Par Domitille Langot (Inspirations Domitille), 10 juin 2020

Imaginez la scène : un homme avale devant un public médusé une bonne dose mortelle d’arsenic, puis s’en va comme si de rien n’était. La grande faucheuse a oublié de venir ou quoi ? Le chimiste français Bertrand venait de donner la preuve en 1813 que le charbon végétal qu’il avait absorbé à son insu s’avérait une véritable pompe à poison. Largement exploité depuis dans l’industrie chimique et pharmaceutique, son usage familial pour soulager les maux de ventre a pratiquement disparu ces dernières années. Mais avec la tendance des soins au naturel, il fait son come-back dans la trousse de secours, mais aussi en cuisine. Back to black !

Comment obtient-on cette poudre noire ?

La fabrication se fait en deux étapes. Écorces de bois ou résidus de végétaux, comme les coques de noix de coco ou les noyaux d’olives, sont calcinés en absence d’air à une température comprise entre 600 °C et 900 °C. La seconde carbonisation, appelée activation, se fait à la même température, mais en présence de vapeur d’eau. Le diamètre des pores du charbon va augmenter conférant son pouvoir d’absorption des toxines et bactéries par capillarité.

Pour quel usage ?

Soulager les maux de ventre, les ballonnements. Absorber les fermentations intestinales. Détoxifier l’organisme des additifs alimentaires, résidus de pesticides, mycotoxines, toxines bactériennes après un épisode infectieux ou une intoxication alimentaire.

Quelle précaution d’emploi ?

Le charbon, grosse éponge à tout nettoyer, peut inhiber l’action des médicaments. Il convient de le prendre éloigné des prises.

Poudre de perlimpinpin ?

C’est le risque d’une conclusion lapidaire si vous l’achetez en gélules en pharmacie. Pourquoi ? Au-delà du sucre ajouté et de sa forme galénique qui augmente son prix, les quantités sont trop infimes pour avoir une réelle efficacité. Rien ne vaut la bonne cuillère à soupe dans un pot de poudre et le sourire du charbonnier qui va de pair ! L’astuce pour l’éviter : le diluer dans un verre d’eau et le boire à la paille. Ça tombe bien, il faut boire abondamment après une prise, surtout pour ceux qui sont sujets à la constipation.

Peut-on l’utiliser en cuisine ?

À l’instar de nombreux chefs qui aiment le côté rock ‘n’ roll du charbon pour surprendre leur clientèle, donnons une couleur insolite à nos plats : il suffit d’en ajouter dans vos préparations sucrées, salées où il se dilue parfaitement. Pain, brioche, pâtes maison, soupe, smoothie, riz au lait… Allez-y prudemment au départ, avec une une demi-cuillérée à café, car son pouvoir colorant est assez fort. Ajoutez-en petit à petit jusqu’à l’intensité voulue. Aucun risque d’avoir un goût de cramé, il n’a aucune saveur. Toutefois, il apportera une légère sensation de crissement dans la bouche. Vous espérez faire d’une pierre deux coups, vous régaler tout en améliorant votre digestion ? Ses effets seront mesurés au vu de la quantité utilisée dans la recette et de la prise occasionnelle. Le minimum selon les naturopathes étant un apport de 10 grammes par jour.

Muffins complètement fanes

Les ingrédients pour 6 muffins :
50 g de fanes de carottes
2 gousses d’ail
10 c. à s. d’huile d’olive
80 g de farine de blé
1 c. à c. de bicarbonate de soude
50 g de noix de cajou
3 œufs
1 à 2 c. à c. rase de charbon
6 billes de mozzarella
Sel, poivre

Mixez grossièrement les fanes de carottes avec les gousses d’ail épluchées et l’huile d’olive. Versez dans un bol. Ajoutez les jaunes d’œufs, la farine, le bicarbonate de soude et les noix de cajou concassées. Salez, poivrez. Mélangez. Fouettez les blancs en neige puis incorporez-les à la préparation. Ajoutez le charbon. Versez dans des moules à muffins préalablement beurrés ou en caissette. Incorporez au centre une bille de mozzarella. Préchauffez votre four à 180 °C. Enfournez puis baissez à 160 °C pour vingt minutes de cuisson environ. Savourez aussitôt à l’apéritif ou en entrée avec une salade.

Soupe les petits pois sont noirs

Les ingrédients pour 4 gourmands :
250 g de petits pois écossés
4 courgettes
1 tranche de pain de seigle pumpernickel
50 g de noix de cajou
1 belle échalote nouvelle
1 c. à c. de charbon
6 c. à s. d’huile d’olive
3 cl de crème fleurette
Quelques feuilles de basilic
Sel, fleur de sel, poivre

Détaillez les courgettes en petits cubes. Faites-les cuire avec les petits pois dans une casserole d’eau bouillante salée pendant vingt-cinq minutes. Égouttez en récupérant le bouillon. Mixez avec 4 cuillères à soupe d’huile d’olive, en ajoutant au fur et à mesure un peu de bouillon jusqu’à obtenir la consistance souhaitée. Réservez.

Préparez la gremolata. Épluchez, ciselez l’échalote. Mixez le pain de seigle. Concassez grossièrement les noix de cajou. Mélangez le tout avec le charbon et l’huile d’olive. Ajouter la fleur de sel et le poivre. Répartissez la soupe chaude ou froide selon l’humeur de la météo, dans des assiettes creuses. Ajoutez une lichette de crème fleurette, le basilic puis saupoudrez de gremolata. C’est prêt !

L’astuce : préparez la gremolata en plus grande quantité pour pimper d’autres plats. Elle se conserve trois jours au frais. Alternez les noix de cajou avec des cacahuètes, et l’huile d’olive avec de l’huile de sésame.

Glace 3 nuances de gris

Les ingrédients pour 6 à 8 gourmands :
30 cl de crème fleurette
30 cl de lait ribot
80 g de sucre semoule
1 c. à s. rase de charbon végétal

Tout simple à faire : mélangez la crème fleurette et le lait ribot dans un bol. Placez-le au congélateur pendant une quinzaine de minutes. Fouettez au batteur électrique jusqu’à obtenir une texture de chantilly. Incorporez le sucre. Versez les deux tiers dans un plat creux et placez au congélateur trente minutes. Mélangez le tiers restant du mélange avec le charbon. Ajoutez-le par petites touches sur la glace qui a commencé à figer et avec la pointe d’un couteau, réalisez des volutes pour obtenir l’effet marbré. Replacez deux heures au congélateur pour une prise complète. Sortez la glace trente minutes avant de servir. C’est encore meilleur avec un coulis de framboises ou de fraises.