Gobe-t-on une quantité hallucinante de pesticides lorsque l’on avale une cuillère de miel ? Le miel certifié bio l’est-il vraiment ? Comment choisir du miel vraiment local ? Julien Henry, co-auteur avec la journaliste Camille Labro du livre Les Merveilles du miel, patron de La Maison du Miel à Paris, a démêlé pour nous le vrai du faux. Des propos garantis sans overdose de sucre.
Comment reconnaître un bon miel ?
Julien Henry : On ne peut pas reconnaître un bon miel juste à sa tête. Nous avons deux façons de l’analyser. D’abord nous le goûtons, ce qui nous permet de savoir s’il est bon, pas bon, intéressant, inintéressant. Ensuite, automatiquement, dès que nous recevons un miel, nous l’envoyons dans un laboratoire pour des analyses biologiques. Les apiculteurs qui vendent en direct ne font rarement, voire jamais, ces analyses. Elles permettent, entre autres, de vérifier les pollens et donc de déterminer quelles fleurs l’abeille a butinées. Les apiculteurs peuvent vous dire qu’ils vous vendent un miel de thym mais finalement on peut se rendre compte qu’il en contient moins de 1 %.
Sur tous les miels que nous recevons, seuls 30 % correspondent à l’appellation annoncée. Attention, cela ne signifie pas pour autant qu’ils sont mauvais ou que l’apiculteur est de mauvaise foi. C’est juste que les abeilles butinant en général dans un rayon de trois à cinq kilomètres, il est presque impossible, sans analyse, de savoir vers quels végétaux elles se sont tournées.
Ces analyses permettent également de contrôler la présence des sucres exogènes, c’est-à-dire ajoutés. La plupart du temps, ce sont des résidus de ce qui a servi à nourrir les abeilles en période creuse. Aujourd’hui, il n’existe plus d’écosystèmes satisfaisants pour assurer leur alimentation toute l’année, alors les apiculteurs prennent le relai artificiellement, de plus en plus près des récoltes du précieux nectar. Si les plus consciencieux le font avec un mélange de miel et d’eau, la plupart utilisent du sirop de glucose. C’est un vrai problème car si votre miel présente surtout des sucres simples, cela n’a pas la même incidence sur votre santé.
Quelles sont les mentions obligatoires sur les étiquettes de miel ?
Il n’en existe malheureusement que très peu ! Si l’origine doit être précisée, elle peut rester très floue et indiquer sur le pot mélange de miels originaires de l’UE ou pire encore mélange de miels originaires et non originaires de l’UE. Heureusement, cela devrait être beaucoup plus encadré à partir de 2019 avec l’entrée en vigueur de la loi Agriculture et Alimentation.
Il en est de même pour les appellations qui usent de termes fantaisistes. Un miel est soit monofloral (miel de romarin par exemple) soit polyfloral (issu de plusieurs fleurs et donc représentatif d’un lieu en particulier). Pourtant les mentions miel liquide ou miel crémeux ornent souvent certains pots. Dans les deux cas, il s’agit la plupart du temps de miels mélangés et travaillés par l’homme pour répondre à des exigences de texture. D’autres qualificatifs sont carrément douteux, le plus courant étant miel récolté à froid. Un miel n’est jamais chauffé pour être récolté, même par l’apiculteur le moins scrupuleux du monde. Ce n’est pas une huile d’olive. Pareil pour la mention miel cru qui ne veut rien dire.
Certains qualificatifs sont carrément douteux, le plus courant étant « miel récolté à froid ».
Que signifie la mention miel toutes fleurs de France ?
Dans ce cas, les abeilles ont butiné tout ce qu’elles voulaient. C’est souvent le miel le moins cher. Derrière l’étiquette se cache souvent un mélange de plusieurs récoltes provenant de ruchers et même de pays différents. Si vous voulez acheter un bon miel toutes fleurs, il faut chercher plus de précisions sur le lieu de récolte, miel toutes fleurs du Var, par exemple.
Miel bio ou pas ?
La question du miel bio est très complexe. Ce qui est intéressant, c’est la pratique plus que le produit. L’apiculteur bio doit en effet éviter de nourrir ses abeilles sauf en cas d’extrême nécessité. Il est aussi obligé de mettre de la cire bio dans ses ruches, ce qui est un bon point car c’est l’élément le plus sensible, celui qui capte le plus les produits chimiques. Pour le reste, le cahier des charges reste assez vague. En effet, l’appellation ne peut certifier qu’à hauteur de 50 % que les fleurs butinées sont issues de plantes biologiques, ce qui peut paraître déjà bien compliqué quand on sait qu’une abeille vole assez loin autour de sa ruche.
Trouve-t-on des résidus de pesticides dans les miels que l’on achète ?
Il y a beaucoup de confusions à ce sujet. Les produits phytosanitaires et l’agriculture chimique de manière plus générale sont les premiers prédateurs des abeilles. Quand elles butinent un champ traité, les abeilles meurent avant même d’avoir pu faire le miel. Celles qui ont résisté à ces substances nocives voient leur système d’orientation perturbé et s’avèrent incapables de retrouver le chemin du rucher. Les résidus de pesticides dans le miel sont donc inexistants ou bien en-dessous des limites autorisées.
Un apiculteur bio doit éviter de nourrir ses abeilles sauf en cas d’extrême nécessité.
Comment conserver le miel ?
Comme beaucoup de produits, le miel n’aime pas les écarts de température. Il convient donc de l’entreposer dans un placard à l’abri de la lumière. Avec le temps, si votre miel cristallise et que vous souhaitez lui redonner une texture liquide, il suffit de le faire chauffer doucement au bain-marie. Attention à rester au-dessous de 40 °C, sinon il perd une grande partie de ses propriétés thérapeutiques.
Pour approfondir
Références
Dans ce livre complet, vous comprendrez les grands principes de fabrication des miels et les enjeux écologiques actuels de la pollinisation en partant à la rencontre d’un apiculteur. Vous découvrirez les astuces pour bien choisir votre miel et apprendre à le déguster, car tout comme le vin, le miel dépend d’un terroir qu’il faut connaître et comprendre. Et enfin, vous apprendrez à utiliser votre miel en cuisine ou dans votre quotidien.
Juste un détail important :
Attention l’Appellation « MIEL TOUTES FLEURS » n’est plus employé depuis 2016 et a été remplacée par « MIEL DE FLEURS ».
Ne pas oublier les mentions légales obligatoires concernant la DDM (Date de Durabilité Minimale) ainsi que le Poids Net et préciser s’il a bien été « Récolté et mis en pot par l’apiculteur » et non reconditionné par un « Emballeur.
Droit de réponse
Nathalie Guimberteau
Apicultrice fournissant des « ruches qui disent Oui » en Touraine, non certifiée bio tout en respectant au mieux la charte « Nature & Progrès » (sauf pour ce qui concerne la lutte anti-varroa en commentaire pour Jean Baptiste Leclercq, car nous préférons, pour le moment, éviter des risques avec les acides….), nous soutenons que la mention « Miel récolté à froid » est totalement porteuse de sens et non pas un qualificatif douteux, sauf pour quelqu’un qui n’étant pas apiculteur mais commerçant, n’a jamais consulté un catalogue de matériel apicole ( fondoir Meltor Pro 2,30 kW, par exemple). Notre miel n’est jamais (ré)chauffé (pas même par un couteau à désoperculer électrique !) et la mise en pots du miel dès la récolte avant stockage en cave, avec millésime, est une vraie contrainte de production qui génère, je l’espère, une garantie qualitative significative.
Bravo pour vos informations pertinentes qu’en apicultrice amatrice je cautionne totalement !
Votre article n’est pas correct concernant le miel bio.
La plus grande contrainte pour les apiculteurs bio est de gérer le VAROA, accarien parasite de l’abeille.
En conventionnel, les apiculteurs utilisent largement des acaricides de synthèse, bref des produits phyto tant décriés.
En bio les apiculteurs sont confronté a une lutte difficile et utilisent des produits naturels simples bien moins éfficaces certes mais sans phyto.
voila la grande différence entre bio en conventionnel.
Personnellement, j’apporte mon crédit aux apiculteurs qui produisent moins de 40 kg de miel par ruche et par an. Au delà, j’ai des doutes sur le bien être des abeilles (usines à miel = ferme de 1000 vaches) et sur la qualité du miel (sucre ajouté par transfèrement des sirops de nourrissage).
A chacun son échelle de valeurs…
en fait a mon avis votre jugement est un peu dur, pour moi il est plus judicieux de savoir si l’apiculteur fait ça à temps plein ou avec un autre boulot à coté , et surtout questionnez l’apiculteur on apprend beaucoup en s’intérressant a ce qu’il fait .
Bonjour,
existe-t-il des marques de miels qui respectent à 100% le bien être des abeilles?
Si oui, quelles sont ces marques de récoltants qui s’engagent à ne prélever qu’une petite partie de la production des abeilles afin qu’elles ne se tuent pas à la tâche en produisant encore plus de miel pour compenser les prélèvements humains intempestifs?
Bonsoir ,
pour faire court, essayez de trouver un apiculteur près de chez vous et questionnez le au fur et à mesure des réponses apportées vous devriez sentir le sentiment de faire du miel pour la rentabilité ou récolter juste en laissant aux abeilles
Il me semble que ce qui est analysé dans le miel est la nature du pollen, pas celle du nectar dont les abeilles font le miel; ainsi un miel peu être monofloral d’une espèce tout en présentant un profil pollinique totalement différent correspondant aux pollens présents dans la zone de butinage.
Certaines espèces sont nectarifères et pollinifères, d’autres sont soit l’un soit l’autre. Par exemple, l’eucalyptus est très nectarifère mais absolument pas pollinifère; devrait-t-on en conclure, en l’absence de son pollen que le miel d’eucalyptus n’en est pas?
Article intéressant merci !
Rectification à faire pour la dernière phrase je pense que le bon mot était au dessous de 40°c et non au dessus 🙂
« Attention à rester au-dessus de 40 °C, sinon il perd une grande partie de ses propriétés thérapeutiques. »