Ce n’est pas pour rien qu’on l’appelle le Roi des fromages. Sur l’échelle des pâtes dures italiennes, le parmesan Reggiano se situe clairement en haut des marches. Et le Reggiano di Beduzzo, produit dans les montagnes à plus de 1000 mètres d’altitude, culmine au zénith.
Vous savez lire l’avenir dans le marc de café ? Que diriez-vous de raconter la vie d’un fromage sur sa croûte ? Tenez, prenez un bon morceau de parmesan Reggiano di Beduzzo, une loupe et un dictionnaire. Tout autour de la meule, vous ne pourrez passer à côté de la mention « Parmigiano-Reggiano » apposée en pointillés et répétée sur toute la circonférence. Cela signifie que votre fromage n’est pas un vulgaire Grana padano mais a bien reçu l’appellation d’origine protégée qui encadre non seulement son aire de production mais aussi les modes de pâturage, d’élevage et de fabrication autorisés. D’ailleurs, les trois lettres de qualité (DOP) sont gravées à l’horizontale pour qui voudrait l’oublier.
Approchez-vous de plus près, vous trouverez le matricule de la fromagerie ainsi que le mois et l’année de production. Ici, Latteria Sociale di Beduzzo Inferiore à Corniglio qui, chaque jour collecte le lait de 9 éleveurs voisins qu’elle transforme en parmesan à moins de 50 kilomètres de Parme. Enfin, un code alphanumérique permet d’identifier chaque fromage.
Vous aimeriez en savoir plus sur votre morceau de fromage ? L’éleveur Luca Ruffini, l’un des personnages principaux de la Latteria Sociale di Beduzzo est intarissable. Notre laiterie est née en 1850 dans les montagnes de l’actuel Parc national dell Appenino Tosco-Emiliano. À plus de 1000 mètres d’altitude, neuf éleveurs apportent chaque jour leur lait. Certains ont un troupeau de 7 vaches, d’autres 100 mais tous respectent les normes de l’AOP, notamment celles d’une alimentation faite uniquement d’herbes et de fourrages locaux (l’ensilage est proscrit). Au total, le cheptel partagé ne dépasse pas les 400 bêtes, on reste dans une dimension artisanale, précise Luca. Ainsi, chaque jour 7000 litres de lait arrivent à Corniglio, ce qui correspond plus ou moins à la production d’une grande étable industrielle de 300 vaches.
Le lait est utilisé à l'état naturel, sans additifs ni traitements.
À la Latteria Sociale di Beduzzo, le lait entier arrive le matin et est déversé dans 8 chaudières coniques en cuivre. Sérum et présure de veau permettent d’obtenir le caillé, que les fromagers cassent avec une sorte de fouet de cuisine géant que l’on appelle ici le spino. Suit alors une phase de cuisson d’environ une heure à moins de 53°C. Le pré-fromage est alors égoutté, enroulé dans un chiffon puis placé dans un moule. Après quelques jours, les moules de fromage sont immergés dans une solution salée pendant 21 jours. Cette phase aquatique permet au fromage de former une croûte dure le plus rapidement possible et d’entrer officiellement dans le monde des parmesans.
Cathédrale fromagère
Lorsque Luca dévoile la salle d’affinage de la Latteria, les curieux en prennent plein les mirettes. 3 500 meules de fromages sont posées sur des étagères en bois de 15 mètres de haut. Certaines n’ont que quelques mois, d’autres presque 4 ans. Ici, tous les deux jours, les meules sont tournées et brossées avec une machine spéciale. Après plus de 12 mois d’affinage, les meules sont contrôlées d’abord par les fromagers eux-mêmes, à l’aide d’un petit marteau puis par les inspecteurs du Consortium du Parmigiano Reggiano et leurs appareils électriques modernes, qui décideront si les fromages méritent la marque déposée de l’AOP.
Un de mes objectifs est de produire un fromage de très haute qualité à un prix abordable pour tous, explique Luca. Objectif doublement atteint : son parmesan arbore non seulement le sceau de qualité mais abrite en plus sous sa croûte toute l’histoire d’un terroir magnifique et sauvage.
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