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Confessions intimes

Camille prend la clé des chants

L’artiste Camille sort Ouï son nouvel album le 2 juin. La rencontrer pour Oui ! Magazine sonnait comme une évidence tant ses titres chantent les semences libres, l’autonomie alimentaire et la mobilisation citoyenne.

 

Le rendez-vous est donné à 14h30 au Potager du Marais, petite gargotte végétalienne parisienne. Camille s’attaque à une belle salade de crudités. Du goût 100% brut qui lui va bien comme sa tenue, faite de matières naturelles superposées. Indigo de la combinaison jusqu’aux yeux, l’artiste a tressé un bijou avec ses cheveux à la manière des vanniers. Pour le reste, ni maquillage, ni artifice, Camille se livre au naturel, la voix douce et la fourchette sure.

> Découvrez Seeds, le nouveau single de Camille juste ici.

Vous aviez initialement prévu d’appeler votre album Non. Vous vouliez dire Non à quoi et finalement dites Oui à qui ?

J’ai été éduquée à l’esprit critique. Dans ma jeunesse, j’ai passé beaucoup de temps à contredire, à désapprouver, à remettre en cause les choses. Cet esprit de résistance est sans doute un héritage de mes parents. Je n’ai jamais aimé que l’on me dicte quoi que ce soit, j’ai toujours détesté l’emprise et l’addiction. A l’âge adulte, j’ai compris qu’il y avait plein de choses que je n’aimais pas mais aussi beaucoup d’autres qui me faisaient vibrer. Alors j’ai décidé de dire Oui à ce que j’aime : les disques, l’éducation, la forêt, la permaculture, le chant collectif. Le Oui de ce disque est un Oui à l’ouverture, la plus grande des sécurités selon moi. Lorsque l’on est ouvert, on peut écouter. C’est là que la musique commence. La relation aussi.

Un de vos titres s’appelle « je ne mâche pas mes mots ». Qu’avez-vous envie de crier là tout de suite ?

Créons, inventons, chantons ! Donnons-nous cet espace. Si chacun pouvait essayer d’inventer sa petite musique, accéder à ce qu’il a en lui, à l’intérieur, le monde serait forcément plus doux. Ceux qui n’arrivent pas à chanter peuvent prendre un tambour et se laisser guider par le rythme. C’est incroyable, le corps finit toujours par le dompter, par lui donner un tempo stabilisé qui apaise et rassure. Aujourd’hui, notre société connaît beaucoup de violences parce que l’on est coupé de nos sources. Il faut chanter ensemble, danser ensemble, faire de la musique chez soi avec ce que l’on a.

 

« Seeds » évoque la problématique des semences confisquées par l’agro-industrie, c’est pour vous un combat important ?

La nature est « par défaut » très généreuse et c’est une grande qualité!  Les plantes se reproduisent toutes seules, s’enrichissent, se combinent et nous, êtres humains, nous avons inventé des graines stériles. Bravo, c’est très intelligent, la classe ! Nous sommes allés trop loin. Nous ne pouvons pas faire comme si nous n’étions pas des humains et penser que l’on est systématiquement plus forts que le système. Nous devons re-imiter la nature, faire corps avec elle. La permaculture peut être très inspirante, même pour la musique.

Avec Camille tout est toujours organique. Le son comme le souffle donnent vie au mouvement. Et sans mouvement pas de chanson, dans tous les cas pas celles-ci.

Dans un autre titre « Twix », vous dites : si tu plantes un Mars dans ta serre, il ne poussera qu’un champ de guerre. Pour vous, il est possible de changer le monde avec sa fourchette ?

Mais tellement. Il nous a fallu 50 ans pour tout foutre en l’air, il nous faut désormais retourner au vivant. Se nourrir de légumes et de fruits qui ont poussé le plus près possible, qui ont été le moins trafiqués, le moins cuits aussi. Je fais très attention aux matières premières, j’ai moi-même un potager. Bien manger, ça nourrit le cerveau. Tenez quand vous êtes obsédés par les emballages, c’est en réalité que votre tête manque de couleurs, de vrai. Il faut revenir aux fondamentaux. Mettre les mains dans la terre, faire pousser des plantes aromatiques sur son balcon, cueillir un fruit sur l’arbre, en soi, rassasie.

 

Vous avez consacré un titre à Nuit debout, vous y étiez ?

Non car pendant cette période-là j’étais en enregistrement et puis ensuite tout s’est évanoui assez vite. Mais ce mouvement est formidable : il rend la politique aux rêves et le rêve à la politique. Il montre que la politique peut se nourrir de poésie, de délicatesse. Aujourd’hui, le mouvement n’est pas mort, c’est un réseau qui met en relation les uns et les autres, qui permet de faire tourner les inspirations, de construire de nouveaux projets. C’est très ressourçant.

Ce dernier album est aussi tribal que tripal. On a l’impression que vos chansons sortent du ventre pour embrasser l’univers…

J’aime revenir à la source, la nourrir, lui donner de l’attention. La voix est notre nature première, notre argile, notre terre commune. Ne dit-on pas d’ailleurs que l’on a une nature de voix ? J’aime bien jouer avec mon timbre de voix, mais j’aime faire moi-même organiquement les effets. C’est plus amusant. Et lorsque j’invite des instruments électros, comme le moog dans mon dernier album c’est parce qu’ils vibrent comme un cœur qui bat.

Je voulais faire un disque protestataire
Je voulais dire Non
Et voilà que je dis OUÏ
Dans OUÏ il y a tout
la rondeur du O
l’ouverture du U
la droiture du Ï
Tout ce que je souhaite
dire, être et devenir
Aucun obstacle
au chant des voyelles
au battement du coeur
du OU au Ï
de l’obscurité à la lumière
du grave à l’aïgu
de la terre aux nues
du tambour à la voix
de lui à moi
Et au bout du labeur
le Ï tout OUÏ
et ses deux poings
levés vers le ciel.

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