Maxime de Rostolan fait partie de ces porteurs d’espoir qui carburent à l’énergie verte. Fondateur du mouvement Fermes d’Avenir et de la plateforme de financement participatif Blue Bees, il nous livre ses réflexions sur l’agriculture d’aujourd’hui.
Depuis plusieurs années, vous vous battez pour modifier le visage de l’agriculture, c’est votre moyen de changer le monde ?
L’agriculture est le reflet de l’état du monde d’aujourd’hui. La mission originelle de l’agriculture est de produire plus d’énergie qu’elle n’en consomme, de transformer les calories du soleil en calories alimentaires. Entre 1940 et 2018, ce rapport comparant l’énergie consommée et l’énergie produite a été divisé par 25. Ceci à cause des modes de production industrielle (produits phytosanitaires et tracteurs), de la mondialisation, des emballages, d’un régime de plus en plus carné et, en prime, d’un gaspillage effréné. Aujourd’hui on pointe le secteur de l’agriculture comme l’un de ceux qui concentre tous les maux de la planète. Si l’agriculture est un problème, faisons-en une solution !
La solution selon vous c’est de créer des micro-fermes partout comme celles que vous soutenez dans votre réseau Fermes d’Avenir ?
Créer des micro-fermes permet d’avancer à petits pas, cela démocratise la pratique agricole en la rendant accessible à des néo-ruraux par exemple. C’est une solution plus simple pour s’attaquer au problème mais ce n’est pas la seule. Pour moi, il faut remettre la polyculture-élevage au centre de toutes les fermes quelle que soit leur taille, cela recréé un écosystème autonome et vertueux. Mais cela ne doit pas se faire à l’échelle de la « ferme France » comme le préconisait la FNSEA dans l’atelier 11 des États généraux de l’alimentation, mais à l’échelle la plus petite possible.
L’objectif est d’atteindre l’autonomie des territoires, avec des productions qui peuvent répondre à 90 % des besoins des populations. Je crois énormément au poids des collectivités locales. Aujourd’hui certaines embauchent des agriculteurs, ce qui leur redonne un rôle d’utilité publique.
En 2017, le bio a franchi la barre symbolique des 5 % de la surface agricole utile en France, c’est une bonne nouvelle ?
Tout à fait, il se crée 21 fermes bio par jour depuis plus de 18 mois, c’est très réjouissant, mais nous sommes néanmoins encore loin de l’Autriche ou de l’Allemagne. Cela étant dit, l’agriculture bio n’est qu’un label, un cahier des charges dont il ne faut pas attendre plus que ce qui est écrit dedans. Le label bio, par exemple, ne garantit pas que le produit est local, de saison et que les personnes qui ont travaillé étaient payées convenablement.
Il faut nécessairement aller plus loin, en matière de biodiversité notamment, ce que peut faire l’agroécologie. Ce type d’agriculture utilise au maximum la nature comme facteur de production en maintenant ses capacités de renouvellement. C’est la seule solution qui permet de produire plus d’énergie qu’elle n’en consomme, qui régénère les écosystèmes, purifie l’eau, capte le carbone. Aujourd’hui, on ne peut plus décorréler la façon de nourrir les populations et d’agir sur l’environnement.
Il faut remettre l’argent à sa place, c’est un moyen, pas une finalité.
En 2017, le tiers des agriculteurs gagnait moins de 354 euros par mois et dans le même temps, les Français réduisent chaque année encore un peu plus les dépenses liées à leur alimentation. Sachant que produire mieux coûte plus cher, on fait comment ?
Aujourd’hui, le PIB est l’unique indicateur de réussite. Il prend des points quand il y a une marée noire, quand ma grand-mère a un cancer. Il faut remettre l’argent à sa place, c’est un moyen, pas une finalité. On devrait pour chaque projet pouvoir évaluer les répercussions non seulement financières, mais aussi humaines et environnementales.
Globalement, il faut absolument faire rentrer de nouveau les externalités dans l’arbre de décision, compter ce qui compte vraiment. C’est ce que l’on appelle la comptabilité en triple capital. À l’aune de ces lunettes comptables, on verrait que la tomate bio locale coûte bien moins cher à la société que celle qui a poussé dans des serres chauffées, qui a été maintes fois traitée aux pesticides, qui a parcouru 2 000 kilomètres en avion et qui a été cultivée par des immigrés marocains exploités.
Vous sortez bientôt un film qui s’intitule « On a 20 ans pour changer le monde », 2038 serait la nouvelle date couperet ?
Vingt ans me semble un horizon raisonnable pour opérer notre transition, pour changer nos modes de consommation en commençant par l’alimentation. Manger trois fois par jour c’est beaucoup en termes d’impact sur la planète. Il faut viser la résilience. En s’intéressant au biomimétisme, on remarque que toutes les espèces vivantes ont un point commun : elles créent les conditions extérieures favorables à leur survie. Les humains l’ont oublié, font même exactement le contraire et se retrouvent aujourd’hui face au risque de l’effondrement.
Aujourd’hui, on dit vouloir sauver la planète, mais c’est notre civilisation qu’il faut préserver. En attendant, je reste optimiste, l’homme est beaucoup trop intelligent pour ne pas réagir. Si les agriculteurs retrouvent le sens de leur métier, si les consommateurs comprennent l’impact de leur assiette sur la planète et la composent en conséquence, alors dans 20 ans on aura sans doute déjà bien changé la face du monde.
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Sur vos écrans le 11 avril
Découvrez le film : On a 20 ans pour changer le monde
Photo de Une : Ch. Lartige/CL2P/RDVProd
Développer les élevages de truites en eaux vives, en les alimentant avec les invendus alimentaires et en interdisant les farines animales.
Cessez d’utiliser des produits chimiques pour une produire une alimentation 100% bio, et réintroduire les grenouilles et les escargots.
Plus bien-sûr, toutes les espèces de poissons comestibles viables dans nos cours d’eau, dont les saumons, une fois que les rivières seront redevenues propres.
Faire du biogaz carburant à partir des déchets verts, et développer un programme de traversée de la France à cheval, avec des sentiers équestres sur tout le territoire permettant aux agriculteurs et aux châtelains de faire du Airbnb pour les montures et les cavaliers.
Il faudra que les agriculteurs produisent la nourriture et les litières des chevaux.
Rendre le lin obligatoire pour les textiles de l’ameublement.
Faire des Kerguelen une mine d’or, en boostant la reproduction des espèces côtières, dont les crustacés.
Au final, la suppression des élevages intensifs permettraient aux éleveurs de se désendetter, et la fin de la nourriture industrielle feraient faire de grosses économies à la sécu, et une population moins malade serait plus productive.
Des serres photovoltaïques placées sur les sorties d’autoroutes et sur le foncier de la SNCF dans les gares de province, permettraient une production de produits exotiques locaux.
Merci pour cet article plein de bon sens.
« L’Homme est beaucoup trop intelligent… » mais il est aussi extrêmement cupide, guerrier, auto-destructeur, etc. Et ça ne serait pas la première fois qu’une civilisation s’effondrerait (et ils n’étaient pas plus bêtes à l’époque). Mais c’est bien d’être positif 😉
Bonjour,
Merci de cet article très intéressant. J’ai bien envie d’aller voir ce film.
Une petite remarque : quand il est dit « l’homme est beaucoup trop intelligent », vous voulez dire que la femme ne l’est pas?
Oui, ça me rappelle une scène de La vie de Brian des Monty Python !
Oh franchement ce n’est ni le lieu ni le moment pour faire du féminisme. Tout le monde voit bien que dans cet article il est question d’Humain, que l’on désigne vulgairement sous le nom « Homme » depuis… quoi ? Un millénaire ou deux ? L’écriture inclusive n’étant pas encore la norme, permettons nous mutuellement un petit loupé de temps en temps sans crier au tollé !