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Président, qu'est-ce qu'on mange ?

François Fillon : open rillettes ou cinq ans de vaches maigres ?

Les élections présidentielles approchent à grands pas. Pour l’occasion, Oui ! le magazine passe les programmes agricoles des prétendants à la fonction suprême à la moulinette. Alors, Président, qu’est-ce qu’on mange ? Et autant vous prévenir : nous ne sommes pas là pour leur servir la soupe, ni pour leur tailler un costard. Et puisqu’on parle costume, c’est justement François Fillon qui ouvre le bal cette semaine.

Ne vous fiez pas à ses airs bonhommes de gentleman farmer sarthois : l’agriculture, pour François Fillon, ça ne rigole pas. L’agriculture, c’est “la France puissante, celle qui a conquis son indépendance alimentaire, et qui exporte”. Rien que ça.

 

À la lecture du volet agricole de son projet pour la France, c’est une vision somme toute cohérente qui se dégage : l’agriculteur selon Monsieur Fillon est un entrepreneur conquérant, qui brise les chaînes des normes contraignantes et innove quoi qu’il en coûte, qui porte sur ses épaules le prestige de la marque France et exporte en masse sur le marché chinois.

Ne tournons pas autour du pot : si vous cherchez une remise en question en profondeur du modèle agro-industriel, passez votre chemin !

Vous voilà prévenus.

Voici donc la recette de la fillonade sarthoise à l’ancienne.

Une (toute petite) pincée de circuits courts

Les agricultures alternatives, les filières bio et les circuits courts ne sont clairement par au cœur du projet agricole de François Fillon. Tout au plus viennent-ils adoucir le goût sans doute un peu trop riche d’un programme sinon très en phase avec les objectifs affichés par les géants de l’agro-industrie.

Ainsi, le candidat propose de faire “apposer sur l’emballage de tous les produits alimentaires la mention claire de leur provenance et de leur lieu de transformation” (proposition 5 du thème Agriculture). Mais pas de panique, il est avant tout question ici d’ “améliorer la compétitivité hors prix des agriculteurs français”, on n’est pas là pour brosser les consommateurs aux velléités écologiques dans le sens du poil, non mais !

Quant à la question des circuits courts, justement, c’est un peu… court :

Soutenir les circuits directs de vente du producteur au consommateur en mettant en place un crédit d’impôt et des prêts d’honneur «circuits directs agricoles» sans intérêts ni garantie. Les produits vendus en circuit direct pourront aussi être vendus contre la remise de «chèques déjeuners » (mesure 4 du thème Agriculture)

Voilà. Vous pourriez dorénavant en théorie régler vos achats à la Ruche qui dit Oui ! avec des tickets resto. Pas mal, non ?

On trouve cependant une autre mention des circuits courts ailleurs dans le programme :

Accélérer le développement des circuits-courts (sic) afin de réduire l’empreinte carbone des produits consommés tout en permettant aux petits producteurs locaux d’atteindre un niveau de revenus décent (mesure 23 du thème Environnement, énergie et transport).

Alors là, ça par contre, ça nous plaît. “Accélérer le développement”, c’est vrai, c’est un peu vague, mais tout de même, ça nous parle.

Mais soudain, un doute affreux nous saisit : pourquoi cette fort belle proposition ne figure-t-elle pas dans le volet agricole du programme ? Facile : parce que le “petit producteur local”, à la lecture du reste du programme, n’y a pas véritablement sa place, ou alors vraiment au dernier rang.

Cuire à feu vif, puis retirer l’excès de charges et de normes

L’agriculture, François Fillon la veut avant tout compétitive et exportatrice. Pour atteindre cet objectif, il en appelle donc logiquement à l’agriculteur-entrepreneur, voire même au “paysan chercheur” (proposition n°16 du thème Agriculture). Il faut quand même reconnaître que c’est assez rarement le paysan du coin qui s’amuse à modifier le génome de ses luzernes, mais passons…

 

L’agriculteur est un entrepreneur comme les autres. C’est là, sans doute, le coeur de la pensée du candidat conservateur qui souhaite en premier chef “redonner des marges aux agriculteurs”.

Comment ? Principalement en réduisant de 35 milliards les charges et les impôts qui pèsent sur les entreprises agricoles (proposition n°11), en simplifiant le droit des entreprises agricoles (proposition n°8) et en réduisant les normes à la portion congrue (proposition n°9).

On résume : si les crises agricoles se succèdent, si de plus en plus d’agriculteurs ont du mal à joindre les deux bouts, ce n’est pas parce que le modèle agro-industriel est à bout de souffle. C’est parce qu’il y a trop de taxes et de réglementation. Il faut li-bé-rer les énergies.

Li-bé-rer les énergies.

C’est pourtant simple, non ?

Faire infuser un peu de préférence communautaire dans une PAC préalablement huilée

François Fillon n’oublie pas pour autant que la compétitivité et la concurrence internationale, c’est bien, mais qu’une petite lampée de protectionnisme ne fait pas de mal non plus.

Ainsi, il propose de “fonder la PAC 2020 sur la gestion des risques et sur le soutien à l’investissement, en ne s’interdisant aucun mode d’intervention et en maintenant à l’euro près le budget actuel” (proposition n°6), mais surtout d’appliquer systématiquement la préférence communautaire de façon à ce que l’Europe “défende les agriculteurs européens” (proposition n°7).

Et quid de la concurrence par les prix féroces qui règne déjà au sein de l’Union Européenne elle-même ?

Ce sera pour une autre fois.

Et pour finir, rajouter une bonne louche de glyphosate

C’est presque prêt ! Passons donc à l’assaisonnement. Monsieur Fillon, pour relever sa recette, n’hésite pas à rajouter une bonne dose d’OGM et de glyphosate.

Car le député de Paris a une bête noire, et il ne s’en cache pas : le principe de précaution. Vous savez, cet empêcheur de tourner en rond qui vous interdit de vous gaver d’OGM, boeuf aux hormones, et poulet à la javel et autre mets de choix en toute tranquillité. Pour Monsieur Fillon, ce principe est tout bonnement “dévoyé et arbitraire”, et doit être effacé de la Constitution pour “favoriser l’innovation responsable” (proposition n°34 du thème Environnement, énergie et transport).

Qu’est-ce que l’innovation responsable, vous demandez-vous ? Vous avez bien raison de nous poser la question, merci bien.

Sur ce point, nos experts sont formels. Le raisonnement est le suivant :

Moins de règles = plus d’innovation = compétitivité = sous

Il faut reconnaître que c’est assez imparable.

Vous ne finissez pas votre assiette ? C’est vrai, c’est un plat un peu riche. Mais vous verrez, il se réchauffe très bien !

Verdict : De la cuisine au beurre tout ce qu’il y a de plus classique, qui distille des saveurs intéressantes par moment, et qui ravira surtout les papilles des gros cultivateurs exportateurs et des industries semencières. Mais qui laissera sans doute aux petits producteurs, aux consommateurs et aux amateurs de cuisine exotique un arrière-goût quelque peu amer. Un plat inégal, donc, qui nous laisse un peu sur notre faim.

Allez, à la vôtre !

_________________

Illustration : Sophie Cuvé

[Prochain épisode : Jean-Luc Mélenchon]

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