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Président, qu'est-ce qu'on mange ?

Marine Le Pen : la Walkyrie de Saint-Cloud

Le premier tour, c’est ce week-end ! Pour l’occasion, Oui ! le magazine passe les programmes agricoles des prétendants à la fonction suprême à la moulinette. Alors, Président, qu’est-ce qu’on mange ? Ou en l’occurrence, Présidente. Sur les cinq favoris, il n’en restait plus qu’une. Quel futur Marine Le Pen, la Walkyrie de Saint-Cloud, entrevoit-elle pour l’agriculture et l’alimentation ?

Bon, je vais être très honnête avec vous : j’ai moyennement envie de l’écrire, cet article. J’ai retourné le problème dans tous les sens. D’un côté, la mère Le Pen est créditée d’au moins 20% des intentions de vote au premier tour. Difficile, dans ces conditions, de se la jouer autruche ou de faire preuve d’une pudeur de gazelle, comme le dirait Méluche. De l’autre côté, pour moi, le Front National n’est pas, et ne sera jamais, un parti comme les autres. Sauf que là, on ne parle que du volet agriculture et alimentation du programme. Et si ça se trouve, sur ce point, le programme, il passe. Je n’en sais rien. Oui, parce qu’au moment où j’écris ces lignes, je ne l’ai pas encore lu, le projet. Si ça se trouve, je vais être obligé d’y trouver deux ou trois trucs positifs. Et ça, eh bien je vous l’avoue, ça m’embête. Parce que mon problème avec le projet du FN, c’est tout le reste ! Sa détestation de l’étranger, sa vision étriquée de l’identité française… Bref, non seulement les mesures, mais surtout la vision du monde dont elles sont dérivées. Bref, vous l’aurez compris : le FN, c’est pas ma came. Vous faites ce que vous voulez, mais il fallait que ça sorte. Maintenant, entrons dans le vif du sujet.

***

Ça y est, je me le suis coltiné, le projet agricole de Le Pen Junior. Alors l’avantage, c’est que ça va être vite fait. En substance :

Voilà, on en a fait le tour.

Je plaisante.

Vous n’allez pas en revenir : l’agriculture à la sauce FN est basée sur une vision nationaliste des choses. Incroyable, non ?

C’est parti pour la recette de la semaine : le couscous aux lardons bien de chez nous sauce au bleu marine.

Sortez votre Politique Agricole Commune du réfrigérateur. Laissez reposer quelques minutes. Jetez-la à la poubelle.

Dans le programme de Le Pen, on tombe tout de suite sur une mesure coup de poing : PAF. Non, pas paf dans ta face. PAF, pour Politique Agricole Française. Qu’est-ce, vous demandez-vous ? C’est un peu comme la PAC, mais en version française. Parce que l’Europe, à Marine, c’est pas trop sa tasse de thé. D’ailleurs, elle veut en sortir. Donc du coup, les subventions, elles seront 100% bien de chez nous, et on pourra les allouer comme on veut. Malin. Comment seront-elles financées ? Serviront-elles à soutenir la transition énergétique des exploitations, à développer les agricultures alternatives ? Le bio ? Vous êtes agaçants, aussi, à demander des détails comme ça. Elles iront à l’agriculture FRANÇAISE. LA FRANCE. LA FRANCE ! Ça devrait vous suffire amplement. Non ?

 

D’ailleurs, vous allez voir, si vous maîtrisez cette technique de base, vous aurez tout compris à la recette du jour. Prenez quelque chose que vous n’aimez pas trop, au hasard, les normes. Personne n’aime les normes, c’est prodigieusement agaçant, hein ? Eh bien par exemple, on peut lire ceci (Point 128 du programme) :

Simplifier le quotidien des agriculteurs en stoppant l’explosion des normes administratives.

Alors ça, on connaît, on a trouvé des mesures de ce genre dans d’autres programmes, je ne m’étends pas. Mais juste en dessous, on trouve ceci (point 129) :

Afin de lutter contre la concurrence déloyale, interdire l’importation des produits agricoles et alimentaires qui ne respectent pas les normes de production françaises.

Là, tout d’un coup, les normes, c’est bien. Que s’est-il passé entre temps ? Les normes sont devenues “françaises”. Et ça, ça change tout. C’est ça, la magie du Front National : accolez l’adjectif «français» à tout et n’importe quoi, et abracadabra ! la grenouille se change en prince. En prince français, en plus. Ça marche avec tout : politique agricole, écologie (nous y reviendrons)… Bref, c’est super pratique.

Balancez tous ces traités de libre-échange et rajoutez une bonne grosse plâtrée de patriotisme économique bien gras

Avec Marine, on refuse tout net les traités de libre-échange (mesure 127), TAFTA, CETA et toute la clique. Hasta la vista, baby. Pour ceux qui suivent, Hamon et Mélenchon ne disent pas autre chose. Quoi ?! Mais alors… Mais alors les extrêmes se rejoignent ! Péril rouge, péril brun même combat ! Je le savais !

Sauf que non. Je vous ai vu venir, pas vrai ? Ici, Marine Le Pen défend le patriotisme économique, une idée très différente du protectionnisme solidaire cher au tribun de la France Insoumise. Je m’explique : chez Méluche, la critique du libre-échange ne signifie pas qu’on s’isole du reste du monde et qu’on cesse de commercer. Bien au contraire, la critique vise aussi bien les conséquences néfastes du libre-échange débridé sur les paysans des pays du Nord que sur les paysans du Sud. L’idée est de remettre de la justice dans les échanges commerciaux pour éviter une course au moins-disant social et environnemental dommageable pour tous. Sauf que Marine, les paysans du Sud, elle s’en cogne comme de sa première Gitane (à l’exception des paysans du Sud français, mais ça ne court pas les rues, paraît-il). Sa vision est beaucoup plus simple : on achète français – notamment au travers de la commande publique (État et collectivités) – parce que… mais parce que la FRANCE ! Ici, les fameuses normes sécurité sanitaire, de bien-être animal et d’environnement dont on a déjà parlé ne sont que le prétexte à la mise en oeuvre d’une politique de repli.

© POOL/AFP

Du coup, on rigole un peu quand le programme claironne qu’on va promouvoir les exportations agricoles, notamment en soutenant les labels de qualité (mesure 130). Parce qu’après avoir claqué la porte au nez du monde entier – z’aviez qu’à être Français ! – on va voir comment ils sont réceptionnés, nos beaux produits du terroir d’en France. Normalement, commercer sans échanger, c’est un peu chaud. Enfin, peccadilles que tout cela !

Mâtinez le tout d’un peu d’agriculture familiale bien de chez nous, de circuits courts et d’écologie (mais attention : d’écologie française !)

Je vous avoue quelque chose : j’ai fait preuve d’un soupçon de mauvaise foi plus haut. Mea culpa. La PAF aura pour objectif de sauver et soutenir le modèle français des exploitations familiales (vous avez remarqué ? Le modèle est français. Important ça). Le projet agricole du FN est effectivement très explicitement hostile au modèle agro-industriel. Il est vrai qu’on ne trouvera nulle mention du label bio où que ce soit dans ce programme, parce que si vous suivez bien le raisonnement, le seul label qui vaille, c’est le label France. Mais pour le reste, c’est assez clair : application stricte du principe de précaution (mesure 136), protection et bien-être animal érigé au rang de priorité nationale (mesure 137, c’est l’amie Brigitte Bardot qui va être contente), développement des circuits courts (mesure 127) et “refus” de “1000 vaches”. Bon si on chipote, on dira que tout cela est un peu vague (refuser, c’est interdire ? Remettre une louche de normes ? Développer, c’est bien, mais comment), et que d’autres candidats sont autrement plus précis quant aux moyens qu’ils comptent mettre en oeuvre pour atteindre leurs objectifs. Mais dans l’idée, difficile d’être contre.

On sent quand même bien qu’il y a quelque chose qui cloche dans le potage. Je vous laisse méditer la proposition suivante (numéro 131) :

Pour préserver l’environnement, rompre avec le modèle économique fondé sur la mondialisation sauvage des échanges et le dumping social, sanitaire et environnemental ; la véritable écologie consiste à produire et consommer au plus près et retraiter sur place.

Wow. C’est beau, quand une pensée qui avance normalement cachée se révèle en l’espace d’une phrase anodine. Alors déjà, même nous sommes très pro-circuits courts, déclarer que la “véritable” écologie se résume à consommer et produire local, pour le coup, c’est un peu léger ! Il y a quand même deux ou trois autres trucs à prendre en compte dans le mode de production. Mais là, on touche à la psyché profonde du FN, que je résumerais par le schéma suivant :

Nous = bien

Les autres = pas bien

Ce qui fait que si vous détectez quelque chose de pas bien chez vous, c’est probablement que les autres ne sont pas très loin. Dans le cas présent, le modèle intensif qui tue les agriculteurs, ruine la santé des consommateurs et détruit les écosystèmes, c’est à cause des autres. Si nous étions restés entre nous, entre Gaulois, tout cela ne serait jamais arrivé, c’est évident.

Donc c’est pas bien compliqué : fermons les frontières, et tout ira pour le mieux dans le meilleur des mondes.

Ils sont formidables, au Front National : ils aiment tellement les circuits courts qu’ils en appliquent même la logique à leur raisonnement.

***

Le programme agricole de Marine Le Pen est assez succinct, et plutôt vague sur certains aspects de première importance (du genre : sur le “comment” de tout ça, à part, bien sûr, le tour de passe-passe opéré grâce à l’adjectif “français” et la fermeture des frontières, qui permet de régler à peu près tous les problèmes). Mais soyons beau joueur : elle est loin d’être la seule candidate à souffrir de ce défaut.

Le programme en première lecture, semble même prôner une vision plutôt progressiste de l’agriculture. On n’est pas chez Fillon. Bien-être animal, circuits courts, agriculture familiale, normes sociales et environnementales, on aime bien tout ça, pas vrai ? Sauf qu’ici, on comprend rapidement que la relocalisation de la production, l’alimentation de qualité et même l’écologie ne sont qu’un prétexte. Toutes ces belles idées sont en effet instrumentalisées au service d’un projet plus général de repli nationaliste. Et ça, ça fait mal !

Verdict : un plat bien de chez nous, bien français, qui se dégustera de préférence tout seul. Parce que les autres, c’est agaçant. Attention, si on se concentre sur son assiette, tout n’est pas mauvais, mais gare à l’intoxication alimentaire. À vos risques et périls !

 

__________

Illustration : Sophie Cuvé

7 commentaires

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  1. Incroyablement partial : on avait compris votre sens du vent dès l’intro !
    Le reste aurait pu être décalé sans être si « soit disant bien pensant »… à la fin vous en devenez même nauséabond … Franchement dommage !

  2. Ce que j’aime dans ce magazine, c’est le côté décalé et pas moralisateur, genre : « on est écolo mais pas des khmers verts et personne n’est exemplaire, alors on va pas faire la leçon au monde entier »…
    Dommage que cet article tranche avec le ton habituel. C’est quand même bizarre à la fin ce mantra « FN=vilain, Le Pen=moche ». Et puis vraiment chiant comme tout ce qui est puritain.

  3. oui de l’agriculture bio française plutôt que du soit disant bio d’Espagne ou comme j’ai vu des asperges verte du canada a 1,90€ le paquet de 500 gr qui en réalité ne fait plus que 350 gr avec un indice carbone ont en parle pas je ne soutient personne car comme disait ma grand mère mordu pour un chien ou une chienne le dindon c’est toi mordez vous le crayon 7 fois avant d’écrire

  4. je constate effectivement que vous faites un commentaire tout à fait objectif et axé uniquement sur l’agriculture biologique…
    ça nous manquais un peu les idéologies bobo bien pensantes
    et pesantes.

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