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Solidaires et branchés

Appel à la greffe générale en Pyrénées

À coups de sécateurs et de persévérance, les bénévoles de l’association Atout Fruit enracinent leur projet fou le long d’une voie verte : un conservatoire de fruitiers anciens ouvert à tous les gourmands de passage.

Des seaux, des scies et des coupe-branches : l’équipement parfait pour une après-midi détente au bord de la voie verte ! © Aurélien Culat

Alerté par un coup de sonnette dans son dos, le petit groupe s’écarte pour laisser passer un vélo, libérant un instant la largeur de la piste. Avant de reprendre sa marche décidée sur la voie verte ombragée qui relie Mirepoix à Lavelanet (Ariège), au pied des Pyrénées. Des scies et des coupe-branches dépassent des sacs, drôle d’équipement pour une rando. Celle-ci est d’ailleurs de courte durée. Attirée par un buisson garni de fleurs blanches sur le côté de la piste, la dizaine de personnes décharge son barda et se prépare à passer à l’action. Car la balade du jour a un objectif bien précis : greffer des variétés de fruitiers comestibles sur des arbres sauvages.

Transformer des buissons d’épines en haie comestible : pour Micha, l’objectif n’est rien de moins que l’autonomie alimentaire du territoire. © Aurélien Culat

Au coing de la rue

Qui a besoin d’un greffoir ? Les élastiques, vous les avez là. Et le mastic là, attention, ce n’est pas de la confiture ! Et bah voilà, allons-y ! Claude Fressonnet, administratrice de l’association Atout Fruit, donne les instructions en déballant de son sac deux fagots enroulés dans des tissus humides. Ce sont des greffons, des petites sections de branches de variétés sélectionnées pour leurs fruits. Dans le fagot « noyaux », des branches de pêchers, de cerisiers, de pruniers et d’abricotiers. Côté « pépins » : des pommes, des poires et des coings. Le coignassier, on peut le mettre sur l’aubépine, précise Claude.

Le principe est le même pour la plupart des arbres fruitiers, et vieux comme l’agriculture : placer une jeune branche d’une variété à fruits comestibles sur un arbre « porte-greffe » plus rustique, souvent un cousin sauvage du fruit désiré. Je crois qu’on peut mettre des poiriers sur aubépines aussi, vérifiez ça ! lance Claude aux présents, qui sortent avec empressement leurs fiches récapitulatives ou cherchent dans leurs souvenirs de la journée de formation, la semaine précédente avec Solène, la salariée de l’association.

Atout Fruit s’est donné pour mission de former un maximum de citoyens du territoire afin de l’accompagner dans son grand projet : créer un Conservatoire fruitier ouvert le long de la voie verte. Quel meilleur support que le goût pour faire découvrir aux promeneurs les variétés anciennes, témoins de la richesse du patrimoine ethnobotanique ?

 

Greffe en fente sur prunelier. Ce vigoureux cousin piquant du prunier est aussi utilisé comme support pour d’autres d’espèces : amandiers, pêchers et abricotiers. © Aurélien Culat

Fruits du hasard

Une épaisse et piquante haie de pruneliers et d’aubépines protège le groupe du vent frais du printemps ariégeois. À coups de coupe-branches, les bénévoles se frayent un chemin jusqu’aux rameaux les plus intéressants, sous les regards en coin des cyclistes. Écussonnoirs et greffoirs s’activent, chacun y va de sa technique, selon l’arbre auquel il s’attaque. Bertrand considère la branche sur laquelle il vient de passer cinq minutes : J’ai fait une greffe en fente avec deux greffons d’abricotier. Ça donne deux chances !

À ses côtés, Micha arbore une mine réjouie : Je suis content ! J’ai fait une greffe à l’anglaise compliquée, avec des encoches qui permettent de tenir ensemble les deux bouts de branche quand je pose l’élastique. C’est un amandier sur un prunelier. Les docteurs Frankenstein du verger s’amusent bien. C’est marrant, l’idée qu’on projette dans la greffe, remarque Jacques en aiguisant son sécateur. Considérer le prunelier comme un porte-greffe, c’est une façon d’adoucir le paysage. Et on demande à la nature d’accepter notre intervention.

Celle-ci n’est d’ailleurs pas souvent d’accord, puisqu’en moyenne, seule une greffe sauvage sur cinq est couronnée de succès. Alors que les bourrasques lui envoient des fleurs d’aubépine dans la figure, Claude se penche, circonspecte, par dessus l’épaule d’une participante : Ta greffe est très bien, Brigitte, mais ça c’est un cornouiller sanguin ! Et alors ?! Et bien ce n’est pas un porte-greffe, ça ne donnera rien ! Tu peux recommencer sur un prunelier !

Cinq minutes de mon temps, et même une minute et demie quand je serai entraîné, ça peut produire des kilos ! 
Claude Fressonnet, dite « Reine-Claude », est productrice de petits fruits et fondatrice de l’association. Son doigté fait remonter le taux de réussite des greffes du jour ! © Aurélien Culat

Les joyaux de la couronne

Heureusement pour les cyclistes gourmands, le Conservatoire fruitier ouvert de la voie verte n’est pas qu’une affaire de greffes pirates sur arbres sauvages : en collaboration avec le Conseil départemental de l’Aude, l’association Atout Fruit a déjà planté 500 arbres fruitiers déjà greffés depuis 2018. Mardi, on a fait l’entretien des arbres plantés il y a trois ans, explique Jules, bénévole à l’association et employé dans une pépinière. On a fait un bon désherbage, ils vont bien. Certains cerisiers avaient déjà donné des fruits.

Le rêve d’une voie verte comestible commence à prendre forme. Micha, au milieu d’une greffe en couronne, confie le fond de sa démarche : J’aimerais que dans trois ans il y ait des fruits, pour revenir avec mes enfants. Je pense que lutter contre le capitalisme, ça passe par la gratuité. Cinq minutes de mon temps, et même une minute et demie quand je serai entraîné, ça peut produire des kilos ! 

Jacques aiguise consciencieusement son sécateur. Récent propriétaire d’un terrain couvert de pruneliers, il vient perfectionner ses techniques de greffe pour apprendre à « adoucir le paysage ». © Aurélien Culat

Brigitte appose fièrement l’étiquette « Pêche » à sa greffe, cette fois-ci réglementaire. L’après-midi tire déjà à sa fin, Claude finit d’ajouter à un jeune merisier quelques branches de cerisier Bigarreau Napoléon. Il s’agit maintenant, avant de reprendre la route, de se répartir les greffons qu’il reste. Comme j’habite sur la voie verte, je prends du cerisier, explique Brigitte. Du pêcher aussi, allez ! Derrière le petit groupe qui reprend sa route, la haie semble inchangée. Seule une soixantaine d’étiquettes rouges et quelques tours d’élastiques bleus trahissent le passage des greffeurs citoyens. Mais si tout se déroule sans pépin, leur travail devrait bientôt porter ses fruits.

Seule une greffe sur cinq réussit en moyenne sur les arbres sauvages. Mais leur vigueur permet une fructification plus rapide qu’avec les arbres de pépinière, parfois dès 3 ans. © Aurélien Culat

Un commentaire

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  1. Super idée qu’il serait bien de répandre partout ou c’est possible.
    Pouvoir manger des fruits murs en se promenant quel régal!

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