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Jeunes loups de mer

Nage avec les loups

Comment élève-t-on des loups ? Sur une île, pardi ! Et des loups bio, de préférence… Immersion à la ferme aquacole de l’archipel du Frioul, à 3 miles nautiques de Marseille.

@_mirsa_

Je dois amener mes enfants à l’école, on peut se retrouver sur la vedette ?

 Ah bon, parce qu’il n’ y a pas d’école sur l’île ?

Non, c’est un peu le bout du monde… Il n’y a que des poissons !

Ainsi est pris le rendez-vous avec Aurélien Bergeron, qui gère l’exploitation Provence Aquaculture avec Fanny Stabholz depuis 2011. Nous nous retrouvons donc sur la vedette qui assure la liaison quotidienne entre les îles du Frioul et le Vieux-Port de Marseille, au milieu d’un flot de touristes.

Pendant la traversée, Aurélien explique comment il en est venu, avec Fanny, à vivre et travailler sur cette île qui ne compte guère plus de 150 habitants en hiver et accueille 3000 passagers par jour l’été. On s’est rencontrés avec Fanny en stage à la ferme aquacole du Frioul, fondée par Emmanuel Briquet en 1989, raconte-t-il. On travaillait pour lui depuis cinq ou six ans quand on a racheté la société. Désormais, les deux exploitants se répartissent les activités de leur société Provence Aquaculture qui emploie quatre à cinq salariés à l’année.

@_mirsa_

Un habitat en forme de cages flottantes

Pour atteindre la ferme, il faut traverser la digue Berry qui relie l’île Pomègues à celle de Ratonneau, puis marcher une vingtaine de minutes sur un chemin creusé dans la colline. Le paysage est aride. Rien ne pousse sur cette terre calcaire terrassée par les vents sinon quelques pins parasols qui s’accrochent à la roche pour résister au mistral. La trentaine de cages qui constitue le parc apparaît soudain, posée au milieu d’une anse naturelle. C’est ici que vivent les loups, nourris et soignés sous l’œil vigilant des pisciculteurs.

Notre métier est de faire grossir les poissons, explique Aurélien. On achète des alevins de 10 à 15 grammes qui sont mis à l’eau en juin. Puis nous les nourrissons jusqu’à ce qu’ils atteignent un poids de 400 grammes – ce qui prend environ deux ans et demi. En effet, la vitesse de la croissance dépend de la température de l’eau. L’optimum thermique permettant la conversion de l’aliment en chair se situe autour de 23 °C, reprend l’aquaculteur. En hiver, les poissons ne grossissent pas.

Aurélien par ©Aurélie Thépaut

La nageoire vive et l’écaille brillante

Nous faisons le tour du parc en bateau à moteur. C’est l’heure du repas pour les loups : ça sautille, ça éclabousse, ça frémit à la surface de l’eau. Tous sont nourris à la main chaque jour. Pour observer leur comportement, les aquaculteurs n’hésitent pas à plonger en apnée dans les cages afin de ne pas les effrayer. Une fois par mois, les poissons sont pesés afin d’ajuster leur nourriture. Contrairement à l’alimentation d’un poisson sauvage, l’élevage permet un total contrôle de ce que mange le poisson et de la manière dont il grossit.

La ferme aquacole du Frioul est la première à se lancer dans l’élevage bio, en 2002. À quoi reconnaît-on un loup bio ? À son apparence, d’abord. Ses nageoires ressemblent à de vraies nageoires, son aspect est celui d’un poisson sauvage, assure Aurélien. À l’inverse, certains poissons d’élevage n’ont même plus d’écailles... À sa chair, ensuite, plus ferme. La croissance par paliers liée aux variations de température de l’eau lui permet de se reposer en hiver. Le poisson élevé selon le cahier des charges de la bio est moins performant que celui élevé en conventionnel car il grossit moins vite. Mais il est aussi moins gras.

La différence entre le poisson d'élevage bio et conventionnel est la même qu'entre des poulets élevés en plein champ et des poulets de batterie.

L’alimentation fournie à ces poissons contient 42 % minimum de farine de poissons non destinés à la consommation humaine. Le reste est composé de produits végétaux, vitamines et minéraux. En outre, le bien-être animal est pris en compte. La différence entre le poisson d’élevage bio et conventionnel est la même qu’entre des poulets élevés en plein champ et des poulets de batterie, estime Aurélien. Ainsi, ses loups bénéficient de deux à trois fois plus d’espace pour nager que ceux d’un élevage conventionnel.

©Aurélie Thépaut

Une alternative durable à la surpêche

La capacité de production de Provence Aquaculture s’établit à 60 tonnes par an maximum. La capacité maximale de production est calculée par rapport à la capacité du milieu à retrouver, au bout d’un an, son état initial, explique Aurélien. En effet, ce type d’élevage n’est pas sans impact sur l’environnement en raison du rejet des poissons dans la mer. Pourtant, l’aquaculture figure comme une bonne alternative à la surpêche et à la raréfaction de la ressource. D’autant plus que la fabrication des aliments pour poisson a fait l’objet de nombreuses avancées pour sa préservation.

Il y a dix ou quinze ans, il fallait 10 kilos d’aliments pour produire 1 kilo de poisson, affirme Aurélien. Aujourd’hui, 2,5 kilos d’aliments suffisent. 2,5 kilos d’aliments contenant 42 % de farine de poisson, si l’on fait le calcul, correspondent à un ratio de 1 poisson « gâché » impropre à la consommation humaine pour 1 poisson élevé, qu’on retrouve tout beau et tout frais sur les étals. Une belle transformation, non ?

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