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L'engagement porte ses fruits

« Un agriculteur doit pouvoir vivre de son métier »

Heureux soient les fêlés, car ils laisseront passer la lumière. À Visan, petit village au bord des Baronnies, Grégory Rinaldi cultive à la Michel Audiard. Le jeune agriculteur taille ses fruitiers pour y faire entrer les rayons du soleil, privilégie la diversité et la vente directe. Le scénario gagnant d’une nouvelle agriculture ?

©Thomas Louapre

Grégory enfile son harnais. Deux sangles au bout desquelles s’attache une bassine-panier. Lunettes effet miroir sur le nez, le voilà prêt à attaquer son rang d’abricotiers par la face sud. Entre Drôme provençale et Vaucluse, l’Everest du jeune maraîcher est fait d’arbres aux feuilles bien vertes et aux fruits rosés et exige une endurance au long cours.

De fin février à septembre on bosse sept jours sur sept, l’été, tu peux prendre des vacances de deux heures, raconte-t-il en ramassant méthodiquement les abricots.

©Thomas Louapre

Regardez, celui-ci est à point, son blush est bien rose. Le blush, c’est cette couleur bonne mine qui sied si bien à ce fruit qui pousse à 98 % dans le sud-est de la France. Il ne sert à rien de tâter les abricots, la bergarouge est une variété à la fois très ferme et très sucrée, précise Grégory qui cultive plusieurs autres variétés sur sa parcelle.

Lentement mais sûrement, le presque trentenaire remplit son panier et récoltera cette année au maximum 5 kilos par arbre, à cause du gel mais aussi à cette petite bête de moins de 3,5 mm qui fait trembler le monde de l’arboriculture. La mouche suzukii originaire d’Asie pond ses œufs dans les fruits quand ils sont bons à être mangés. Les larves se nourrissent de la pulpe et rendent les fruits impropres à la consommation. C’est une vraie plaie.

©Thomas Louapre

Ultra moderne poulitude

Sur cette parcelle d’un hectare où se côtoient une petite dizaine de variétés d’abricotiers et autant de pêchers, les volailles de Grégory sont mises à contribution. Dès le printemps, une cinquantaine de pintades viennent s’égayer au milieu des arbres et jouent à la fois le rôle de tondeuse et de nettoyeuse. On leur aménage des parcours sous des filets, elles mangent l’herbe entre les abricotiers et se délectent aussi des œufs de la mouche asiatique. Cela nous évite par la suite de traiter et de désherber.

J’essaie de toujours laisser l’équivalent d’une main entre chaque fruit pour qu’il puisse pleinement se développer.

Pour les gallinacés, la sortie à la fraîche est appréciée. Les arbres leur offrent ombre et bien-être et leur pitance est naturellement plus diversifiée. Ce genre de pratique se traduit par une croissance plus élevée et un gain de poids vif d’environ 5 % chez les volailles, explique l’association française d’agroforesterie qui encourage le mariage du végétal et de l’animal.

©Thomas Louapre

Retour à la case départ

J’ai acheté cette parcelle il y a six ans à un voisin qui bouffait la grenouille, se souvient Grégory. J’ai eu de la chance, dans le coin, le vin marche bien, il n’y a pas beaucoup de foncier à vendre. Depuis son retour à la terre, le jeune homme glane les terrains disponibles pour constituer son patchwork agricole d’aujourd’hui 5,5 hectares. Ses champs visanais se trouvent éparpillés sur six parcelles différentes. Ici, il cultive des melons, là-bas des figues, plus loin des fraises, des poires, du raisin. Entre ces lieux, des kilomètres de chemins accidentés par la pluie qui, quand elle tombe par ici, est plutôt forte et violente.

Il me faut tout reconstruire, mes parents étaient agriculteurs mais ont vendu leurs terres à la fin des années 1990 pour s’occuper d’un camping. Grégory se souvient de ses premiers pas dans les rangs d’asperges, des matins où ses parents réveillaient les enfants à 5 heures pour aller récolter. Ma petite sœur finissait sa nuit dans un lit pliant au milieu des champs. J’ai tellement vu mes parents galérer que ça ne me donnait pas du tout envie de devenir agriculteur, poursuit-il. En 2012 pourtant, Grégory se lance. L’agriculture serait-elle un virus-passion à inoculation lente ?

©Thomas Louapre

Moins mais mieux

Si je m’en sors aujourd’hui, c’est parce que j’ai fait le choix de la diversité et de la vente directe, explique l’agriculteur qui arrose peu pour ne pas diluer le sucre de ses fruits et taille l’intérieur de ses arbres pour laisser passer la lumière. Dans le coin, les agriculteurs arrachent les abricotiers pour faire du vin mais Grégory résiste, autant qu’à l’appel des sirènes de la subvention. J’ai refusé toutes les aides. On doit pouvoir vivre de son métier quand on est agriculteur. 

Pourtant, le jeune maraîcher confie avoir des crédits plein les bottes et se donne cinq ans pour passer en bio. Je préfère me faire la main d’abord et me forger ma propre opinion. Les arbres, on s’en occupe pendant vingt ans, j’ai tout mon temps. Pour l’heure, celui-ci est plutôt compté. Grégory doit faire le tour de ses parcelles avant le marché du soir. L’Everest arboricole commence aussi par une approche de nuit.

9 commentaires

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  1. C’est vrai que quand on lit de tels articles sur de jeunes agriculteurs courageux cherchant à faire une agriculture raisonnable, tirant le meilleur de la nature; ça donne envie de les encourager… Mais comment?

  2. Comment acheter les produits de ces si méritants agriculteurs qui nous réconcilient avec le vrai gout des bons produits .Merci a eux.Le bon ne s’ achète pas dans les supermarchés !!!

  3. bravo à ces jeunes courageux qui triment dur et prennent des risques pour notre bien-être à nous: les consommateurs trop souvent égoïstes!
    j’enrage de voir que beaucoup de ceux qui nous permettent de nous nourrir , agriculteurs ou éleveurs, ne perçoivent même pas un SMIC, honte à nous! coup de chapeau pour eux, mais j’aimerais faire plus que « commenter »….

  4. Je vous l’ai déjà signalé, mais les articles pour « soutenir » de jeunes producteurs ne servent à rien si vous ne communiquez pas aussi leurs coordonnées et/ou les moyens de trouver leurs productions.
    Nous avons mangé tout l’été des fruits immondes. J’ai vainement cherché des abricots à confiture, par exemple. Aller les chercher à Visan eut été une solution … Mais où ? Quand ? A quelles conditions ?

  5. Bonjour, travaillant dans un laboratoire de recherche, avec pour thème les relations plantes-insectes ravageurs , entre autres , la Drosophila suzukii , les volailles mangent plutôt les mouches volants autour des fruits mais sûrement pas les larves , car celles-ci sont pondues dans le fruit , et invisibles de l’extérieur , tout comme comme les larves qui suivront.
    Je suis responsable de l’élevage de ces mouches en laboratoire.

    Cordialement,

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