Au sein de la clinique psychiatrique Caradoc à Bayonne, les participants à l’atelier hebdomadaire de jardinage découvrent les bienfaits de la nature et réapprennent à prendre leur temps.
Il est 9 h 30. Une marche silencieuse s’ouvre depuis le perron de la clinique psychiatrique Caradoc, à Bayonne. Laurent Bernays mène le pas, suivi par une poignée d’autres. Comme tous les vendredis, il fait le tour du château abritant la clinique avec les patients de l’hôpital de jour inscrits à cet atelier thérapeutique. Dans ce vaste jardin qui accueille entre autres de nombreux arbres centenaires et rosiers anciens, le silence n’est rompu que par les sons environnants : le crépitement des feuilles sous les pieds, le bruit des vêtements effleurant les herbes hautes, le chant des oiseaux, le vrombissement de la ville, au loin.
De longs bambous hauts de plusieurs mètres bordent chaque côté de l’allée menant au fond du jardin. Laurent s’arrête, puis secoue légèrement l’une de ces tiges majestueuses, laissant les gouttes de pluie accumulées se disperser à travers les feuillages, jusqu’au sol, en un doux bruissement. Alexandra lève les bras au ciel et ouvre les mains pour sentir les gouttelettes d’eau sur ses paumes.
Silence, ça pousse !
Arrivés derrière le château, où l’infirmier psychiatrique Cédric Le Guen les attend, les participants s’installent sur les marches en béton menant au petit potager qu’ils ont créé. Au tintement du bol tibétain qu’a apporté Laurent, la méditation continue. Chacun est invité à fermer les yeux et à rester en contact avec les sons alentour, avec ses sensations corporelles, avec la fraîcheur des marches, avec sa respiration.
Le léger gong résonne à nouveau quelques minutes plus tard pour mettre fin à la méditation. On s’apaise, juste parce qu’on se pose ainsi, rappelle Laurent. Ici, il n’est pas question de courir dans tous les sens pour réaliser une tâche, mais plutôt d’apprendre à ralentir et trouver un espace d’expérimentation pour toucher à notre sensibilité, explique-t-il. On cultive des légumes, mais aussi une manière d’être au monde. En cela, la pédagogie de Laurent (liée à la « permathérapie », la permaculture appliquée à la santé) est très éloignée de celle d’autres jardins thérapeutiques, souvent plus tournés vers le résultat perceptible. Prendre le temps de cultiver, de chouchouter son jardin permet d’accepter qu’il faut aussi du temps pour se soigner, abonde Cédric.
Il n’y a qu’une seule fraise qui n’a pas été mangée par les oiseaux, constate Noura qui observe avec Alexandra l’évolution des fruits et légumes récemment plantés. Il faut qu’on trouve un filet, suggère-t-elle. Cela pourra peut-être être fait lors d’un prochain atelier. Mais aujourd’hui, Laurent propose au groupe de six personnes (divisé en deux en raison des conditions sanitaires) de déplacer de grands bambous qui ont été coupés. On est exploités !, plaisante Laure.
Stéphane et Alexandra s’y collent, tandis que Hugues et Noura décident de s’attaquer aux rosiers qui ont besoin d’être taillés. Certains de ces rosiers sont là depuis le XIXᵉ siècle, explique Noura qui a pris l’habitude avec Hugues de s’en occuper, depuis qu’ils ont commencé à venir à l’atelier il y a trois ans environ.
Un large sourire éclaire le visage de Hugues, brandissant un bouquet de roses aux teintes variées, du fuchsia au rose pâle, qu’il s’apprête à distribuer. Quand je suis arrivé, j’étais très mal, se rappelle-t-il. On s’occupe beaucoup de nous quand on est malade. Là, dans le jardin, on devient acteur aussi. Ce n’est pas grand chose mais ça aide à se sentir vivre. Et c’est bien l’objectif du jardin thérapeutique, confirme le Dr Masse, psychiatre coordinateur. L’enjeu, c’est que le patient devienne l’acteur principal de ses soins et se permette un autre destin que celui qu’impose la maladie. On l’aide à découvrir les capacités qu’il a en lui. Laure, qui est arrivée il y a deux ans, a elle aussi constaté une évolution : Je me suis sociabilisée, résume-t-elle. Au départ, lors des ateliers, je ne voulais parler à personne ! lance-t-elle en riant.
10 h 30. Les premiers patients quittent progressivement les lieux pour laisser la place au second groupe. Muriel est l’une des premières à arriver. Elle est aussi l’une des premières à avoir planté des légumes dans ce jardin, dès 2016, à sa création. Laurent arrivait avec ses brouettes roses et tout son matériel et on se demandait où on allait planter ! se souvient-elle.
Muriel et ses trois équipières du jour, Sylvie, Viviane et Sylvie démarrent elles aussi l’atelier en méditant, avant de désherber l’espace où se trouvent notamment les framboisiers et la verveine citronnée. Viviane arrache le liseron et les autres plantes invasives avec vigueur. Ce matin, je n’avais pas trop la frite et ça me fait du bien d’être ici. Ça m’évite de gamberger dans mon mental, sourit-elle.
Puis, après une courte pause-café, direction l’un des rosiers les plus anciens du jardin. Une belle rose blanche aux nombreux pétales sort la tête des ronces. Une belle surprise pour les apprentis jardiniers : le rosier centenaire, chahuté par les éléments et dont un seul des pieds cabossés a résisté, n’avait jamais fleuri depuis que les ateliers ont été mis en place il y a cinq ans. Observer cette fleur est l’occasion pour le groupe d’opérer un parallèle entre l’Homme et la Nature. Peut-on vraiment guérir ? Ou parle-t-on aussi de résilience ? demande Muriel. Comme ce rosier, on a beaucoup plus de ressources que ce que l’on croit, répond Sylvie. Cette novice des ateliers a déjà constaté le bien-être que lui procure le jardinage. Elle lâche avec joie : Quand j’ai planté les choux, j’ai ressenti la terre dans mes mains et dans mon corps. C’était bizarre mais tellement agréable !
Super démarche complètement dans l’esprit du jardinage à mon sens, pour se retrouver sereinement au contact de la nature. Merci pour ce partage!
J’ai beaucoup aimé votre article sur le jardin thérapeutique de Caradoc !
Je voulais vous signaler aussi une association « oihaneki » et un centre équestre qui pratique l’équithérapie en pleine forêt à Jatxou pour des publics fragiles et handicapés de tous âges ! Je pratique l’équithérapie là et c’est super !
Email : oihaneki.asso@gmail.com
Merci beaucoup pour cette information 🙂
Je trouve que c’est un projet merveilleux. La terre, dans son contact, apaise. Il mérite d’être développé partout en France. Et puis c’est complètement en accord aves la permaculture qui n’est pas seulement une façon de cultiver un jardin, mais aussi une façon d’être avec l’univers, avec les autres et avec soi-même. Le temps méditatif est tout à fait approprié. Bravo!
Fabuleux ce que transmet Laurent Bernays. Son enseignement mêlant méditation et permaculture est le fruit d’une longue expérience. Son ensemencement va bien au delà de cette clinique . C’est tous les habitants des Hauts de Bayonne et au delà (grâce aux réseaux sociaux) qui aujourd’hui bénéficient de son aura. Mais c’est son humilité qui me touche le plus.
Ikus arte nire lagun (à bientôt mon ami)