Devinette : quel est le fruit qui ne craint pas la vie dure et qui nous propose un des desserts les plus doux ? Sous sa bogue, garantie sans gluten, la châtaigne AOP d’Ardèche se déguste fraiche, en farine, en crème de marron, en marrons glacés, en soupe, en biscuit. Reportage à Saint-Etienne-de-Boulogne auprès de castanéiculteurs passionnés.
Ploc, ploc, ploc… le vent bruisse dans les branches des châtaigniers, savamment alignés et décroche les bogues qui roulent sur le sol. Il a enfin plu la nuit dernière en cette mi-octobre. Ce n’était pas arrivé depuis le mois de juin sur cette terre ardéchoise, tout proche de la commune de Saint-Etienne de Boulogne, entre Privas et Aubenas. Le soleil, très vite revenu, se glisse entre les feuilles couleur or de ces arbres majestueux. Une fois encore, ils ont résisté à la sécheresse.
Christian Crépin ramasse une bogue, petite boule rousse piquante. À l’intérieur, une grosse châtaigne et deux petites, douces et brillantes. C’est mieux que trois moyennes, nous dit-il. Mais tout de même… la récolte devrait chuter de 30 %. 2000 tonnes de châtaignes sont espérées contre 5000 une année normale. Un manque à gagner pour l’ensemble d’une filière qui fait vivre 1000 personnes sur le département. Les fruits, trop petits vont être consacrés en priorité à la transformation en crème de marron plutôt que vendus en frais. Un atout pour les castanéiculteurs car les produits transformés ont une plus grande valeur ajoutée.
Privas contre Pékin
D’abord AOC en 2006, la châtaigne a obtenu l’Appellation d’origine protégée en 2014. Un réel atout pour défendre la castanea sativa, la châtaigne européenne face à la châtaigne chinoise qui occupe 90% du marché mondial. En Ardèche, on retrouve 65 variétés de sativa et les arbres s’étendent sur des surfaces de 6000 hectares d’une terre volcanique et rude. Un plan de reconquête de la châtaigneraie soutenu par le département et la région Auvergne Rhône-Alpes va permettre de réhabiliter encore 10 000 hectares.
Les anciens nous ont transmis un patrimoine dont nous sommes héritiers.
Daniel Vernol, 58 ans, ancien responsable du comité interprofessionnel de la châtaigne d’Ardèche est de ceux qui font un travail considérable de greffage, afin de constituer de nouveaux vergers et aider les plus jeunes à s’installer. Producteur de châtaignes depuis plusieurs générations, il est heureux de transmettre son savoir-faire à son fils. Convaincu de l’avenir d’un fruit qui a nourri les hommes pendant des millénaires grâce à ses vertus calorifiques, il ne compte pas son temps à entretenir ces arbres généreux qui rendent bien ce qu’on leur donne. Les anciens nous ont transmis un patrimoine dont nous sommes héritiers.
La châtaigne constitue 60 % de son revenu annuel couplé avec l’élevage de vaches laitières. Ses parents, âgés de 90 et 91 habitent tout près de lui dans le hameau d’Auzon qui domine le village de Saint-Etienne-de-Boulogne. Trois fois par semaine il leur amène des châtaignes qu’ils mangent bouillies, en complément de la soupe.
Pêche au filet
La vue est splendide du hameau, les châtaigneraies sculptent le paysage habillé de ses couleurs d’automne. Chez Daniel Vernol comme chez Pascale Augstein, elle aussi productrice de châtaignes, des filets verts jonchent le sol au pied des arbres. En quelques semaines, les fruits tombent dans ces filets puis sont récupérés par de gros aspirateurs, un investissement qu’a fait Pascale, lorsqu’elle s’est installée comme responsable d’exploitation en 2001 sur le domaine de son compagnon.
J’ai trouvé le paysage et le fruit très beau et j’ai découvert une histoire forte en Ardèche, avec des fermes qui vivaient quasiment en autarcie. La châtaigne était la base de l’alimentation, elle était séchée, on pouvait la conserver l’hiver, elle pouvait nourrir les animaux et les hommes et servir de bois pour les charpentes, de bois de chauffage. Les archives familiales lui révèlent l’existence du marron Vincent, greffé par le grand-père de son compagnon, Paul Vincent. Sa chair se prêtait au confisage.
Protéger des variétés anciennes, c’est une joie indicible.
Protéger des variétés anciennes, la bouche rouge, la comballe, redonner vie à des châtaigneraies, c’est une joie indicible, raconte Christian. Même si le travail est parfois titanesque, lorsqu’il faut abattre des pins, des frênes, élaguer, nettoyer le sol au pied de l’arbre, pour le transformer en une sorte de green de golf. Quand j’étais gamin, je suis tombé sur une châtaigneraie à perte de vue. À côté de chaque arbre, énorme, d’un diamètre d’une table, on trouvait un jeune rejet, une souche en devenir, j’avais devant les yeux 500 ans de continuité, ça m’avait bouleversé.
Les châtaignes tombent sur une dizaine de jours chez Christian. Après, il faut faire le tri par flottaison, plonger les châtaignes dans un bassin d’eau et éliminer celles qui flottent car véreuses. Puis trier visuellement et encore en éliminer avant de les peser, de les mettre en sac et les acheminer vers les cinq magasins de producteurs avec lesquels Christian travaille.
Daniel et Pascale vendent leur récolte aux deux coopératives de la région qui se diversifient en créant prochainement un atelier de transformation. Car si les habitudes de cuisine ont changé, tous avouent un faible pour un rôti de châtaigne, ce moment convivial où l’on fait cuire parfois à même le feu de la cheminée ou au four, quelques délicieux fruits à déguster ensuite en se brûlant un peu les doigts, accompagnés d’un petit verre de vin local. Puis ce sera Noël, l’occasion de déguster les marrons glacés fabriqués avec la châtaigne d’Ardèche par le célèbre confiseur Sabaton à Aubenas !
Voir du côté de la Corse….
Beaucoup de goût et pas de Chine…..
bonjour, en vacances cet été à Cocures en Lozère, j’ai rencontré un producteur de châtaignes qui dit que l’entreprise Sabaton se fournit en Italie qui se fournit lui-même en Chine pour satisfaire la demande. J’ai l’habitude de commander chez Sabaton et leur ai déjà posé la question. Ils affirment qu’ils ont des châtaignes de France et d’Italie, sans plus. Vous citez Sabaton comme un gage de qualité. Pouvez-vous le certifier ? Merci de votre réponse
En Valais (Suisse) où subsistent quelques petites châtaigneraies, le « rôti de châtaigne » s’appelle la « brisolée »…
Comment se procurer des châtaignes bien de chez nous quand on habite le Nord de la France ?
Un site ? Un biocoop ?
Marion
Ah les bonnes châtaignes francaises! Mais elle sont où ?? J’aimerai bien pouvoir en déguster un jour . Mais comment faire ? Où les trouver ? Je vie dans les BdR, pas très loin de l’Ardèche,et pourtant nous n’avons jamais de bonnes châtaignes à déguster !!! Même dans les fêtes à la châtaignes de collobriere elles sont médiocres, sèches, véreuses…..Si quelqu’un sait comment se procurer des châtaignes francaises dignes de ce nom ,sans devoir aller à la Chataigneraie ?,un revendeur dans les BdR, un site….. Je suis preneuse ?
Bonjour et bravo pour votre réflexion et sachez que je suis passionné par la cueillette dont la recherche de châtaigniers . Depuis 2 ans je cueille, et créé une véritable crème de marrons cuite au sirop à la vanille de l’Ile de la Réunion ( c’est une amie qui me la ramène directement) sachez qu’il faut environ 4 H à 2 personnes pour éplucher 3 kg ( il y a 2 peaux ) mais ayant chef de cuisine patissier c’est + par passion de créer de BONS produis issus de mes recherches…j’ai quelques pots à vendre, si vous souhaitez + de photos et + d’infos, je suis à votre disposition ( si vous avez des doutes quand à l’origine des marrons chez des industriels, sachez qu’un grand producteur de crème de marrons cuits les marrons ENTIERS….Belle année 2019 Thierry Roels
bonjour
intéressant juste signaler qu’il y a aussi des châtaigneraies depuis très longtemps dans les Maures
avec AOP
et ça on en parle presque jamais 🙂