Imaginez un jardin où tout ce qui pousse se mange. Où il n’y a qu’à tendre le bras pour s’alimenter sur la branche. Ouvrez les yeux, prenez une grande inspiration dans les forêts comestibles du monde entier et créez votre jardin d’Éden.
Le sol est couvert de feuilles et de branches mortes, il sent bon l’humus. La canopée filtre et diffuse une lumière apaisante. Vous êtes bien dans une forêt. Et pourtant, toutes les plantes qui vous entourent sont comestibles. Cette vision paradisiaque n’est pas, ou plus, un rêve.
Car des projets appelés « forêt jardin », « jardin forêt », « forêt comestible » ou « forêt nourricière » poussent actuellement un peu partout dans le monde, y compris en France. Ces dénominations concernent des réalités légèrement différentes en fonction de la taille du projet, de la taille des végétaux, de la place plus ou moins grande laissée aux interventions humaines, de l’installation citadine ou rurale…
Objectif visé : devenir des écosystèmes pérennes et productifs reproduisant les cycles et les dynamiques de la forêt. Cela demande du laisser-faire, de l’observation, de la patience, et pas mal d’heures de lectures.
Les milieux tropicaux ont été historiquement les terres d’accueil de ces forêts cultivées, notamment en Amérique du Sud et en Inde. Plus contemporain, l’exemple le plus inspirant est sûrement celui de Robert Hart, en Écosse.
« Une visite de la chocolaterie de Willy Wonka »
Rob Hopkins, permaculteur mondialement connu pour avoir été l’initiateur du mouvement international des villes en transition, raconte ainsi sa visite en 1992 de la forêt d’à peine 500 mètres carrés dudit Robert Hart : Un tour avec lui dans sa forêt ressemblait à une visite de la chocolaterie de Willy Wonka avec Willy Wonka lui-même : « regardez ça, goûtez-moi donc ceci. »
Nous pourrions faire naître de véritables forêts urbaines qui compenseraient en partie la disparition des espaces ruraux.
Robert Hart est décédé en 2000, et son jardin a depuis été abandonné. Mais tout ce qu’il a semé n’a pas disparu. Il espérait que des millions de personnes puissent un jour l’imiter sur de très nombreuses parcelles libres, jusque dans les plus petits jardins ou les friches : Si nous tirions pleinement parti des possibilités existantes, même dans les zones très urbaines, nous pourrions faire naître de véritables forêts urbaines qui compenseraient en partie la disparition des espaces ruraux.
Un rêve accessible. Plusieurs livres de grande qualité ont été publiés en langue française ces dix dernières années. Citons notamment Créer un jardin-forêt traduit aux éditions Imagine un Colibri du Britannique Patrick Whitefield (2012), La Forêt-jardin du Britannique Martin Crawford traduit par Ulmer (2017) et, depuis octobre 2019, Jardins-forêts du Français Fabrice Desjours chez Terran édition.
Dans ces livres, on découvre notamment la foultitude d’espèces comestibles, locales comme exotiques, qui poussent ou peuvent pousser sous nos climats.
À vos arbres citoyens !
Pour imaginer votre forêt comestible, vous pouvez réfléchir par strate et planter…
Des arbres. Figuiers, pommiers, poiriers, pruniers mais aussi néfliers, nashis…)
Des arbustes. Dans Jardins-forêt, Fabrice Desjours rappelle que ces végétaux sont faciles à déplacer, si bien que cette strate peut plus facilement être modifiée et réaménagée en fonction de l’évolution des autres végétaux).
Des plantes à ras de terre. Sur la strate des herbacés, faites pousser du petit fraisier jusqu’à l’artichaut en passant par les cardons qui peuvent même atteindre plusieurs mètres de haut.
Des plantes grimpantes. La vigne, les kiwis ou les mûres sont très utiles pour gagner de la place.
Un « manguier » qui résiste aux grands froids
On peut aussi les envisager par cycle : d’abord inviter les plantes pionnières, comme les ronces, qui colonisent les terrains nus et permettent ensuite aux arbustes de pousser, avant que les grands arbustes et les arbres ne les remplacent.
On peut enfin les organiser par leur originalité et leur rareté : de l’ortie à l’asiminier « Paw-paw », cet arbre très rustique qui résiste aux grands froids et qui produit des fruits au goût de mangue. Le seul choix des végétaux relève déjà d’une équation complexe, à adapter à ses propres caractéristiques, son terrain, son terroir, son climat… et ses envies !
Clés pour un paradis terrestre
La tâche paraît ardue ? Tant mieux, en fait. Voilà un défi propre à vous stimuler et vous enrichir pour toute une vie. Et cela permet de toucher du doigt l’incroyable complexité et beauté du vivant qui nous entoure.
On peut tout de même tenter de résumer les grandes clés de la réussite d’un tel projet :
1- Bien choisir et connaître les plantes
C’est toute la clé et cela demande beaucoup de documentation. Le site Tela botanica est une excellente ressource.
2- Se fournir près de chez vous et quand c’est possible dans la nature.
C’est là que vous trouverez des plantes résistantes et adaptées à vos conditions
3- Nourrir et couvrir le sol
Le sol ne doit jamais rester nu, comme celui d’une forêt. On peut, au début du projet, apporter régulièrement des feuilles mortes, du compost, de la paille, du bois fragmenté… Ensuite, les feuilles mortes, notamment celle des arbres capables de fixer l’azote, prendront le relais
4- Bien doser les ombres et lumières
Contrairement à certaines forêts sauvages, l’ombre ne doit pas dominer. Selon Patrick Whitefield : La lumière est le principal souci de culture d’un jardin forêt sous nos latitudes. Vos arbres les plus hauts doivent donc être choisis, entre autres, pour leur capacité à laisser passer la lumière et/ou être agencés de façon à la laisser passer.
5- Travailler avec le terrain et pas contre lui
En climat tempéré, rappelle Martin Crawford, tout terrain livré à lui-même est destiné à devenir une forêt. Mieux vaut accompagner cette dynamique dans un sens qui nous intéresse.
Merci pour le relais des vidéos