Deux designers ont aménagé un ancien camion de pompiers et sa remorque en atelier itinérant. Objectif : partager des savoir-faire sobres et durables pour fabriquer un four solaire comme une éolienne.
C’est un camion rouge si beau et étonnant qu’on le croirait tout juste sorti de la caisse à jouets d’un enfant. Un ancien camion de pompiers autrichien, aménagé en van avec beaucoup de bonnes idées et un peu de réemploi. Il est autonome en énergie électrique grâce à des panneaux solaires, chauffé par un poêle à bois et équipé d’un filtre à eau pour la consommation de ses habitants.
Depuis plus de quatre ans, c’est avec ce véhicule qu’Alizée Perrin et Yoann Vandendriessche sillonnent l’Europe, de fablab en recyclerie et d’écovillage en lieux associatifs animés par les low-tech. Le but de leur association Chemins de Faire : acquérir et transmettre des savoir-faire basés sur le réemploi et/ou peu coûteux en énergie.
Depuis deux ans, ils traînent en plus au cul de leur camion une remorque aménagée en un véritable petit atelier itinérant. À l’intérieur : tout ce qu’il faut pour se mettre à travailler à partir du bois, du métal et/ou du cuir, n’importe où, et si possible en groupe. Des fours solaires, des ruches, des composteurs ou même des éoliennes y voient le jour. On note aussi de jolies prouesses, comme cette machine à coudre transformée en batteur de cuisine à pédale, qui a permis à l’été 2021 de réaliser une mousse au chocolat pour 60 personnes sur le campus de la Transition – un lieu de formation et d’expérimentation des techniques liées à transition écologique installé depuis 2018 dans le domaine des Forges (Seine-et-Marne).
Yoann et Alizée sillonnent ainsi les routes de France pour monter des ateliers associatifs avec des MJC (Maison des jeunes et de la culture), des écoles, des foyers (des jeux en bois ont été fabriqués avec des adultes en situation de handicap dans un foyer d’hébergement de Dijon), des théâtres et scènes nationales (pour la Scène nationale de l’Essonne a été réalisé avec des habitants un totem brasero pour un spectacle pyrotechnique)…
Les ateliers sont mis en place en amont en concertation avec ces structures dans le cadre de partenariats. Ils sont gratuits pour le public la plupart du temps et utilisent autant que possible des ressources du coin : déchetteries, ressourceries, restes de chantiers, démolitions… Ainsi les réalisations et les matériaux changent souvent mais l’idée reste la même : On veut faire mettre la main à la pâte, donner à la fois les clés, les outils et la matière pour donner envie aux autres de fabriquer, résume Yoann.
Spectacle itinérant
À la fin de leurs études en 2018, Alizée, formée au design d’intérieur, et Yoann, au design industriel, constatent un grand décalage entre leurs aspirations de vie et leur réalité quotidienne dans un petit appartement parisien. L’idée de prendre la route s’installe. Alizée se souvient : On a aménagé le camion en quelques mois pour faire des rencontres et tester un mode de vie basé sur l’itinérance. On est allés à la rencontre d’artisans et d’écolieux organisés autour des low-tech en Scandinavie, en Espagne et au Portugal. L’idée étant plus de découvrir des modèles de structures différents que de collecter des plans d’objets, la plupart des réalisations étant déjà connues du couple. Au bout de ce périple, ils en sont convaincus : plus qu’un mode de vie, cette expérience peut devenir la base de leur métier.
Le camion attire, c’est un peu comme un spectacle, comme une caravane de cirque. Entre nous, on appelle ça le « coefficient sympathie du camion », on le voit surtout quand on déploie notre matériel. Ça invite des gens très différents à venir nous voir. Ça nous sort d’un entre-soi qui pourrait naître si on avait un atelier sédentaire.
Sur leur site internet, les deux designers partagent aujourd’hui via des notices et tutos l’ensemble de leurs réalisations. Logique, aux yeux de Yoann : On appartient à la communauté des low-tech, et dans cette communauté, la documentation, c’est le nerf de la guerre. C’est la clé pour mener une recherche collective en permanente évolution. La plupart des low-tech qu’on produit, on n’en revendique pas du tout la paternité, c’est du savoir commun.
Pour aller plus loin :
Dans cette liste, trois fabrications géniales nous ont particulièrement tapé dans l’œil. Avec l’accord d’Alizée et Yoann, nous vous les partageons pour vous inspirer et – pourquoi pas ? – vous inviter à tenter de belles créations :
La machine à énergie musculaire
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Alizée : En camion, on n’a pas accès à l’électricité tout le temps. On recherche donc au maximum à utiliser l’énergie musculaire. On a pu mettre cette expérience à profit pour un atelier : on a remplacé la manivelle d’une machine à coudre Singer par un pédalier de vélo. Cela permet de faire fonctionner à l’aide d’une seule pédale aussi bien des meules qu’une scie circulaire. On change simplement l’outil qui est relié sur une tige filetée. Désormais, on utilise cette réalisation dans nos ateliers pour construire d’autres objets. Ce n’est pas aussi efficace et puissant qu’une machine branchée sur secteur mais ça suffit largement la plupart du temps.
Le séchoir solaire
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Yoann : On a aussi beaucoup de bons retours sur ce séchoir. Le principe est simple : l’air entre dans le séchoir où il chauffe entre une vitre et un support noir. Il faut une ventilation pour faire sortir l’humidité.
La serre accordéon
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Yoann : Pendant une visite de l’éco-centre Trégor (Côtes d’Armor, NDLR) nous avons découvert par hasard cette serre pliante mise au point par un jardinier appelé Hervé Garel. On peut la construire assez facilement avec du bois de récupération et une bâche transparente. Beaucoup de gens nous écrivent pour nous dire qu’ils ont construit cette serre à partir de nos plans open source et qu’elle est très pratique pour les semis et parce qu’elle se replie en prenant très peu de place.
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