Entre le moulin et la boulangerie, il n’y a pas un kilomètre. Au cœur du pays cathare, le fournil du pays de Sault pétrit dans les traditions de la boulangerie et de la meunerie.
Je suis allé voir le levain, il est un peu enrhumé, prévient Mathieu Catteau en ouvrant la porte de sa boulangerie artisanale à Espezel, petit village du pays cathare. On imagine la boule de pâte la goutte au nez, fiévreuse, tremblante sous une couverture de lin. Tout est plus lent quand il fait froid à l’extérieur, le levain prend son temps. Il va falloir encore attendre une heure avant de lancer le pétrissage. C’est vrai qu’ici, à 1000 mètres d’altitude, l’automne est arrivé d’un coup. Comme chaque année, les paysans prédisent les premières neiges pour la Toussaint.
À l’intérieur du fournil installé dans le village depuis de longues années, la chaleur est douce, enveloppante, sans doute grâce à l’omniprésence du bois, de matériaux bruts exempts de produits chimiques et du four à gueulard qui, tous les soirs, fait chanter la mie d’au moins une quarantaine de pains. Le levain ça te prépare à avoir des enfants, poursuit Mathieu, il faut aller le voir tout le temps, le maintenir à 25 °C et plus. Il est 15 h, bébé est réveillé et en pleine forme : le sacro-saint mélange d’eau et de farine de seigle entretenu depuis 1992 est enfin prêt. Sa mousse est bombée, son pH ne dépasse pas 4, son goût sur le bout de la langue est légèrement acide. Parfait.
Et au milieu coule une rivière
Mathieu sort des grands sacs de farine fabriquée ici dans le village et fait tomber la poudre blanche dans son pétrin de bois à l’ancienne. Il l’a rehaussé avec plusieurs étages de briques pour lui permettre, du haut de ses 1,90 mètres, de pétrir sans se briser le dos. On imagine toujours que le pétrissage à la main donne des biceps de culturistes, en vrai ce n’est pas si physique. L’exercice est en tous cas précis, sensible et méditatif. Le boulanger commence par créer un fossé central dans sa montagne de farine et y déverse l’eau, le levain et le sel. Puis, avec une gestuelle à fois ferme et délicate, il rabat la préparation de l’extérieur vers l’intérieur du pétrin. Le ballet de ses mains se répète pendant cinquante minutes, jusqu’à ce que la pâte atteigne la bonne forme et la température idéale. De ses mouvements, se dégage une certaine sensualité. Une certaine sérénité aussi. Je suis un ingrédient, philosophe Mathieu, j’y mets mon attention et mon énergie. Si je suis en colère le pain sort moins bien.
À quelque 300 mètres de là, un autre ingrédient fait aussi partie de la recette. Il s’appelle Michel-Carol Patin et est à l’origine du fournil mais aussi du principal composant du pain. Dans sa minoterie du Pays de Sault achetée en 2013 à l’ancien meunier Rolland, il fabrique de la farine à partir de céréales anciennes. Avant ce n’étaient que les miennes, aujourd’hui j’en achète 90 % à l’extérieur, confie l’agriculteur en bio depuis 1986, originaire du Nord. La conversion de la céréale en farine s’opère grâce à des moulins à la meule de pierre. Ces machines ne broient pas le grain mais le poncent. Le mécanisme des moulins Astrié est précis et lent pour ne pas dénaturer la graine. Il faut 5 heures pour obtenir 80 kilos de farine, précise Michel-Carol. Le meunier peut aller dormir. Les machines ronronnent et remplissent les sacs de farine. Dans la minoterie, tout est réglé comme du papier à musique. Tempo largo.
Avant ses deux ans de boulangerie à l’ancienne, la route a été sinueuse pour Mathieu qui a dû essuyer quelques orages. Pour arriver jusqu’à Espezel, le trentenaire a parcouru plus de 1000 kilomètres du nord au sud et autant dans sa tête. Il est passé en quelques années de technicien R&D dans l’agroalimentaire dans les Hauts-de-France à boulanger-artisan dans un village cathare de 200 habitants. Aujourd’hui, je me sens dans le vrai, dans le juste. J’ai l’impression de jouer un rôle dans ce monde. Michel-Carol qui l’a embarqué dans cette aventure est aussi fier de ce qu’il a réussi à monter. Le bio c’est un projet global, une agriculture de partage qui s’inscrit dans la grande tradition de l’amour de la terre. On travaille dans la durée, on transmet…
Il est bientôt minuit et la cadence s’accélère du côté de Mathieu qui peut enfin lancer la cuisson de ses pâtons dans son four à bois. La dernière étape est aussi simple que technique, il faut gérer la cuisson d’un four qui n’a pas de thermostat. Dans vingt minutes, voire trois quarts d’heure pour les plus grosses pièces, tout sera terminé, les pains seront croustillants, la mie tendre et parfumée. Après une nuit à refroidir, ils seront vendus le lendemain matin. Pendant ce temps-là, le levain commencera sa pousse, se mêlera à l’eau et la farine, et s’enrhumera s’il fait encore un peu froid.
Salut
Je le reconnais ce pétrin! Pour 40kg de pâte il convient bien. J’y mets un peu plus que la farine nécessaire, préserve un tas d’un coté, incorpore la plus grosse partie, en 1/4 d’heure, fait une pause d’autant et reprends pour ajuster la fermeté. Pas de mesure d’hydratation mais pâte souple au final. Peu de pointage pour ma part.
40 pains dans le four de 10m2, c’est pas l’optimum…
Je ne sais pas ce que deviennent les fours d’Havrincourt mais on peut en démonter un pour en faire un plus adapté à la quantité…
à suivre
Le pétrin est mal adapté lors des grosses pétrissées, du coup çà devient galère et çà dure… 50min… Il faut vite que je corrige çà, j’ai les plans du grand frère 😉
Cf cette vidéo ( 7 minutes 30) par exemple de pétrissage :
https://www.youtube.com/watch?v=LvGkmDRQ2yM
Non décidément 50 minutes c’est beaucoup trop long …
A voir ce que ça donnera avec le grand frère !
C’est sûr que si le pétrin est pas exactement adapté, ça peut prendre plus longtemps …
Mais ceci étant, quand je vois les vidéos de pétrissage manuel sur farines de blés anciens , de Nicolas Supiot par exemple, même sur grosse quantités, ça n’a pas l’aire de durer 50 minutes loin de là ! Plus on pétrit longtemps, plus on favorise le gluten entre autres …alors que le pétrissage « classique » peut en grande partie être remplacé par un pointage long ( au froid ) , auquel cas c’est le levain qui fait le boulot ! C’est en tous cas ce que j’ai appris …
Super article !
Juste une coquille ( peut être ?) , sur les 50 minutes de pétrissage .
Même à la main, cela semble considérable ! Sauf s’il y a des temps de repos dans les 50 minutes ?
Un ancien stagiaire de Cucugnan (les Maitres de mon Moulin)
Non non c’est bien ça, c’est long !