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Président, qu'est-ce qu'on mange ?

Jean-Luc Mélenchon : votre boîte chaude jurassienne, avec ou sans quinoa ?

Les élections présidentielles approchent à grands pas. Pour l’occasion, Oui ! le magazine passe les programmes agricoles des prétendants à la fonction suprême à la moulinette. Alors, Président, qu’est-ce qu’on mange ? La semaine dernière, c’était Fillon qui passait à la casserole. On vous avait prévenus : on n’est pas là pour servir la soupe aux candidats, fût-elle au lait. D’ailleurs, c’est aujourd’hui le tour de l’irascible Jean-Luc Mélenchon, alors sortez le vin de paille du Jura et le quinoa, parce que ça va ronfler !

Photo ©Gala
Paysans, quand allez-vous vous débarrasser de la FNSEA

Ce qu’il y a de bien avec Mélenchon, c’est que les choses ont le mérite d’être claires. Jean-Luc, il n’est pas là pour enfiler les perles, ni pour se faire des copains, surtout pas du côté du principal syndicat agricole. À tel point qu’il a encore une fois snobé les allées du Salon de l’agriculture. Pas sa tasse de kombucha.

Le lecteur assidu de Gala le sait : Jean-Luc Mélenchon est un grand amateur de quinoa en taboulé. Pourquoi ? Parce qu’il pense qu’il va falloir que nous allions chercher nos shoots de protéines ailleurs que dans la viande. Le régime tout carné, c’est du passé !

©AFP

Mais rassurez-vous, d’après L’Avenir en Commun – le doux nom du programme du candidat- l’entrecôte et la tête de veau ne vont pas devoir passer dans la clandestinité. Il y aura simplement plus de menus veggie à la cantine ainsi que des programmes de sensibilisation. Ouf.

Par contre, Jean-Luc, il a un adversaire désigné, et ce n’est pas le monde de la finance. Enfin, si. Mais pas que. Pour Mélenchon, on ne tourne pas autour du pot : il faut en finir avec le modèle agro-industriel, et pour de bon.

C’est écrit noir sur blanc en préambule de la section Pour une agriculture écologique et paysanne (pour aller plus loin, vous pouvez consulter le livret thématique consacré au sujet ici):

L’agro-business détruit tout : l’écosystème, la santé des consommateurs et celle des paysans. Les maux sont connus : pesticides chimiques, gigantisme agricole, ultra-spécialisation et soumission au libre marché. À terme, ce système met à mal notre capacité à nourrir l’humanité.

Bon, on ne va pas se mentir : sur le diagnostic, on est plutôt d’accord, surtout après le y a trop de charges et trop d’impôts ma bonne dame de la semaine dernière, qui nous avait un peu laissés sur notre faim.

Mais concrètement, que propose le lider maximo de la France Insoumise à la place ? Et surtout, comment compte-t-il s’y prendre ?

 

Voici donc notre recette minceur du weekend : méluches (tuber fulminatum) cuites dans leur jus, méli-mélo de boulgour et chou kale au vinaigre de vin jaune du Jura.

Débarrassez votre plan de travail de toute trace de traités de libre-échange (Union Européenne ou autre)

On change donc complètement de modèle de production. On s’en doute, cela implique quelques aménagements préalables dans la cuisine. On commence donc par faire capoter les négociations du cycle de Doha à l’OMC, on renvoie les CETA et autres TAFTA aux calendes grecques, et on sort des traités européens.

Objectif affiché : en finir avec le règne du libre-échange, qui porte en son sein le dumping fiscal et social comme la nuée porte l’orage, comme disait l’autre. D’un côté, les paysans du Sud sont fragilisés quand on ouvre les vannes des marchés internationaux dans leur pays, et ceux du Nord, de l’autre, du fait de la pression sur les coûts de production, ont le choix entre le gigantisme ou la mort.

A la place, Méluche propose de mettre en oeuvre un “protectionnisme solidaire”. Du passé, faisons table rase !

Jetez trois grosses exploitations agricoles dans une cocotte et faites réduire longtemps, jusqu’à obtenir des fermes familiales bien fermes. Réservez.

L’agriculture, Mélenchon la veut “écologique et paysanne” (livret thématique, page 11). On sent tout de suite que pour lui, la compétitivité n’est pas un sujet : les principes de souveraineté alimentaire et de relocalisation de la production qu’il défend implique de se concentrer presque exclusivement sur le marché intérieur.

Une vision diamétralement opposée à celle de Fillon, pour qui “l’agriculteur doit être un entrepreneur comme les autres”. Ici, non : nourrir l’humanité, c’est un truc sérieux, pas une affaire de marchand de tapis, non mais !

On empêche donc la concentration excessive du foncier en créant des Etablissements Publics Fonciers Ruraux (livret thématique, page 26) on bloque les projets de fermes-usines, bref, on revient à des bonnes vieilles fermes à taille humaine. Au passage, on facilite l’installation des jeunes agriculteurs, et on crée 300 000 emplois en milieu rural. Rien que ça.

Une fois qu’on est revenu à cette échelle – course à l’échalote et industrialisation du vivant faisant généralement bon ménage – on peut s’attaquer au gros morceau : la transition écologique.

Versez du bio, du circuit court et des prix garantis aux producteurs (à discrétion)

Pour Mélenchon, pas question de se satisfaire d’un modèle d’agriculture duale, où coexistent productions industrielle et de niche. D’un côté, les classes laborieuses qui dégustent des lasagnes surgelées au canasson, de l’autre les nantis qui se gavent d’Appellation d’Origine Contrôlée ? Très peu pour lui ! Bien manger, c’est un droit pour tout le monde (livret thématique, page 21).

Alors c’est sûr, dit comme ça, difficile d’être contre. Mais concrètement, comment fait-on ? Un peu de bâton, déjà (livret thématique, page 19) : interdiction de la commercialisation des OGM, des herbicides à base de glyphosate, taxation croissante des intrants… Mais de la carotte, aussi. De l’éducation, de la sensibilisation, d’accord. Mais aussi, un calendrier de transition au 100% bio dans la restauration collective publique à 5 ans, et un plan national pour développer les filières de proximité de qualité et les circuits courts.

Côté producteurs, on institue des prix minimums pour certaines catégories de denrées, des taxes à l’importation, et même des “coefficients multiplicateurs” histoire de voler dans les plumes de la grande distribution (livret thématique, page 22).

Faites revenir vos techniques d’agriculture eco-friendly dans une généreuse louche de financements.

Enfin, subventions, financements et aides seraient désormais consacrés à l’accélération de la transition écologique (livret thématique, page 19). En gros, cela signifie un soutien financier systématique des formes d’agriculture éco-responsables : bio, agroforesterie, production de protéines végétales, désintensification de l’élevage, etc. Par la même occasion, on recentre la recherche agronomique en conséquence.

Le tout passe par une grande loi de transition écologique de l’agriculture étalée sur 10 ans.

Au passage, les objectifs affichés de souveraineté alimentaire, de relocalisation de la production et de soutien à l’agriculture paysanne et écologique annoncent des négociations plus que musclées dans le cadre de la PAC 2020 !

Mélangez le tout, c’est prêt ! Pas mal, non ?

Le souci de ce plat, c’est qu’il est très, très délicat à réussir. En effet, le programme agricole de Jean-Luc Mélenchon affiche des objectifs auxquels nous, nous ne pouvons qu’adhérer. Mais il y a tout de même dans ce projet des angles morts difficiles à ignorer…

Prix garantis aux producteurs, 300 000 salariés en plus dans le secteur agricole, suppression progressive des intrants, taxes à l’importation, mise à mort de l’agro-industrie et de l’élevage intensif : c’est bien joli tout ça, mais dans l’assiette, ça ne va pas finir par faire un peu cher le kilo de rutabaga ?

Proclamer le droit de tous à une alimentation de qualité, c’est bien, réfléchir aux moyens d’en faire une réalité, c’est mieux !

Oh, et une broutille : les intentions de vote de agriculteurs en faveur de Méluche, selon un sondage récent, c’est 2%. Mener une révolution agricole de cette ampleur avec ce niveau d’adhésion du côté des principaux intéressés, ça risque d’être coton.

Plus d’eau dans son vin, moins de lait dans la soupe, peut-être ?

Verdict : une bien belle salade, avec des ingrédients frais et bio. Prenez garde, tout de même, car on a pu constater par le passé de violentes réactions allergiques chez les industriels de l’alimentaire, les gros propriétaires terriens et les directeurs d’hypermarchés. Attention également aux mauvaises surprises au moment de l’addition, qui pourrait bien être très salée.

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Illustration : Sophie Cuvé

[Prochain épisode : Emmanuel Macron]

19 commentaires

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  1. Je pense qu’en vous efforçant à ne pas prendre parti, et à rester le plus neutre possible, vous concluez malheureusement sur une touche de scepticisme qui déçoit beaucoup, même si l’intention est claire, c’est un peu maladroit; Cela dit, ces articles ont le mérite d’exister et d’être intéressants, à nous électeurs de ne pas nous tromper en faisant notre choix dimanche. Il vaut mieux, pour nous tous, envisager les efforts proposés par JLM pour cette transition écologique, que les efforts qu’on nous impose depuis des années et qu’on nous prépare pour longtemps pour se serrer, encore plus la ceinture, afin d’enrichir toujours plus, sont qui sont déjà très riches et spéculent sur tout.

  2. bien détaillé
    il va falloir se battre alors pour l’aider si j’ai bien compris et pas attendre que ça tombe tout cuit dans l’assiette.
    je ne trouve pas le ton sarcastique mais bienveillant du calme les mélenchoniste (dont je fais parti)

  3. Je suis déçue. Etes-vous surs que le sarcasme soit encore de mise à tout propos ? Votre conclusion aurait également pu être bien différente, plus encourageante. Pas sur le programme de Mélenchon mais sur l’impératif du changement. Car il est urgent de changer la donne, pour l’humanité, pour l’ensemble des règnes, animal, végétal, minéral, bref, pour notre belle planète. Il y a plein d’initiatives personnelles très intéressantes qui montrent que tout est possible et que cela coûte quelques efforts mais cela ne se résume pas qu’à des efforts financiers, loin de là. Ca peut même être le contraire. Je crois qu’il est beaucoup plus question de faire l’effort de changer d’état d’esprit, de conscience mais aussi de comportements, d’habitudes.
    Le documentaire En Quête de Sens nous donne un bel aperçu de ce qui est possible et de ce que peuvent donner les « petites » initiatives personnelles.

  4. Parce que c’est compliqué il ne faudrait rien faire? Bien sûr que la transition agricole nécessite des mesures radicales qui feront grincer quelques dents, mais quand on défend l’idée d’une alimentation responsable, ce programme n’est-il pas la chance dont on a toujours rêvée ? Si on commence déjà à vouloir arrondir les angles pour faire plaisir à tout le monde, on sait comment ça va finir….Un peu d’ambition et de courage, que diable !

  5. Merci pour vos commentaires. Quelques petites précisions : cette série d’articles a pour but de de décrypter les programmes agricoles des différents candidats avec un oeil critique, et comme vous avez dû le remarquer, un ton légèrement caustique. Jetez un coup d’oeil au traitement réservé au candidat LR la semaine dernière (https://magazine.laruchequiditoui.fr/francois-fillon-open-rillettes-ou-cinq-ans-de-vache-maigres/) vous verrez que c’est autrement plus sévère. Je vous invite à revenir la semaine prochaine, ce sera le tour de Macron, et ça ne sera pas tendre !

    Donc non, LRQO n’est pas devenue soudainement pro-agro-industrie et anti-circuits courts (avouez que ce serait quand même un chouïa surprenant, non ?). Simplement, nous ne sommes pas là pour donner une consigne de vote pour tel ou tel candidat.

    Oui, le modèle agro-industriel est à bout de souffle. Oui, bien manger devrait être un droit pour tous. Non, le bien manger, malheureusement, n’est aujourd’hui pas à la portée de tous, et pas seulement pour des raisons économiques. Il faut y remédier d’urgence, il faut absolument changer la donne, pousser un nouveau modèle, mais cela ne se décrète pas.

  6. Je suis d’accord avec les précédents commentaires : si vous vous posez la question du « combien ça coûte » et que vous ne trouvez pas la réponse, peut-être auriez-vous pu vous adresser à la France Insoumise, et peut-être auriez-vous obtenu une réponse claire, car comme vous le dites, avec Méluche, on ne parle pas dans le vide…
    En laissant « planer un doute » à propos de « l’addition », vous sous-entendez implicitement que c’est peut-être une arnaque. D’une part, c’est pas très gentil, et d’autre part, pas très sérieux. Les chiffrages sont disponibles sur internet, et il y a des gens qui vous l’expliquent en vidéo ; si ça ne suffit pas, l’équipe de JLM serait j’en suis sûr ravie de vous éclairer sur toutes ces questions.

  7. Pourquoi ce ton sarcastique le long de votre article ? Vous semblez un peu tourner la politique de Mélenchon à la dérision. C’est pourtant très sérieux tout ça non?
    Proposez vous de ne pas protéger la planète, les agriculteurs et nos assiettes? sous prétexte que ça pourrait coûter trop cher? J’aimerais plutôt vous lire nous expliquer pourquoi ce trop cher est une barrière, un challenge, qu’il faut surmonter et nous montrer les solutions envisageables….

  8. Bonjour,
    « le lider maximo » vous ne l’écrivez pas »leader » etc…?
    Je suppose que vous insinuez par là une êrsonne très autoritaire, or Mr Mélenchon veut, au contraire, que le peuple se prenne en mains et prenne le pouvoir et cesse de suivre un chef adoré (si vous avez lu la philosophie » du programme)

  9. Conclusion décevante de votre part. Bien sûr qu’il y a des risques dans ce programme, mais y en a-t-il plus que dans ceux des autres candidats en tête qui n’ont que faire de la transition écologique et du bien-manger pour tous? Je ne pense pas. Est-ce qu’on peut encore se permettre de continuer ainsi par peur de payer cher, quand le pouvoir d’achat ne cesse de diminuer et que la malbouffe s’étend comme la peste? Je ne pense pas non plus. Si on attend que les industriels donnent leur accord pour ce type de programme, jamais nous n’avancerons. Si on attend que la majorité des agriculteurs prenne conscience des méfaits de notre modèle agroalimentaire actuel, il sera trop tard, encore une fois. Les prises de conscience ça se provoque, il faut savoir ruer dans les brancards et se mouiller, défendre ses convictions et chercher des solutions aux failles plutôt que de jouer à la poule mouillée comme vous le faîtes. Si la Ruche qui dit oui ne donne pas un peu plus de crédit à ce genre de programme, on va où? S’il vous plaît?

  10. Votre article commençait pourtant si bien …. le programme de Mélenchon c’est exactement ce pour quoi toute l’année vous souhaitez de vos voeux dans vos articles !!!!
    Pour une fois qu’un programme correspond à nos attentes à tous et toutes, pourquoi ne pas l’encourager ???? Pour moi c’est tout choisi ce sera Mélenchon !

  11. bonne présentation du programme de JLM, mais les prix n’augmenteront pas tant que ça, car en développant les circuits courts et le local, les prix sont même inférieurs à ceux de la grande distribution. Mais bon il faut bien cracher dans la soupe, la Ruche qui dit oui appartient à Xavier Niel, qui soutient Macron. Ca sera drôle quand vous devrez juger le programme, très léger, de ce dernier.

  12. J’ai un peu l’impression que vous crachez dans la soupe par crainte de la payer trop cher.
    Pourtant le financement est largement expliqué (chiffrage sur youtube) et avec la revalorisation des revenus et la baisse des impôts en dessous de 4000 euros mensuels, le but est que nous puissions tous manger à notre faim.
    Enfin, je dis ça … si vous voyez mieux ailleurs faites-moi signe !

    1. J’ai pensé exactement à la même chose en lisant l’article !!! C’est le seul candidat à avoir pris la peine de détailler durant 5 heures le financement des mesures proposées !! Dommage de critiquer cela du coup 🙁

  13. Je suis étonné de votre positionnement en fin d’article… Au lieu de jouer les grands oracles du « attention ça va couter chère » allez jeter un œil sur le programme financier de ces mesures…
    Continuer ce que nous sommes en train de faire à la planète est simplement irresponsable. Je croyais naïvement que que les acteurs de la ruche qui dit oui en avaient déjà conscience…

    1. Bonjour Dominique, bonjour Thibaut,

      Merci pour vos commentaires. Deux petites précisions : cette série d’articles a pour but de de décrypter les programmes agricoles des différents candidats avec un oeil critique, et comme vous avez dû le remarquer, un ton légèrement caustique. Jetez un coup d’oeil au traitement réservé au candidat LR la semaine dernière, vous verrez que c’est autrement plus sévère. Je vous invite à revenir la semaine prochaine, ça ne sera pas tendre !

      Cette tonalité critique est un parti pris : je ne considère pas que mon rôle, ici, soit de donner des consignes de vote ! Néanmoins, vous avez dû sentir qu’en ce qui me concerne, je suis autrement plus enthousiasmé par le programme de JLM que celui de François Fillon (attention, je le précise encore, il s’agit là de mon opinion, pas d’une ligne politique LRQDO, qui n’existe pas).

      En revanche, vous m’accorderez que même le plus parfait des programmes a toujours ses zones d’ombre, et qu’on se doit de faire preuve d’esprit critique à l’égard de ses amis en politique encore plus qu’à l’égard de ses adversaires.

      Oui, le modèle agro-industriel est à bout de souffle. Oui, bien manger devrait être un droit pour tous. Non, le bien manger, malheureusement, n’est aujourd’hui pas à la portée de tous, et pas seulement pour des raisons économiques. Il faut y remédier d’urgence, il faut absolument changer la donne, mais cela ne se décrète pas. Les doutes que j’exprime à la fin de l’article sont le reflet de cette interrogation, et concernent bien le coût des denrées alimentaires, pas le financement des mesures proposées.

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