Bruno Gerelli installe des ruches sur les pelouses ou les toits des petites et grosses entreprises grenobloises. Tout au long de l’année, il se fait le gardien de ces abeilles citadines et transmet sa passion bourdonnante à des salariés ravis.
8 heures du matin, un beau jour d’été. Sur un toit, face au massif de Belledonne encore bleuté, Bruno Gerelli transporte deux ruches avec Christian, un copain venu lui donner un coup de main. Chacune des structures en bois abrite 50 à 60 000 abeilles et déjà pas mal de miel. Les deux hommes enfilent une combinaison blanche complètement étanche, mettent des gants, ouvrent les ruches orientées vers un pan de colline. C’est parti : les abeilles décollent.
Cette scène se passe sur les hauteurs du SDIS (Service départemental d’incendie et de secours) de Fontaine, en Isère. Que fait un apiculteur sur le toit des pompiers, que l’on appelle souvent pour déloger des nids de guêpes ? Bruno Gerelli, avec sa société Bee Abeille, installe des ruches dans les entreprises ou établissements publics de l’agglomération grenobloise. Cette toiture végétalisée s’y prête parfaitement, explique Christophe Czervisice, chef du service études et travaux du SDIS. C’est la touche finale à ce bâtiment inauguré il y a un an déjà orienté vers le développement durable, poursuit Yannick Lemoigne, responsable du service communication.
L’envol des abeilles se passe tranquillement. Elles ne sont pas trop énervées ! Là, elles vont commencer à se repérer dans ce nouvel environnement. Elles peuvent aller jusqu’à 3 km à la ronde !, commente Bruno, devant ses interlocuteurs attentifs, eux aussi en combinaison blanche. Il reviendra bientôt, pour voir si ses abeilles vont bien. Quelques salariés curieux l’accompagneront…
De la com aux abeilles
Installer des ruches sur les toits est le quotidien de Bruno Gerelli, ancien directeur de la communication d’EDF à Grenoble. La reconversion s’est faite en plusieurs temps. Celui de la découverte d’abord, lorsqu’il rencontre Ludovic Maillet, apiculteur amateur cherchant un jardin accueillant pour ses ruches. Au fil des semaines, le cadre dirigeant suit son nouvel ami, apprend les subtilités du monde des abeilles et installe même sa propre ruche. Mais, en 2014, tout jeune retraité, Bruno a un grand projet, bien loin du miel : devenir maire de Claix, commune de l’agglomération grenobloise. Les électeurs en décident autrement… Pour moi, il n’était pas envisageable de ne rien faire, se souvient-il.
C’est alors que l’idée déboule : installer des ruches sur les pelouses ou les toits des entreprises. Professionnaliser ce qui n’était qu’un passe-temps. Bruno peaufine son apprentissage avec des formations au Syndicat apicole dauphinois. Au printemps 2015, cette nouvelle activité commence. La première année, j’ai installé deux ruches, chez deux clients. Aujourd’hui, j’ai 35 ruches dans l’agglo, raconte-t-il. Généralement, les petites entreprises fonctionnent au coup de cœur. Les grosses entreprises cherchent plus à améliorer leur RSE (Responsabilité sociétale des entreprises), observe Bruno. Toutes peuvent communiquer sur cette démarche environnementale auprès de leurs salariés ou de leurs clients (en leur offrant des petits pots de miel, par exemple).
Mon travail, c’est uniquement de préserver la santé des abeilles.
Où se trouvent les ruches de Bruno ? Dans des structures de toute taille et en tout genre : hypermarchés, banques, bureaux d’étude, cabinets d’experts comptables… Et même dans un restaurant gastronomique, le Fantin Latour. Dans le jardin du lieu, en plein cœur de Grenoble, les poules déambulent, les oiseaux chantonnent et les abeilles bourdonnent sous le grand tilleul ! L’installation des ruches s’inscrit dans la lignée de ce que nous avons mis en place ici : reproduire le verger de mon enfance, un endroit apaisant, explique le chef Stéphane Froidevaux. Je me sers du miel en cuisine et pour ma consommation personnelle. À partir de cette année, nous allons aussi le mettre en vente, poursuit-il.
Abeilles citadines
En pratique, Bruno propose donc des “ruchers clés en main”, avec des contrats annuels comprenant l’installation, le matériel, le soin des abeilles, des séances d’information ou de sensibilisation, l’extraction du miel ou la mise en pot (avec des étiquettes personnalisées !). Les entreprises qui n’ont pas de place ou d’emplacement approprié peuvent aussi parrainer une ruche, installée dans le rucher de Bruno à Claix.
L’apiculteur rend visite à chacune des ruches 15 à 20 fois par an. Mon travail, c’est uniquement de préserver la santé des abeilles ! Je m’engage à fournir 10 kg de miel par ruche, mais j’explique aussi beaucoup le cycle de vie et de production des abeilles. Celles-ci, plutôt citadines, ne sont pas exposées aux pesticides et bénéficient d’une bonne diversité florale.
Dans son atelier, un bout de garage où l’on croise des pots, des cadres ou une ruche en cours de montage, Bruno nous montre l’extracteur : Il fonctionne avec un moteur. Mais je peux aussi mettre une manivelle. Les gens la tournent et voient arriver des quantités de miel, c’est magique ! Voilà au fond ce qui fait vibrer l’apiculteur : Ce que j’adore, c’est prêter des vareuses aux salariés et les emmener voir les ruches. J’ai l’impression de répondre aux préoccupations du moment. On peut passer des heures à échanger, je fais partager cette passion.
Bravo pour cette belle initiative qui en intéressera plus d’un(e) !