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Quel goulot !

« Ma bouteille s’appelle reviens » : le retour de la consigne

Recycler c’est bien, réutiliser c’est mieux. Les pionniers de la consigne en France ont remis en route en 2019 la grosse machine implantée au pied du Vercors. Résultat, bouteilles et autres contenants en verre des producteurs d’Ardèche et de la Drôme font peau neuve.

Responsable technique de « Ma Bouteille s'appelle reviens », Sylvain Riolo a appris à maîtriser au mieux la grosse unité de lavage où 2 000 bouteilles peuvent être lavées à l'heure. © Bruno Poussard

Les bouteilles de bière de La Manivelle ont désormais droit à une nouvelle vie. Plusieurs, même. Dans la cour de la brasserie née à Die au pied du massif du Vercors, de grandes palox attendent les contenants en verre vides ramenés par ses clients et ceux d’autres producteurs du coin. Une fois les caisses pleines, le camion de « Ma bouteille s’appelle reviens » viendra les échanger contre des propres.

Le patron de la brasserie, Nicolas Brand, se réjouit de la mise en pratique récente du réemploi, vieille idée par ici. Depuis début 2020, 2 à 3 % des bouteilles de la Manivelle au format champenois – connu du Diois car il s’agit de celui des Clairettes – sont ainsi réutilisées.

La brasserie n’est pas le seul acteur local à s’y mettre. Entre Drôme et Ardèche, ils sont ainsi 25 partenaires à laver leurs contenants dans les équipements mutualisés de « Ma bouteille s’appelle reviens » situés dans une zone artisanale de Chabeuil, en plaine de Valence. Il y a des producteurs de bières, de jus de fruits, de compotes, de lait et de produits laitiers, d’hydrolats, des viticulteurs ou des apiculteurs…

Le lavage des bouteilles de 33 cl à 1,5 l se passe dans une énorme unité – qui en reçoit jusqu’à 2 000 à l’heure. Dans des alvéoles, elles font un tour à 360°, du trempage au rinçage en passant par l’injection d’eau à l’intérieur, afin d’éliminer les bactéries par pasteurisation. Avant d’être rendues aux producteurs sur des palettes, elles sont séchées puis vérifiées au rétroéclairage pour leur état et propreté. Un plus petit tunnel de lavage offre aussi un processus similaire aux pots et bocaux.

Comme la machine de lavage met du temps à monter en température, les bouteilles sont stockées dans de grandes palox puis lavées les unes à la suite des autres le même jour. © Bruno Poussard

Des économies ! De l’emploi !

Celle qui a mené en septembre 2019 le projet « Ma bouteille s’appelle reviens » : Clémence Richeux, 38 ans. Au sein d’une bande de copines branchées start-up, elle a même aidé deux ans plus tôt à monter l’association derrière cette nouvelle filière de réemploi du verre. Issue du monde de l’insertion, la Rhône-Alpine a conjugué ses convictions sociales et environnementales pour monter une activité utile et durable en visant la création d’emplois sur un territoire qu’elle dit sinistré.

On n’avait pas de doute sur la pertinence mais plus sur le modèle économique, car l’activité génère peu d’argent, se souvient Clémence Richeux. Réalisé avec le matériel acquis d’occasion à l’aide de subventions publiques, le lavage de 250 000 bouteilles en 2020 n’est pas encore totalement viable. Fidèle à son plan, « Ma bouteille s’appelle reviens » vise en fait la rentabilité dans trois ans. Le temps de se faire connaître tout en montant en charge, jusqu’à traiter 1,5 million de bouteilles du coin par an avec 7 à 8 salariés. Histoire de pouvoir tenir dans la durée tout en proposant des tarifs plus intéressants.

En attendant de se transformer en Société coopérative d'intérêt collectif en 2021, « Ma Bouteille s'appelle reviens » est passée ces derniers mois de deux à quatre salariés, dont un, Vonik, en insertion. © Bruno Poussard

Aujourd’hui, une grande bouteille lavée par « Ma bouteille s’appelle reviens » coûte à ses producteurs ou commerces partenaires 18 centimes (23 avec collecte) alors qu’une neuve vaut souvent juste un peu plus de 20 centimes. Mais l’engagement écologique compte en Drôme-Ardèche. Et les arguments de la consigne sont solides. D’après une étude de l’Ademe, elle diminue par exemple les dépenses énergétiques de 75 % et d’eau de 33 %, par rapport au coûteux recyclage. Illustration de ces bienfaits, en Allemagne la durée de vie d’une bouteille est estimée à 50 utilisations avant d’être recyclée.

Le lavage, un métier disparu

Dans l’Hexagone, la consigne a quasiment disparu à la fin du XXᵉ siècle face au faible coût du neuf. Avec elle, des machines et un savoir-faire. L’unité de lavage de Chabeuil a ainsi été achetée à un embouteilleur de vins italien. Il n’y a plus beaucoup de machines comme ça en France, alors il a fallu réapprendre à s’en servir, construire le reste de la ligne, redéfinir tous les process, détaille Sylvain Riolo, responsable technique. Il s’est inspiré d’acteurs belges, suisses ou alsaciens – dont les brasseurs de la Météor qui n’ont jamais lâché la consigne.

Désormais, c’est au tour de « Ma bouteille s’appelle reviens » de faire l’objet de curiosité. Parmi les pionniers du retour de la consigne en France, l’association fait partie des rares à disposer d’une unité de lavage de cette taille. Membre du Réseau consigne qui fait du lobbying et aide à structurer l’activité, son équipe propose donc aux professionnels intéressés de venir la découvrir. Tout le monde est prêt à partager un maximum, on se retrouve tous sur l’hérésie que représente le fait de refondre et remouler du verre qu’on peut réutiliser, décrit Sylvain Riolo.

En 2020, « Ma Bouteille s'appelle reviens » a lavé et ainsi permis de réemployer 200 000 bouteilles de ses 26 producteurs partenaires, et compte bien continuer à monter en charge. © Bruno Poussard

Le partage d’expérience est d’autant plus précieux que l’activité nouvelle n’est pas sans pépins techniques. Les producteurs ont par exemple besoin d’une colle hydrosoluble sous leurs étiquettes avant de pouvoir passer leurs bouteilles en machine. Laquelle sera la bonne ? Il faut parfois en tester quatre ou cinq avant de trouver chaussure à son pied. Les suivants profiteront du chemin défriché par les premiers en zappant cette étape d’expérimentations. Pour chaque détail, ces types de retour sont nombreux. L’association et ses partenaires doivent ainsi danser ensemble pour avancer. On a tous l’habitude de travailler de notre côté, il faut changer les habitudes, décrypte Nicolas Brand de la Manivelle.

Avec ses producteurs, l’association va se transformer en une Société coopérative d’intérêt collectif en 2021. L’activité de lavage et de réemploi en collectif doit continuer à se faire connaître, mais elle plaît et grandit. Le responsable technique de « Ma bouteille s’appelle reviens » en est convaincu : On va être obligés de tous y venir. Fin 2019, la consigne sur les bouteilles en plastique a été actée pour 2023. Pas encore assez, pour les pionniers de « Ma bouteille s’appelle reviens » et les autres membres français du Réseau consigne. Mais la machine est relancée.

Aux côtés d'une plus petite machine pour pots et bocaux, l'unité de lavage lave des bouteilles de 33 cl à 1,5 l pour 18 centimes l'unité, un coût très légèrement inférieur à une grande bouteille neuve. © Bruno Poussard

9 commentaires

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  1. Bravo ! Voic l’initiative que l’on souhaitait sans savoir comment la mettre en place !On est avec vous !!

  2. Bravo, bravo, bravo !
    Comment faire pour « exporter » approche et savoir-faire dans d’autres départements ?
    Dans les Bouches-du-Rhône, où j’habite, c’est même honteux : une eau locale, la 808, se revendique écologique car locale et, pour des questions d’argent, a fait le choix du recyclage plutôt que de la consigne !!! Et se vend en magasins bio aussi…

  3. Pour nous, consommateurs, un des critères de choix est le devenir de la bouteille achetée. En ce qui concerne la bière citée, elle est très bonne et on peut rapporter la bouteille: c’est donc parfait!
    Merci pour cet article Bruno Poussard!

  4. Il ne s’est pas écoulée une année de ma vie sans que ce sujet ne soit évoqué dans une conversation, avec toujours la même conclusion : les allemands le font bien, pourquoi avons-nous arrêté, c’est quand même mieux que de recycler, c’est encore un coup des publicitaires qui refusent de standardiser les bouteilles pour se démarquer de la concurrence.
    Je suis content de voir que ça reprend un peu.

    Le coût du neuf / recyclé est complètement faussé : parce qu’il est en monopole, et parce que son coût ne reflète pas son coût énergétique et écologique : si le principe du pollueur = payeur était appliqué plus strictement au lieu de reporter les coûts sur la collectivité, cela changerait bien des choses !

  5. Habitant Romans, j’aimerais déposer des bouteilles (de lait de brebis) vides avec petit couvercle. J’en ai gardé pas mal mais je pense qu’elles rendraient service…… ?!!
    Y a t il un endroit pour vous les faire parvenir ??
    Merci et avec tous mes encouragements !

    1. Bonjour Brigitte, n’hésitez pas à en parler à votre producteur de lait de brebis, peut-il sera-t-il intéressé par l’initiative ! Les producteurs et les commerçants de Drôme et d’Ardèche partenaires de l’acteur de la consigne collectent les bouteilles que le camion de Ma Bouteille s’appelle reviens vient ensuite récupérer pour les laver.

  6. Merci pour cet éclairage sans angélisme. Continuez à dénicher les innovations et expériences qui nous ouvrent l’esprit comme celle-ci !

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