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1001 pattes à l’assaut des pucerons

Vous connaissez la célèbre coccinelle à sept points, mais avez-vous déjà croisé la larve de syrphe ou celle de crysope ? Avez-vous une idée du repas des punaises prédatrices ? Bienvenue dans le monde des auxiliaires des cultures. Ces petites bébêtes se nourrissent des pucerons et autres ravageurs, facilitant ainsi le travail des agriculteurs ou des jardiniers du dimanche.

Texte : Tanguy Dehlin
Photos : Thomas Louapre

C’est une étrange silhouette qui arpente champs et vergers à grands coups de filet à papillon. L’observateur attentif remarquera qu’elle s’arrête toujours lorsqu’elle atteint le centième passage de son instrument dans les hautes herbes, bandes fleuries ou branches des pommiers. Une fois ce rituel immuable accompli, elle s’assied et observe les prises du jour.

En fait de rituel, il s’agit d’un protocole scientifique. Il a pour but de relever la présence de nos amis à six ou huit pattes dans et autour des parcelles agricoles. La silhouette au filet, c’est Johanna Villenave-Chasset, entomologiste de son état. Elle étudie les insectes dont elle s’est prise de passion depuis la fac. Ce sont des animaux vraiment magnifiques quand on les observe de près. C’est parce que les gens ne peuvent pas le voir qu’ils en ont peur, sourit-elle. Si vous la questionnez un peu, elle finira par vous avouer que la chrysope, aussi appelée demoiselle aux yeux d’or, garde sa préférence depuis qu’elle l’a étudiée en thèse.

Si elle utilise un filet à papillon pour ses relevés, c’est un tout autre type d’insecte qu’elle capture. Johanna s’intéresse aux auxiliaires des cultures. Il s’agit des coccinelles, syrphes ou punaises friandes de pucerons et autres phytophages qui détruisent les cultures et leur transmettent des maladies. Elle les identifie une fois pris dans le filet, en isole quelques-uns avec un curieux aspirateur à bouche et relâche la majorité. Je privilégie les méthodes d’études qui ne tuent pas les insectes, souligne-t-elle.

Ce jour-là, ce sont plusieurs dizaines de punaises prédatrices du puceron qui ressortiront du filet. Une bonne nouvelle pour le verger de la Dandelière de l’entreprise Atlanpom dans lequel elles ont été prises. Laurent est responsable agronomique sur le site. Suite au travail mené avec Johanna, il a installé des bandes fleuries autour du verger mais aussi entre les rangs des arbres. Ces fleurs ont vocation à nourrir les insectes adultes dont les larves sont prédatrices des pucerons.

Nous avons commencé par la démarche Bee Friendly pour les pollinisateurs. Le travail sur les auxiliaires de culture était une suite logique, explique l’agronome qui a également supprimé le glyphosate du verger. Cette année, la prédation de puceron par les punaises et les coccinelles, entre autres, a permis à Laurent de se passer d’un traitement insecticide.

Clément, futur maraîcher en région nantaise, a choisi une autre approche. Alors que la production de légumes n’est pas encore lancée sur sa parcelle, il a déjà planté les haies destinées à accueillir les auxiliaires. Le noisetier et le sureau sont intéressants car ils hébergent des pucerons spécifiques qui n’attaqueront pas les cultures mais serviront de garde-manger pour fixer les auxiliaires sur place. En revanche, on a écarté viorne boule de neige et fusain qui accueillent le puceron noir, commente le jeune homme.

Comme chez Atlanpom ou sur la future ferme de Clément, Johanna va à la rencontre des agriculteurs pour les former sur les insectes auxiliaires. La première année est valorisante. Je fais un état des lieux avec eux et je leur montre qu’il n’y a rien. Mais dès qu’ils sèment les premières fleurs, les populations d’auxiliaires explosent. Ensuite ils font des concours à celui qui en aura le plus sur sa ferme, s’amuse-t-elle.

Et si ces solutions fonctionnent chez les professionnels, pourquoi pas chez les particuliers ? Voici quelques conseils que l’experte entomologiste distille pour les jardins amateurs : Les ombellifères, type carotte, aneth et fenouil fournissent de bonnes sources de pollen quand ils sont en fleurs. Les grandes marguerites, bleuets et géraniums sauvages font aussi de bons garde-mangers pour les syrphes adultes.

La syrphe ? Mais si, vous avez forcément déjà vu cet insecte volant qui ressemble à une petite guêpe en vol stationnaire. Ses larves peuvent manger jusqu’à vingt pucerons par jour. Et pour l’attirer tôt en saison avant l’arrivée des premiers pucerons, l’idéal est d’implanter des végétaux qui fleurissent en sortie d’hiver comme le noisetier ou le laurier-thym.

Si les coccinelles ne sont plus à citer, n’oublions pas les parasitoïdes. Ces insectes pondent leurs œufs dans les pucerons, que les larves mangent ensuite de l’intérieur. Si vous trouvez des corps de puceron comme momifié sur des feuilles, surtout ne les détruisez pas. Les larves bientôt adultes iront pondre dans d’autres pucerons. Chaque espèce de puceron a son parasitoïde propre. Une fois qu’ils attaquent une colonie, ils peuvent la détruire à plus de 95 %, explique Johanna.

Mais attention, une fois les auxiliaires sur place, un traitement insecticide peut réduire tout le travail à néant car il élimine les ravageurs mais aussi ceux qui les mangent. Même les produits autorisés en agriculture biologique peuvent avoir cet effet.

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