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Pédale oie oie

The Inspector Cluzo : rillettes & rock’n roll

C’est un style fusion qu’ils ont choisi pour leur vie. Un tempo binaire qui leur fait passer de la scène à la ferme avec une énergie puisée au fond de la terre. Mathieu Jourdain et Laurent Lacroutz, les deux rockers farmers de The Inspector Cluzo, ont le rock chevillé au corps et le terroir dans la peau. Ils produisent aujourd’hui en toute indépendance musique et rillettes d’oie bio. Rencontre avec deux gars qui en ont sous la pédale.

©Olivier Cochard

[Pour un meilleur confort de lecture, on vous conseille de sortir une bonne bière et d’écouter ce titre

Rendre visite au duo landais n’est pas une mince affaire. Il faut pouvoir caser l’entretien dans un emploi du temps survolté, entre les tournées, les enregistrements, les semis, les récoltes, les naissances, les gavages. Arrivé devant le grand chêne qui a donné son nom à la ferme Lou Casse, tout devient aussi simple qu’une ligne de basse des White Stripes. Miguel, le bouc mélomane débroussailleur, devance d’une barbe Laurent, cheveux hirsutes planqués sous un bonnet et chemise à carreaux comme seconde peau.

Born to be wild

Nous sommes dans les Landes, à une vingtaine de kilomètres de Mont-de-Marsant sur 4 hectares de terre. Une ferme gasconne presque ordinaire… On faisait une tournée en Chine et au troisième concert, c’est l’extinction de voix, raconte Laurent pendant le traditionnel tour du propriétaire. Là, tu réalises les dégâts de la mondialisation, de la pollution… Tu te prends une claque. Non tout ne va pas bien dans le meilleur des mondes ! Pendant leurs premières années, Mathieu et Laurent, Phil et Malcom à la scène, semblent pourtant loin de ces préoccupations écolo-mondialistes. Dès 2008, ils électrisent leurs guitares sur les plus grandes scènes des quatre coins du globe. 800 concerts, 44 pays, des dizaines d’articles dans les magazines de rock, jusqu’au jour où le guitariste et le chanteur éprouvent le besoin viscéral de lever du fumier.

©Olivier Cochard

Lorsque le petit-fils de métayer égare ses cordes vocales, il décide d’investir dans une ferme en ruines, à Eyres-Moncube, en Chalosse, dans les Landes qui l’ont vu grandir. En 2013, les deux hommes déposent pour un temps leurs instruments et retroussent leurs manches pour se lancer dans l’élevage d’oies. Marcel, le parrain de Laurent, leur apprend tous les rudiments : le gavage traditionnel manuel, le travail avec la lune, le bon sens, le temps au temps, le raisonnable et l’ayudère (l’art de s’aider entre voisins). Chacun sait ce qu’il a à faire, chacun s’affaire…

On l’a peut-être oublié, mais le blues, comme le rock, vient de la pulsation de la terre. C’est une musique tout ce qu’il y a de plus organique !, explique le pragmatique gascon. D’ailleurs, les bluesmen outre-Atlantique étaient souvent fermiers. Quand on y réfléchit, c’est cohérent, tout est inextricablement lié. L’énergie que nous procure le vivant est le terreau de notre musique.

©Olivier Cochard

Chants libres

Ils ont admirablement tenu bon. On leur avait dit qu’ils ne pourraient pas faire de rock sans bassiste, ils ont prouvé le contraire à la terre entière. On les avait prévenus qu’il serait compliqué d’atteindre les grandes scènes sans label, ils ont appelé le leur F*** the bass player. On les a pris pour des perchés, ils ont ancré leurs pieds dans la terre et ont balayé tous les préjugés. Qu’on parle musique, CD, tournées, élevage, gavage, chez eux tout est indé ! Et quand nos gaillards partent en tournée, Alain, Daniel (les voisins) et Nathalie (la compagne de Laurent) prennent le relai.

©Olivier Cochard

Leur double autogestion artisanale est un fabuleux pied de nez à l’industrialisation du disque et de l’alimentation qu’ils ont choisi de court-circuiter. Si dès le départ, nous avions accepté de signer avec une maison de disque, nous n’aurions jamais pu jouer en Afrique ou en Inde… La raison est simple, les groupes sont envoyés dans des zones où ils peuvent vendre du disque. Nous, ce qui nous intéresse, c’est de parler au plus grand nombre. Alors on fait tout nous-mêmes. C’est pareil avec nos produits, on aurait pu accepter de tout vendre à des chefs étoilés, Philippe Etchebest qui est venu casser la croûte à la ferme nous l’a demandé, mais on préfère gâter les pépés et mémés du coin qui ont connu ce goût quand ils étaient gamins !

©Olivier Cochard

Entre la ferme et la scène, il n’y a chez eux qu’un huitième de soupir. Le blé gagné en tournée permet de financer la pousse de celui qui alimente les oies. Et quand le cachet d’un festival semble issu de la mondialisation économique, le duo le reverse à des associations locales… Laurent passe sa main dans son bonnet, histoire de remettre un peu d’ordre dans ses cheveux fous, avant d’ajouter : On le fait d’abord pour nous, mais si ça peut éveiller des envies et donner des idées...

Des vieilles brouettes aux vieilles charrues

Élever des oies de façon traditionnelle requiert patience, douceur et précision de métronome. Ici, les anatidés naissent et vivent en liberté sur des prairies. Elles sont nourries au maïs bio qui sèche naturellement à l’air libre. Le gavage se fait à la main, la cuisson dans la graisse comme le faisaient les arrière-grands-mères. Ainsi, ce système autarcique permet à Laurent et Mathieu de passer entre les gouttes des épidémies sanitaires des grands élevages industriels.

Cette quête de brut l’est aussi pour leur son qu’ils veulent authentique. Il n’est d’ailleurs par rare d’entendre quelques cacardements en prélude de certains morceaux. C’est un peu comme le tracteur, on a notre vieux coucou, un Massey qu’on nous a donné. C’est pas la Rolls des engins, mais il en a sous le capot et ça nous va bien. En musique, c’est pas notre truc non plus, de nous planquer derrière des machines. On veut des sons rugueux et crades. Aujourd’hui on se dit que c’est normal quand on a la fibre rurale. Cohérents sur toute la ligne, les complices optent pour des enregistrements sans artifice et des photos argentiques pour illustrer leurs albums.

©Olivier Cochard

Sur nos concerts, on arrive sans setlist. On sait seulement par quel morceau on va commencer et avec lequel on va clôturer… Nous ne sommes jamais en terre conquise et c’est ça qui nous fait vibrer. Il y a quelques semaines, leur dernier album We the People of the soil (Nous les gens de la terre), enregistré à Nashville, est sorti et rencontre déjà un beau succès. Aujourd’hui, le duo de rockeurs-gaveurs insoumis poursuit sa route 66 vers l’autonomie. Leur nouveau projet ? Cultiver du riz. Et des riffs.

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3 commentaires

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  1. pourquoi chanter en anglais ? le français est aussi bien que l’anglais. A part cela, j’aime la musique et la vidéo Super ! Mais cela sent surtout le « terroir » anglais et non la campagne française……

  2. C’est bon d’écouter la terre et les oies est-ce qu’ils les entendent car nous n’avons absolument pas besoin de manger de ça ! merci

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