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On les voit dans le Vercors

Il faut sauver la vache Villarde

La villarde a longtemps peuplé les pâturages du Vercors. Mais, dans les années 1970, cette vache montagnarde a bien failli disparaître. Aujourd’hui, des éleveurs passionnés relancent cette race mixte, réputée pour son lait et sa viande. Rencontre avec Catherine Duboucher, éleveuse et présidente de l’association de sauvegarde.

©Lucie de la Héronnière

À l’approche de Catherine, trois vaches traversent leur champ à la hâte, suivies par leurs petits veaux. Grandes – plus d’1,40 mètres au garrot – et bien charpentées, le mufle rose, la robe couleur froment et les cornes en forme de lyre, elles ont fière allure. La Villarde est une bête reconnaissante, fidèle à son éleveur. C’est une race rustique, adaptée à un terrain accidenté. Ces vaches sont de bonnes marcheuses, explique Catherine Duboucher, éleveuse avec son compagnon Bernard Idelon à la Ferme des Villardes, à Izeron, en Isère.

Dès 1989, le couple commence à former un troupeau de vaches de Villard-de-Lans, aussi appelées villardes, dans ce village de plaine situé dans le périmètre du Parc naturel régional du Vercors. À cette époque-là, ça ne courait pas les rues !, rit Catherine en parlant de cette race mixte, c’est-à-dire capable de produire du lait, mais aussi de la viande de bonne qualité, très goûteuse et persillée.

Vache en voie de disparition

Car la villarde a bien failli disparaître de la circulation. Petit retour en arrière : cette vache est originaire des Quatre-Montagnes (Autrans, Méaudre, Lans-en-Vercors et Villard-de-Lans), au cœur plateau du Vercors. Elle fait partie d’une grande famille de vaches blondes, appelées comtoises et peuplant au XIXe siècle une bonne partie de la Franche-Comté et du sud- est de la France. Ses cousines, l’albanaise, la bressane ou encore la mezine, ont toutes aujourd’hui tiré leur révérence.

En 1929, environ 15 000 villardes paissent tranquillement dans le massif du Vercors. Mais dans les années 1960, la chute des effectifs est brutale. Pourquoi donc ? Un document de l’Institut de l’élevage évoque des causes multiples : L’abandon de la traction animale, d’abord, puisque cette vache multitâche était aussi utilisée pour travailler dans les champs. Et puis aussi une prophylaxie [les mesures prises pour éviter des maladies, ndlr] agressive contre la tuberculose et la brucellose et la mise en place d’une politique locale de spécialisation des exploitations. En gros, il fallait produire plus, et donc privilégier la montbéliarde pour le lait et la blonde d’Aquitaine pour la viande.

La villarde souffre de n’être excessive en rien, bien que la réunion de toutes ses aptitudes en fasse précisément l’intérêt.

Une villarde produit en moyenne 3000 à 3500 kilos de lait par an (soit environ deux fois moins qu’une montbéliarde, par exemple), même si les “meilleures” peuvent monter jusqu’à 4500 kilos. Elle souffre de n’être excessive en rien, bien que la réunion de toutes ses aptitudes en fasse précisément l’intérêt. Elle est en bon état et satisfait des détenteurs éclairés qui savent reconnaître et apprécier son équilibre, son tempérament et la qualité de ses productions, signale encore la description de l’Institut de l’élevage.  

Quoiqu’il en soit, dans les années 1970, il ne reste plus que quelques dizaines de villardes. En 1976, avec le soutien du ministère de l’Agriculture, plusieurs programmes sont lancés pour sauvegarder des races bovines en voie de disparition en France. Dans le Vercors, diverses actions de conservation sont organisées avec la poignée d’éleveurs restants (collecte des semences des derniers taureaux, création d’un “livre généalogique”…).

Le retour de la villarde

En 1996, la naissance de l’Association pour la sauvegarde et la relance de la race bovine Villard-de-Lans sur le Parc naturel régional du Vercors va accélérer la renaissance de la vache. Deux ans plus tard, les agriculteurs du plateau obtiennent l’AOC (Appellation d’origine contrôlée, qui deviendra AOP, Appellation d’origine protégée) pour le bleu du Vercors-Sassenage, un onctueux fromage à pâte persillée. Bonne nouvelle pour la villarde : en compagnie de la montbéliarde et de l’abondance, elle est inscrite comme race autorisée. 

©Lucie de la Héronnière

Un nouveau cahier des charges, actuellement en cours de validation auprès de l’Union européenne, indique même que les éleveurs laitiers concernés devront avoir au minimum 3 % de bêtes de race de Villard-de-Lans, et au moins une vache par troupeau. Malgré les effectifs à la hausse, il manque encore une vingtaine de villardes pour atteindre cet objectif !

Catherine Duboucher aurait tout de même préféré un taux de 10 %, pour plus de cohérence. En effet, une partie de la communication autour du fromage local – et notamment au Salon de l’agriculture – porte sur la villarde ! En tous cas, il a fallu changer d’état d’esprit. Dans les familles, les parents qui ont éradiqué cette vache sont parfois encore là. Il y a une histoire. Ce n’est pas forcément facile de revenir en arrière, dit Catherine, qui préside l’association de sauvegarde depuis plus de dix ans.

La viande, c’est comme le bon vin : il faut savoir en parler !

Circuits courts

En 2009, avec l’hérens et l’abondance, la villarde entre dans l’Organisme de sélection des races alpines réunies. Son rôle ? Rassembler toutes les données sur les animaux. Nous avons encore besoin d’un travail technique de recherche, sans séparer le rameau lait et le rameau viande, mais en travaillant sur les deux filières en même temps, affirme Catherine. L’éleveuse, dont l’exploitation est orientée sur la viande, ajoute : La viande, c’est comme le bon vin : il faut savoir en parler ! Nous allons bientôt démarrer un travail sur la viande pour démontrer sa typicité et mieux la mettre en avant.

À Izeron, les villardes de Catherine sont principalement nourries de pâturage et de foin. L’été, elles montent en alpage. L’autre facette de la Ferme des Villardes, c’est la production et la transformation de noix et petits fruits. Les confitures et la viande sont vendues en circuits courts (magasins de producteurs, Ruche qui dit Oui !…). Quand on a commencé avec les villardes, il y trente ans, les gens disaient qu’on n’allait pas tenir. En circuit de vente traditionnel, on n’y serait pas arrivé.

Sans les circuits courts, Catherine aurait eu plus de difficultés à vivre de son élevage. ©Lucie de la Héronnière

Aujourd’hui, Catherine Duboucher élève des vaches de race Hérens et trente mères villardes, plus la suite c’est-à-dire les génisses de renouvellement d’élevage, soit environ 50 villardes en tout. Nous avons ici presque 10 % du cheptel français ! En effet, en 2018, 427 femelles villardes (dont 303 vaches adultes) sont inventoriées par l’Institut de l’élevage (contre 140 en 1981 !). À titre de comparaison, la France comptait 670 000 montbéliardes en production en 2016. On peut considérer que la race est sauvée. Mais cela peut vite rebasculer en cas de problème sanitaire…, affirme Catherine. Les documents de la PAC ou le ministère de l’Agriculture parlent encore clairement de race menacée d’abandon. Mais Catherine préfère utiliser le terme de race à faible effectif… Plus positif.

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