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Épure de nature

La Bouitte, petite maison gastronomique dans la montagne

Il est des maisons qui n’ont pas besoin de conseillers en communication pour écrire une histoire qui fait rêver. La Bouitte, restaurant gastronomique bâti par René Meilleur et son fils Maxime, à Saint-Marcel (Saint-Martin-de-Belleville, Savoie), est de celles-là. Depuis plus de vingt ans, le duo de chefs de cuisine autodidactes écrit son récit gastronomique aussi limpide que les torrents qui parsèment la vallée des Belleville, leur « pays », et principale source d’inspiration. Dégustation par une belle journée de fin d’été.

Une devise maison est peinte à la main sur le mur des cuisines, visibles depuis les ruelles du hameau ©Juliette Labaronne

Avant de mériter la Meilleur cuisine, il faut généralement faire un peu de route, de ski, de raquettes à neige ou de randonnée… Bref, de quoi s’ouvrir l’appétit jusqu’à rejoindre Saint-Marcel, berceau savoyard familial d’à peine plus de 600 âmes qui a vu naître et grandir René dans une famille paysanne.

Quand on passe la porte du luxueux douillet chalet tout en pierre et bois, accueillis par un personnel aux petits soins, difficile d’imaginer qu’au commencement, il y a à peine plus de quarante ans, était… un champ de pommes de terre. Aujourd’hui, le chalet s’est transformé en une imposante maison aux multiples extensions. Après quelques amabilités d’usage et un accueil à la fois raffiné et familial, on nous sert l’apéritif en terrasse.

De quoi se laisser aller à la contemplation de la vallée et du jardin attenant – un simple terrain racheté par le jeune René à son voisin dans les années 1970, pour y monter avec sa femme Marie-Louise un restaurant de spécialités. Les couple est autodidacte. René, bâtisseur dans l’âme, construit de ses mains le chalet, et y confectionne une cuisine régionale simple et généreuse, tandis que Marie-Louise prend en charge le service en salle : la mayonnaise prend.

Devant la terrasse, des Agastaches fleurissent dans de larges pots : cette herbacée au goût mentholé délicat est comestible, et utilisée en cuisine. ©Juliette Labaronne

Pourtant loin des bords de pistes des fameuses Trois Vallées voisines, des groupes de skieurs de randonnée terminent leur descente devant La Bouitte – petite maison en patois local. René les cueille affamés, les nourrit avant qu’ils ne repartent, repus, vers la première remontée mécanique implantée un peu plus bas à Saint-Martin. Les gourmets se passent le mot, font le détour. La réputation de la maison prend du galon. Mais à l’époque, René était loin de se douter que ce succès local n’était que le début d’une épopée culinaire hors-norme.

Cuisine à quatre mains

Curieux, le couple s’invite chez Bocuse : c’est l’étincelle. Le jeune chef René Meilleur voit loin, bouquine, expérimente. Peu à peu, il laisse libre cours à sa créativité pour interpréter une cuisine savoyarde plus personnelle, avec un objectif : rendre hommage dans l’assiette au magnifique terroir qui entoure sa Bouitte. Pendant ce temps, Maxime, le fils de Marie-Louise et René, grandit sur place mais jette dès ses jeunes années son dévolu sur les grands espaces blancs avoisinants. Sa passion ? Le biathlon, qu’il pratique professionnellement. Mais il m’a fallu être lucide : je n’étais pas assez bon pour le très haut niveau. Il raccroche les skis et la carabine en 1996, puis rejoint son père à la Bouitte, sans passer lui non plus par la case école, mais avec un sacré esprit de compétition dans son baluchon.

Une fois les bases acquises, ensemble, ils élaborent une cuisine fusionnelle à quatre mains qui ne ressemble à aucune autre. Le duo puise toujours ses inspirations dans le terroir : la cuisine savoyarde de l’enfance de René, avec la simplicité comme maître mot. Leur travail paye : ils épinglent une première étoile Michelin au début des années 2000, et se piquent au jeu.

On ne connaît pas le formatage, ni la complication, car nous n’avons jamais travaillé dans d’autres maisons.

René le souligne : c’est le plaisir gustatif, l’émotion qui guident leurs recherches. Et Maxime le revendique, être autodidacte a été une chance. On ne connaît pas le formatage, ni la complication, car nous n’avons jamais travaillé dans d’autres maisons. Confortés par cette distinction étoilée, et par une clientèle qui n’a jamais cessé de leur être fidèle, les Meilleur creusent leur sillon et accrochent une deuxième étoile Michelin sur leurs tabliers en 2008.

En guise d'apéritif, on déguste une tartelette artichaut aux lamelles de truffe Tuber Aestivum, et un bricelet - fine gaufre locale - saupoudré de saucisson. ©Juliette Labaronne

Alors que les succès de la Bouitte sont une fierté pour tout le hameau de Saint-Marcel, le terroir et l’environnement naturel du restaurant pénètrent encore davantage dans les compositions parfois espiègles des assiettes. Truite, pormoniers (saucisse locale de porc aux légumes verts), écrevisses… Mais aussi de nombreuses plantes sauvages de montagne sous toutes leurs formes. Il faut voir Maxime démarrer sa camionnette à l’aube pour aller cueillir chénopodes (sorte d’épinards sauvages), reine des prés, ail des ours, gentiane, fraises des bois… L’œil du connaisseur à l’affût des bons spots grand ouvert. Le chef l’affirme : Marcher dans la montagne, y cueillir des végétaux comestibles est une source inépuisable d’inspiration.

Au fil des années, la petite maison bâtie par René s'est bien agrandie. ©Juliette Labaronne

Pluie d’étoiles

Les producteurs des alpages environnants ne sont pas oubliés pour autant. Les beurres et les fromages sont du cru : sérac des vallons du Lou, beaufort du Nant Brun, bleu de Termignon, persillé de Tignes, tomme de brebis de Serge Jay au Châtelard… Sans oublier le miel de Saint-Marcel ou le safran. Nous faisons ce que nous savons faire : une cuisine régionale travaillée, qui s’appuie sur des produits qui s’étalent sous nos yeux détaille Maxime, qui reconnaît avoir été chercher la troisième étoile, comme on s’entraîne pour décrocher l’or olympique. Avec René, nous avons pris un par un les plats de notre carte et nous nous sommes penchés sur ce qu’ils contenaient de typiquement savoyard. Notre objectif était d’ancrer encore plus profondément l’identité de notre cuisine dans notre région.

Le dernier plat servi (Ris de veau glacé, chiffonnade de pomme de terre Agria, et cigarette russe au raifort) est apparu sous une brume de fumée de hêtre. ©Juliette Labaronne

Les trois étoiles sont attribuées en 2015 par le guide Michelin : le duo atteint son Everest. Trois ans plus tard, en cette fin d’été 2018, l’expédition de la famille Meilleur n’est toujours pas redescendue au camp de base. Sa cuisine patrimoniale complexe et simple à la fois rend hommage à une région entière et derrière, à l’exceptionnelle biodiversité offerte à qui sait la découvrir.

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Initiation à la Bouitte en 3 plats : 159 €. Plus d’informations auprès de
savoie-mont-blanc.com et sur la-bouitte.com

2 commentaires

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  1. A Guel :

    La Bouitte est bien située au hameau de Saint Marcel appartenant à la commune de Saint Martin de Belleville…
    Guel : fort en orthographe, mais moins en géographie !! ??

  2. C’est en effet un très bel établissement avec un très bel esprit. Mais attention à votre article qui dit « Saint Marcel » au lieu de Saint Martin, et qui a laissé passer quelques fautes d’orthographe… 😉

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