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Ça bouge chez les arbres

Le climat change ? Déplaçons les forêts !

Pour adapter les forêts au changement climatique, les équipes de l’ONF mènent depuis 2011 des expériences de migration assistée des arbres. Dans la pépinière de Guémené-Penfao (Loire-Atlantique), elles bichonnent les jeunes arbres que l’on espère adaptés au climat de demain.

Des milliers de jeunes arbres sont élevés pendant deux ans sur ces tables © Thomas Louapre

Pour tous les habitants de notre planète, les changements climatiques en cours impliquent une course de vitesse. Il faut aller vite pour réduire nos émissions mais aussi aller vite pour s’adapter aux impacts multiples et déjà perceptibles. Dans cette grande course, certains êtres vivants partent avec un handicap : les arbres, qui sont par définition enracinés au même endroit pendant des décennies.

Pour accompagner et accélérer leur adaptation, l’Office national des forêts (ONF) a donc démarré depuis une dizaine d’années plusieurs projets de migration assistée. Le plus ancien porte le joli nom de Giono, du nom de l’auteur du célèbre roman L’homme qui plantait des arbres. Le but : planter dans le nord de la France des arbres qui supportent bien aujourd’hui les climats du sud de la France.

 

Ils sont arrosés et bichonnés, pour être en forme au moment de la replantation dans le milieu naturel © Thomas Louapre

Une dizaine de spécimens de chênes sessiles ont ainsi été repérés dans le massif de la Sainte-Baume, dans le Var, pour leur très bonne capacité à résister à la sécheresse. Dès 2011, une équipe de l’ONF a soigneusement récolté leurs glands, qui ont ensuite été semés et chouchoutés dans une pépinière de Loire-Atlantique, à Guéméné-Penfao. Au bout de deux ans d’élevage, ces plants ont été replantés à Verdun, dans la Meuse. Plusieurs milliers de chênes ont ainsi été replantés, avec un taux de survie dépassant les 70 %.

Le pari est maintenant le suivant : en ayant fait ce voyage, ces arbres issus du Sud seront demain tout à fait capables de supporter le climat forcément plus chaud qui sera celui de Verdun quand ils seront adultes. Mieux encore, selon Olivier Forestier, directeur de la pépinière de Guéméné-Penfao : Ces arbres possèdent dans leur patrimoine génétique les gênes qui leur permettent de résister à la sécheresse. À l’avenir, il vont pouvoir s’hybrider avec les arbres locaux et ce brassage génétique va transmettre les caractéristiques génétiques qui nous intéressent.

Ces jeunes chênes sont triés en fonction de leur taille et rempotés dans des contenants adaptés © Thomas Louapre

Centre d’entraînement au changement

L’ONF multiplie ainsi les projets de ce type. Olivier Forestier résume : Le fil conducteur de tous nos travaux, c’est le changement climatique. Les perspectives de la forêt dépendent totalement de ce climat qui change. En fait, du Giono, on en fait tous les jours maintenant. La pépinière de Guémené-Penfao, destinée à la conservation du patrimoine génétique des forêts françaises, est donc devenue aussi un centre de préparation au changement climatique.

Sous nos yeux, dans les serres, on contemple ainsi l’avenir : les milliers de plants que l’on peut y voir sont les arbres qui peupleront bientôt des forêts françaises et participeront à leur adaptation. On y voit des chênes pubescents, qui pourraient remplacer les chênes sessiles et les chênes pédonculés là où ces derniers sont en difficulté ; ou encore le hêtre d’Orient, plus adapté aux climats secs que les hêtres communs.

Ces arbres auront fort à faire. Car de nombreux effets indirects du changement climatique se font déjà sentir. C’est notamment le cas de la prolifération de virus, insectes et champignons pathogènes qui profitent de nouvelles aires géographiques adaptées à leurs conditions de vie, mais aussi de la santé affaiblie des arbres déjà touchés par les sécheresses.

Les ormes de Guéméné-Penfao, tolérants à la graphiose © Thomas Louapre

Un peu plus loin, dans le bâtiment principal de la pépinière, on accède ensuite au cœur du projet : les énormes frigos où sont stockées les graines. On se croirait dans une cuisine de restaurant. D’ailleurs, Olivier Forestier explique : Pour faire germer une graine, il faut une recette, comme en cuisine. Ces frigos ne régulent pas que la température, on y contrôle l’humidité et même l’alternance de lumière jour/nuit afin de reproduire les cycles des saisons. Le tout permet de pousser les graines à germer de façon coordonnée et optimale.

Annabelle Gouche est spécialiste de la conservation et de la germination des semences © Thomas Louapre

Annabelle Gouche, technicienne de recherche forestière, nous a ouvert ces frigos. Surprise : on trouve des noms exotiques et étonnants comme le calocèdre, venu d’Amérique du Nord, ou le métaséquoïa, originaire de Chine. Accompagnés par des climatologues, les pépiniéristes de Guéméné-Penfao tentent en effet d’identifier les lieux où poussent des arbres inconnus du sol hexagonal, mais qui seront adaptés à son climat dans plusieurs décennies. La chercheuse détaille : On travaille de plus en plus avec des graines de plantes d’autres continents. On se renseigne beaucoup en consultant la bibliographie pour apprendre et maîtriser la germination des graines et l’élevage des jeunes plants.

Les graines sont étiquetées avec soin, pour identifier au mieux leur origine et leurs conditions de vie optimales © Thomas Louapre

Connaître pour peupler

La démarche naissante s’accompagne de son lot de surprises. L’hiver dernier, l’équipe a ainsi été un temps inquiète de voir les jeunes métaséquoïas perdre leurs épines. Avant de se souvenir que ce comportement est normal chez les métaséquoïas, contrairement aux séquoias dont le feuillage est persistant. Ouf, tout allait bien ! Pour acquérir le plus d’informations possibles sur eux, ces arbres vont être plantés dans des ilôts d’avenir de quelques hectares dans différentes régions de France. Ils rejoindront ainsi le patrimoine forestier déjà planté en prévision de demain.

Avant de quitter les lieux, on en admire quelques uns. D’abord plusieurs centaines de pieds d’ormes tolérant à la graphiose, une maladie transmise par un champignon qui a quasiment totalement éradiqué cet arbre de nos paysages. Et, un peu plus loin, plus de 200 noyers issus de noix sauvages récoltées sous des arbres particulièrement résilients. Ils ont été installés dans un champ où paissent déjà une trentaine de vaches. Plantés depuis deux ans, les plus grands atteignent 2 mètres. Cet été, ils ont déjà procuré un abri bienvenu à leurs bovins voisins, qui ont trouvé eux aussi leur solution d’adaptation à la chaleur menaçante : l’ombre des forêts mouvantes.

Quand ce jeune chêne donnera des glands, il transmettra des gênes permettant l'adaptation au climat de demain © Thomas Louapre

2 commentaires

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  1. je pense que c’est pour une raison pratique pour entretenir le terrain l’agriculteur evitera ainsi de faire du gymkana dans son champ

  2. Pourquoi planter les arbres en lignes droites? La nature ne fait pas les choses ainsi. C’est le propre d’une mentalité….rectiligne
    (j’hésite à dire cartésienne)…

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