À Larock, les idées comme les légumes foisonnent. Au cœur de la Belgique bat celui d’une bande de passionnés qui partagent une nouvelle approche de l’agriculture : collective, créative et pédagogique.
Sur le bord d’une petite route de campagne liégeoise, une pancarte en forme de crayon géant annonce : Prudence école, attention à nos enfants. Nous sommes arrivés. À l’école, à la ferme, dans l’espace de formation à la biodynamie, à la piscine municipale faite de bottes de paille et de bâches agricoles, chez Louis, Eline, Aurore, Zoé, Cyrille, Laurence Peter et leurs enfants. Bref, nous voilà à la ferme de Larock devant Louis, Larock lui aussi. La barbichette assortie au bouc de la grange, le regard pétillant d’énergie, le personnage, d’emblée fascinant, nous embarque dans son champ magnétique.
Le bout du tunnel au bout du champ
Louis est plutôt du genre affable. Dans un flot de paroles naturellement déversé entre ses incisives inférieures, il invoque régulièrement l’écrivain Johann Wolfgang Goethe et le pédagogue Rudolf Steiner lorsqu’il explique ce qui l’a conduit à reprendre la ferme dans la famille depuis 1927. Même si j’ai grandi ici, je n’en prenais pas du tout le chemin, explique-t-il. Après mes études d’allemand et de philosophie, je me posais tout un tas de questions sur la vie, sur les réalités de la poésie. Je me demandais notamment si la poésie devait servir à mentir avec beauté ou si elle devait dire une partie de la vérité.
Le jeune étudiant en pleine errance existentielle trouve un début de réponse dans les choux de la ferme Baré non loin de Namur. Ici à Balâtre, l’équipe pratique la biodynamie depuis des années. Dans l’esprit du fondateur Steiner, il existe une démarche de connaissances qui ne revient pas à la science mais fait justice à tous les sentiments que l’on a, explique Louis. Je me suis plongé dans les fondements de la biodynamie et j’ai trouvé beaucoup de réponses à mon débat intérieur. En 1986, année de Tchernobyl, c’est devenu une évidence. J’ai repris la ferme familiale.
Trente trois ans plus tard, Louis est attablé sous un des grands arbres du domaine en polyculture-élevage qui compte 25 hectares. Il attend Victoria, 23 mois, future élève de l’école à la ferme. Une jument passe, c’est Vinka dont la vocation est plus pédagogique qu’agricole. Peter, maraîcher nous salue et descend dans son champ. Un groupe de jeunes en formation part s’installer dans la salle commune. Il fait beau, hommes, animaux et végétaux se partagent harmonieusement l’espace et semblent alignés sur les mêmes planètes. Ça vibre à Larock.
Cultiver le collectif
On est passé de la ferme de Louis à une ferme de sept personnes qui portent le projet et en tirent un revenu, explique Peter qui s’occupe des 1,5 hectares de maraichage alors que sa compagne cultive des plantes aromatiques. L’ex-éducateur spécialisé habite sur place, ses enfants sont allés à l’école créée il y a 5 ans autour de la pédagogie Steiner-Waldorf.
Dans le jardin d’enfants de Larock, on fait pousser les bambins sans tirer dessus, raconte Peter. Ils se développent à leur rythme. Une fois par semaine, les élèves de 2 à 6 ans font de la cuisine mais aussi du maraîchage et tous les matins commencent par un tour de la ferme, commente Eline qui a monté cette école. Ce rituel matinal permet de remettre tout le monde dans la même harmonie. La jeune femme se souvient d’un garçon difficile qui, chaque matin, allait se poster devant le taureau et soufflait. L’animal, miroir magique ?
Peter accueille donc dans ses allées de légumes des enfants mais aussi de jeunes autistes qui viennent mettre les mains dans la terre tous les mercredis. La ferme est organisée comme un écosystème agricole, explique-t-il. Les 25 hectares forment un tout et doivent se suffire à eux-mêmes. Steiner disait : ‘chaque achat extérieur doit être considéré comme un médicament,’ c’est pour cela qu’ici, on vise l’autonomie.
À Larock, c’est le cas. La ferme compte plusieurs points d’eau naturel, cultive des céréales pour les animaux, le fumier des bêtes sert à enrichir les cultures… Côté production, c’est la profusion. On y trouve des vaches à lait et à viande, des cochons, des poules, des chèvres, des petits fruits, des gros légumes, un atelier de production de fromages, un verger, des plantes aromatiques, des ruches et un magasin pour vendre tout ça le plus localement possible. Dans notre projet, on doit aussi cultiver l’humain, poursuit le maraîcher. Cet aspect fondamental figure dans le manifeste de la ferme : dans les relations sociales, nous souhaitons cultiver d’une façon ouverte et dynamique, des espaces d’initiative personnelle et de partage où chacun peut apporter le meilleur de lui-même tout en contribuant à un projet commun.
Concrètement, l’équipe déjeune ensemble tous les midis. Chacun cuisine à tour de rôle pour tous les autres. Le vendredi, les réunions pratiques permettent d’organiser la semaine qui vient. De temps en temps des chantiers communs sont organisés, comme le grand passage de la tondeuse sur l’exploitation. Tous les deux mois, on organise des réunions du cœur pour exprimer ce qui est difficile au niveau social, explique Peter. Chacun vient d’abord poser ce qui lui pèse sans que ce soit forcément commenté. Puis on vient remercier, quelque chose ou quelqu’un. Enfin, on peut aussi exprimer un regret. Moi par exemple, en ce moment, j’aimerais remercier l’esprit du lieu et je regrette d’être impatient pour arriver là où je le voudrais.
Biens communs
Louis, lui, est plutôt heureux de l’aventure Larock : c’est exactement ce que j’avais en tête, je suis content d’être arrivé là même s’il faut toujours s’accrocher. Aujourd’hui, le sexagénaire est toujours en proie à de vastes questions existentielles mais continue de se battre, c’est une nécessité intérieure. Parmi les équations à résoudre prochainement celle de passer de la propriété privée à des terres collectives. Mais aussi comment garantir la viabilité de Larock quand une quarantaine de petites fermes disparaissent chaque semaine en Belgique ?
La réponse est entre les mains de Terres en vue (le Terres de lien belge ndlr). Depuis quelques mois, des particuliers rachètent les terres de Larock pour pérenniser le projet et le libérer d’éventuelles spéculations foncières. Mon souhait est que Larock soit une communauté agricole soutenue par une communauté sociale, confie Louis. On y est presque. Grâce à une centaine de coopérateurs, Larock aura bientôt le statut de bien commun. L’individualité provoque l’individualité, écrivait Goethe. À Larock, le collectif provoque le collectif.
La ruche qui dit oui serait-elle affiliée à la galaxie de Rudolf Steiner (écoles Steiner-Waldorf, Weleda, La Nef, Dr Hauschka, Biodynamie, etc) ?
« Hommes , animaux et végétaux se partagent harmonieusement l’espace »
Et une jeune femme souriante en photo faisant un câlin à une vache …
Dites moi l’équipe de la ruche , tout va bien pour vous?
La poésie doit elle dire une partie de la vérité…? Bonne question.
Quelle partie de la vérité ?
Pas celle à priori de l’abattage des animaux , de la production de lait au détriment de la vie d’un jeune bovin ( plus mignon en photo faisant des câlins que terrorisé quand on l’arrache à sa mère…).
Pas celle d’un monde où le partage harmonieux de l’espace n’est pas accordé à toutes les espèces sensibles.
Vous vous sentez bien dans vos valeurs ?
Vous savez, on peut décider d’arrêter d’exploiter les animaux ou de promouvoir cette triste réalité ( la ferme aux 70 000 poissons !!).
Moi j’ai 48 ans et je viens du sud ouest ( région peu propice au végétarisme) et bien je suis devenue vegan…je vous ressemblais beaucoup avant … et je n’ai pas cessé d’évoluer ,dans ce même esprit d’un monde meilleur .Simplement un jour une phrase s’est imposée « je ne veux plus manger de la souffrance ».
Je vous souhaite à tous de toujours plus aimer.
Avec cœur .
Patricia.