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Transmissions

Zarzabalia, retour au vert pour un rêve bleu

Si beaucoup de producteurs s’accordent sur l’idée que le monde agricole doit faire sa transition, il est parfois difficile de savoir par où commencer. Dans le Pays basque, la ferme Zarzabalia l’a faite. Histoire d’une transition sur fond de transmission entre des générations qui s’épaulent et s’inspirent pour sauver la ferme familiale.

ferme Zarzabalia
© Madeleine Desportes ferme Zarzabalia

Roch est jaloux. J’ai regardé le Tour de France, il passait par Quimper. Ils avaient des maïs comme ça dis donc. Ils ont eu un meilleur temps, on dirait. Nous, que de la flotte. C’était la galère pour les foins, cette année, explique-t-il les bras en croix, pour me montrer la taille des fameux maïs bretons.

Roch a fêté ses soixante ans. Il est bavard quand il m’emmène faire le tour de la stabulation où se promènent les quarante jersiaises et les vingt-cinq prim’holstein. Il n’a pas toujours été comme ça. C’était un grand timide, explique sa femme Véronique. Mais quand on a amorcé la transition des prim’holsteins aux jersiaises et qu’on est passés à un système à l’herbe, on a ressenti le besoin d’ouvrir la ferme, pour expliquer notre démarche. À force d’avoir toujours du passage, Roch est devenu moins sauvage. Maintenant, il tient à raconter notre histoire aux visiteurs.

Jersiaises
© Madeleine Desportes Jersiaises

Déprogrammation

Quatre ans que le grand chamboulement a débuté. Initialement, les 530 000 litres de lait annuel produits par les prim’hostein nourries à l’ensilage étaient collectés par une coopérative. Un système qui tenait la route jusqu’à la fin des quotas laitiers où le décrochage du prix du lait rend rapidement leur situation intenable. Une tonne est aujourd’hui achetée 311 € alors qu’elle en coûte 320 € à produire. Il y avait comme un hic. C’est Jessica qui parvient à convaincre son père d’amorcer une grande transition pour mieux valoriser le fruit de leur travail : fabriquer leurs propres fromages.

Pour cela il fallait un lait de meilleure qualité donc une nouvelle race de vache et une alimentation au pré. Un changement radical que Roch a finalement embrassé comme un retour aux sources : Je vais cultiver de l’herbe, comme avant. La ferme Zarzabalia est une grande histoire de famille qui dure depuis cinq générations : Nous les Basques, on transmet l’attachement à la terre. Toutes les maisons ont un nom. Les noms des familles se perdent, jamais celui des maisons. Ailleurs, les gens vendent leur exploitation à leurs enfants. Nous, on la donne.

Du conventionnel au raisonné, de la prim’holstein à la jersiaise, de l’ensilage à l’herbe, de la collecte du lait au fromage, la ferme Zarzabalia a réussi sa transition.
© Madeleine Desportes

Relève

C’est donc Jessica qui est désormais aux commandes et ça dépote. Victime d’un accident dans la stabulation il y a quelques années – une chute qui a engendré une névralgie du nerf d’Arnold – elle souffre de migraines permanentes. Un handicap qu’elle apprivoise en se ménageant, dit-elle, même si elle cavale toute la journée, de la traite à la fromagerie, du déménagement de sa sœur aînée au petit-déjeuner des derniers, de la stabulation à son chien Whiskey. Je fonctionne à 20 de tension en permanence. Pour le repos, on verra plus tard.

Pourquoi avoir choisi des jersiaises ? Elles sont belles, c’est certain : une robe acajou parfaitement assortie aux prés basques. Mais c’est surtout pour la qualité de son lait que cette petit vache originaire de l’île de Jersey est connue : il est extrêmement gras. Or, dans le lait, le gras est le nerf de la guerre. Un litre de prim’holstein contient environ 38 grammes de matière grasse quand un litre de jersiaise en contient 55. Un écart substantiel qui lui vaut sa solide réputation : les clients parcourent des kilomètres pour se procurer l’onctueux breuvage tout juste sorti du pis de l’animal. Conséquence logique : le beurre de jersiaise ne manque pas d’adeptes. Restait à concevoir des fromages. Pas facile avec une matière si singulière : à force de tentatives et d’accompagnements techniques, un an et demi plus tard, les premières tommes voient le jour. Le dernier né : un bleu audacieux, fondant en bouche. Jessica a la main fromagère, les débuts sont prometteurs. Les Ruches locales et de belles crémeries renommées ne s’y sont pas trompées.

Il faut que les gens sachent que si nos métiers disparaissent, tout le paysage changera.

Construction

Un an et demi : c’est ce qu’il aura fallu également pour l’auto-construction de la fromagerie. Pour rentrer dans son budget, la famille se lance dans le béton, la peinture, le carrelage. Un investissement personnel considérable et des journées à rallonge auxquelles ils repensent non sans quelques frissons. Leur persévérance se nourrit de leurs étroits liens familiaux et de cette ténacité toute basque. Ils tiennent à leur métier et à leur terroir. Le pays basque est beau parce qu’il y a encore des paysans qui l’entretiennent. Il faut que les gens sachent que si nos métiers disparaissent, tout le paysage changera.

Alors que le dîner et le récit touchent à leur fin, les yeux de Véronique se perdent dans le vague : En te racontant tout ça, je me rends compte de tout le travail qu’on a abattu depuis quatre ans. Dis donc, ça donne un peu le vertige. En vérité, ce n’est pas le vertige que me donne cette histoire mais plutôt une merveilleuse dose d’optimisme : la transition agricole est possible.

6 commentaires

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  1. On aimerait pouvoir manger de ce beurre et goûter la tomme ! un grand bravo pour cette transition et bon courage pour continuer longtemps et transmettre aux générations futures. Merci pour elles et pour nous…
    Comme Sophie j’aimerai entendre ce genre de nouvelles aux infos.

  2. Des histoires comme celle-là, ça ferait du bien d’en entendre au journal de 20 heures. Ce serait de la sensibilisation positive pour une fois.
    Quelle énergie ! Bravo et bonne chance pour le futur!

  3. BONJOUR ,que de belles images respectons la nature elle nous le rend si bien quand nous la traitons avec respect merci pour tous les personnes qui vont dans ce sens.

  4. Merci pour ces témoignages
    J admire ses paysans qui se battent chaque jour pour survivre et produire des produits dans le respect et la tradition
    Un lecteur assidu de la region parisienne (92)

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