des Rocs, Jean-Marie Roy, Antoine Biteau et Julien Grelier entretiennent 35 km de haies. Partout où porte le regard, cette délimitation naturelle découpe en petites parcelles les nombreuses pâtures et les quelques champs de céréales destinés à l’alimentation du troupeau. C’est qu’il y a quand même 80 vaches laitières, 30 allaitantes, un joli taureau bazadais et la descendance à nourrir. En bio, bien sûr.

Une partie des arbres avait déjà été mise en place par leurs prédécesseurs dans ce bocage historique du sud de la Vendée. Mais les trois compères ne se sont pas réposés sur cet héritage. Ils ont continué à en planter chaque année, depuis vingt-cinq ans. Les arbres ont plus de 80 ans. Nous avons du châtaignier, du chêne, du frêne, du noisetier, de l’épine noire…, énumère l’agriculteur.

Dans un élevage, la première fonction des arbres qui composent les haies est de servir d’abri aux animaux de la ferme, mais aussi à tous les auxiliaires des cultures. Avec les étés de plus en plus chauds, nous avons aussi remarqué que, contrairement à ce que nous aurions pu penser, les prairies poussent mieux sur les 20 mètres au pied des haies car elles ont de l’ombre et les racines des arbres retiennent l’eau. Qui dit plus d’herbe, dit plus de nourriture pour les vaches ! Un enjeu de taille sur cet élevage qui nourrit son troupeau de manière totalement autonome.

Ce n’est pas tout de planter des haies, il faut aussi les entretenir. Chaque année, un prestataire équipé d’une tête d’abattage sur une pelleteuse vient couper les branchages des arbres arrivés à maturité. Nous avons élaboré un plan de gestion durable des haies selon lequel nous pouvons couper 300 mètres de têtards chaque année sans compromettre la ressource, explique Jean-Pierre Roy. Couper un têtard ? Quelle étrange expression. En réalité, Jean-Pierre parle ici des arbres dont le haut du tronc forme une boule, sur laquelle les branches sont coupées tous les quinze à vingt ans. Une méthode d’entretien typique des haies bocagères.

Quelques jours plus tard, c’est au tour de la broyeuse de faire son apparition. Cette machine, dont l’aspect rappelle les personnages du dessin animé Monstroplantes, avale les branches pour recracher du bois déchiqueté de quelques centimètres de longueur. Il va ensuite sécher en tas à l’abri pendant minimum quatre mois avant de pouvoir être utilisé.

Une partie de ce bois servira à alimenter les chaudières des maisons des trois exploitants et une autre portion est destinée aux vaches de la ferme. Pas pour la manger bien sûr, mais pour remplacer la paille dans la litière. Ces dames ne semblent pas se plaindre du changement, d’autant plus que les copeaux de bois absorbent mieux l’humidité. Nous avons besoin de 100 m³ pour nous chauffer et 100 m³ pour les animaux. S’il y a du bois en plus nous le vendons à la communauté de commune, précise Jean-Marie Roy.

Apporté dans les champs, le fumier de copeaux de bois fait aussi un super engrais pour les agriculteurs du coin.

La communauté de communes profite aussi de ce bois. Nous chauffons déjà deux mairies et deux Ehpad, ainsi qu’une résidence senior. Et l’an prochain il faudra chauffer le nouveau centre nautique, liste Dominique Blanchard. En 2007, c’est lui qui a l’idée de chauffer ainsi les installations publiques au bois. Il était alors agriculteur, maire du village du Boupère (où se situe l’un des Ehpad) et élu à la communauté de communes.

Pour ce natif du bocage, tout fait sens dans l’utilisation de bois issu de haie locale. Cela encourage les agriculteurs à développer ces infrastructures végétales, tout en sauvegardant le bocage. En achetant le bois avec l’argent public, les politiques locales créent de la valeur sur la communauté de communes. C’est une économie non délocalisable, sourit l’élu, en référence à l’enracinement local de chaque branche de la filière.

Au bout de cette filière très locale, c’est Marc Pimeau, le salarié de la communauté de communes qui s’assure que tout fonctionne bien. Je viens tous les matins vérifier la température et enlever le mâchefer, c’est ce qui reste du bois consumé, de la chaudière. Avec son allure de vaisseau spatial, la chaudière en question lui donne l’aura d’un capitaine de l’espace. Pas de doute, cet hiver les personnes âgées de la maison de retraite voisine ne risquent pas d’avoir froid, Jean-Pierre, Dominique et Marc entretiennent la flamme.

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4 commentaires

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  1. Article très intéressant et enthousiasmant, mais si disposer d’une énergie pour le chauffage est important, ne vaudrait-il malgré tout pas mieux laisser les arbres pousser tranquillement dans leur haie et prodiguer davantage de cette ombre bénéfique et de plus en plus recherchée autour d’eux ? C’est l’exemple de l’agroforesterie qui m’inspire cette interrogation.

  2. Dommage que les parents des jeunes agriculteurs d’aujourd’hui n’aient pas eu les mêmes préoccupations…Ce bocage a été détruit par le remembrement il y a quelques années. Il est grand temps de le réparer.

  3. Article très intéressant. Au 18e siècle, il y avait beaucoup de haies vives en Bresse (Morvans) Saône et Loire.

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