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Un zeste de ziste

En Corse, le renouveau du cédrat

Immersion à Barrettali pour découvrir l’ancêtre du citron : le cédrat, et plus particulièrement le cédrat corse. Un fruit à la chair douce qui fait la fierté des habitants de l’île, mais qui a bien failli disparaître à la fin du XXᵉ siècle.

Sur le Cap Corse, les 1000 cédratiers de Xavier Calizi s’épanouissent en regardant la Méditerranée. © Noémie Malaize

Volumineux et à l’allure un peu cabossée, le cédrat corse est une variété qui appartient à la famille des agrumes. Mais il faut le couper en deux et venir à bout de son épaisse écorce pour découvrir que, surprise, à la différence de l’orange ou du citron, son cœur ne renferme que très peu de pulpe. C’est pour cette raison qu’il n’est généralement pas comestible à l’état frais, mais se consomme après transformation – exception faite de certaines variétés comme la Main de Bouddha.

La seule exploitation corse à produire des cédrats corses ? Les cédrats du Cap Corse, gérée par Benjamin Bouleux. Celui-ci nous dresse le portrait-robot du fruit que nous avons sous les yeux : À l’extérieur il y a le zeste, qui est très parfumé. Ensuite, une épaisse chair blanche que l’on mange et qui représente 60 % du fruit : l’albédo (ou ziste). Enfin au centre, il y a la pulpe. Sèche et âpre, elle n’est pas comestible.

Assez trapus et pas très hauts, les cédratiers sont taillés judicieusement pour faciliter la récolte des fruits à travers les épines. © Noémie Malaize

Fruit d’or en péril

C’est au XIXᵉ siècle que le cédrat – introduit en Méditerranée par les botanistes d’Alexandre le Grand – connaît son âge d’or. En 1892, il est cultivé à grande échelle sur l’île et avec ses 15 000 hectares de plantation, la Corse en est le premier producteur et exportateur mondial. Les ports de Bastia et du Cap Corse chargeaient alors les goélettes de fruits, puis les bateaux prenaient le large en direction de l’Italie et du sud de la France, avant de poursuivre leur voyage en calèche vers la Scandinavie ou le Nouveau Monde. Conservé en saumure ou consommé confit, le cédrat était un des rares fruits à pouvoir être apprécié après un long voyage. À l’époque, il se négociait à prix d’or en Europe du nord et était même coté en bourse !

Puis au milieu de XXᵉ siècle, les hivers particulièrement rudes combinés à un contexte économique difficile entraînent le déclin du fruit sur l’île : Ce n’était plus rentable de faire du cédrat et les plantations ont arrêté leur activité, déclare Benjamin.

Parfois, jusqu’à 120 kg de fruits peuvent garnir un seul arbre. © Noémie Malaize

Le renouveau du cédrat

Le cédrat avait presque disparu de Corse, mais c’est dans un esprit de tradition que Xavier Calizi a voulu relancer sa production sur la côte ouest du Cap il y a maintenant quinze ans. Il n’y avait plus de plantation, mais la trace de terrasses laissait pressentir que des cédratiers s’étaient bien plu ici. On a fait de la place dans le maquis, l’INRA nous a fourni des porte-greffes et on a replanté des cédrats, nous raconte Benjamin qui l’épaule sur cet ambitieux projet.

Sur les 1300 arbres de Xavier qui regardent la Méditerranée, 1000 sont des cédrats du Cap Corse, tandis que quelques dizaines de citronniers, mandariniers ou variétés plus insolites de cédrats apportent un soupçon de diversité dans les allées. Après la plantation, il a fallu attendre cinq ans pour avoir de beaux cédrats. Même si au bout d’un an, certains arbres donnent déjà des petits fruits, précise l’horticulteur. Aujourd’hui l’enjeu n’est pas d’étendre l’exploitation mais de sécuriser les arbres enracinés sur les 5 hectares de terre perchés à 400 mètres d’altitude : Climatiquement, on a les pires conditions pour faire pousser du cédrat. Du vent 300 jours par an, du froid en hiver et de la sécheresse en été. Mais on y arrive ! s’étonne encore Benjamin, dévoué à ce fruit dont la culture demande beaucoup d’attention et des centaines de litres d’eau en été, apportées par un système de goutte à goutte.

À l’extérieur il y a le zeste, qui est très parfumé. Ensuite, une épaisse chair blanche que l’on mange, l’albédo. Enfin la pulpe au centre, qui n’est pas comestible. © Noémie Malaize

Arbre de l’abondance

Assez trapus et pas très hauts, les cédratiers sont taillés judicieusement pour faciliter la récolte des fruits à travers les épines. Si la principale récolte est en septembre/octobre et que l’hiver est un peu creux, fruits et fleurs garnissent les arbres en continu de mai à novembre. Si on en prend soin, les cédratiers sont comme les oliviers et peuvent donner des fruits pendant très longtemps. Nos arbres les plus vieux ont quinze ans et ce sont ceux qui donnent le plus, avec parfois 120 kg de fruits sur un seul arbre, nous partage-t-il avec joie. Les bras chargés d’agrumes, il prendra ensuite la route de Bastia pour les déposer dans le laboratoire où ils seront transformés.

L’exploitation perchée à 400 mètres d’altitude s’étend sur 5 hectares de terre. © Noémie Malaize

Précieuses douceurs

Le cédrat corse est le seul à avoir la particularité d’être doux. Alors que les fruits encore verts (généralement plus parfumés) serviront à la parfumerie ou à la distillerie, les cédrats jaunes arrivés à maturité pourront devenir de délicieuses confitures. Mais les utilisations en cuisine de cet agrume au goût incomparable ne s’arrêtent pas là. Le cédrat se mariera à merveille avec les poissons tandis que pâtes de fruits, fruits confits et pâtisseries feront le bonheur des becs sucrés.

Le cédrat corse bénéficie d’une petite notoriété : On a des demandes dans le monde entier, de Dubaï à Porto Rico, mais on préfère le garder pour nous car on n’en a pas beaucoup, glisse Benjamin. Si cet agrume si convoité se retrouve parfois dans les assiettes d’une poignée de chef·fe·s du sud de la France, Xavier et Benjamin misent sur une distribution en circuit court, directement sur l’exploitation et dans quelques épiceries locales. L’occasion toute trouvée d’une virée sur l’île de beauté !

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