L’association Picojoule forme à l’autoconstruction ou l’auto-installation de méthaniseurs domestiques. Loin d’être simple, la méthode représente tout de même une réelle opportunité pour des collectifs motivés.
Consommer du gaz a une influence néfaste pour le climat et sa consommation bénéficie bien souvent à des régimes autoritaires. Sans parler de son prix, en hausse importante et continue depuis plusieurs mois.
Une association située à Ramonville-Saint-Agne (en Occitanie) travaille depuis une dizaine d’années à une production plus éthique de gaz. Baptisée PicoJoule, elle fait la promotion de la sobriété et des énergies renouvelables en général. Surtout, elle s’est spécialisée dans la promotion d’une méthode à la fois simple et durable, disponible en open source : la microméthanisation. En clair, il s’agit de produire du gaz maison à partir de déchets végétaux en petit groupe de particuliers.
Jean Fréri, coprésident de PicoJoule, détaille : Dès le début de l’association, en 2012, nos membres ont réalisé qu’il existait peu de plans ou tutoriels en langue française sur les petites installations de biogaz. L’association a voulu faire le travail d’un bureau d’étude open source et collaboratif pour diffuser des savoir-faire. Les membres de PicoJoule ont donc listé et analysé pendant plusieurs années les méthodes utilisées dans bon nombre de pays en développement, notamment en Inde, ou épluché celles d’ouvrages francophones un peu oubliés (comme des publications de l’écologiste Bernard Lagrange datant des années 1970).
Comment ça marche, concrètement, la méthanisation ? Jean Fréri explique : L’analogie la plus simple pour moi, c’est l’estomac de la vache. Dans un estomac de vache, il y a tout un tas d’organismes qui dégradent de la matière pour apporter de l’énergie aux vaches. Ce processus est émetteur d’un gaz, le méthane, qui est inflammable. L’idée de la méthanisation, c’est de répliquer ce mécanisme et d’exploiter ce gaz.
En principe, la réalisation est simple : il faut un contenant pouvant être fermé hermétiquement (un gros bidon ou une cuve à eau par exemple) ; puis le remplir de débris végétaux plutôt azotés (restes de cuisine, tontes de pelouse et tailles de végétaux en petit morceaux…). Ce contenant va être équipé d’un tuyau pouvant faire circuler le gaz jusqu’à un système de stockage (un gros ballon de gym, un matelas gonflable…).
Plus adapté à de petits collectifs
Dans le détail, c’est bien sûr beaucoup plus complexe. Cela demande des savoir-faire et pas mal de précautions. Il faut filtrer un gaz toxique appelé sulfure d’hydrogène, s’assurer que la température de l’installation reste proche d’un idéal de 15 à 20 degrés ou encore s’équiper d’une sécurité contre les retours de flamme ainsi que d’une petite pompe ou d’un compresseur pour exploiter le gaz produit.
Et il faudra encore surveiller chaque jour son installation, mesurer régulièrement son PH et surveiller ses éventuelles odeurs suspectes. Ce qui fait dire à Jean Fréri : Selon moi, une telle installation demande trop de temps et de surveillance pour convenir à une cellule familiale. C’est plus adapté à des petits collectifs d’une dizaine de personnes minimum, dans lesquels deux à trois individus se forment pour être référents et où l’on peut facilement mettre en place une astreinte de surveillance pas trop contraignante.
À ces conditions, on peut obtenir de quoi alimenter en gaz une cuisine pendant une heure trente à deux heures par jour. De quoi cuisiner pour nourrir le groupe de dix personnes exploitant cette petite unité de méthanisation. En prime, les déchets végétaux sont valorisés. Les résidus du processus sont des engrais très performants pour les cultures.
Cinq modèles de méthaniseurs
Afin de tester plusieurs méthodes et façons de faire, PicoJoule a développé cinq modèles différents de méthaniseurs dans son atelier installé d’abord à Artilect, le Fab-Lab de Toulouse, puis depuis 2016 à la Maison de l’Économie Sociale et Solidaire (MES) de Ramonville. Forte de cette expérience, l’association organise aujourd’hui des formations et chantiers pour concevoir et réaliser des installations de méthanisation locale.
Une manière de valoriser des savoir-faire et des ressources locales, mais pas seulement. Jean Fréri décrit : On estime que diffuser ces méthodes permet aussi de mener des réflexions à la fois sur nos besoins d’énergie, sur la réduction de notre consommation et sur la façon dont notre énergie est produite. On est par exemple très critiques sur la méthanisation industrielle, qui repose sur le même principe que nos installations, mais qui nécessite des volumes énormes de matières. Cela implique à la fois une concentration de risques mais aussi la circulation de camions sur plusieurs dizaines de kilomètres pour transporter des déchets végétaux. À nos yeux, ça semble être une aberration, c’est en tout cas un débat à avoir. Décidément, la microméthanisation est bien fertile.
En pratique :
Si vous voulez vous lancer, vous pouvez consulter les ressources suivantes :
> Cette vidéo et celle-ci tournées avec PicoJoule sur Youtube et réalisée par le Low-tech Lab
> Le tutoriel La méthanisation en auto-construction écrit et réalisé par le Low Tech Lab à partir du travail de PicoJoule
> Le reportage de la chaîne Youtube L’archiPelle sur la méthanisation domestique
Le méthane est environ 25 fois plus nocif que le CO2 pour le climat. Est-ce une bonne idée pour le climat de produire du méthane ?
Et de le produire dans des installations artisanales qui ont toutes les chances d’avoir plus de fuites que des installations industrielles ?
Je n’ai pas la réponse, mais il me semble qu’il faut se poser la question.