Qui se lève pour le navet ? Quelle nation en a fait son étendard ? Quel chevalier l’a gravé sur son blason ? À ces questions, toujours résonnera le grand vide, puisque modeste et effacée la triste racine n’intéresse personne.
DÉFAUTS DE FABRIQUE | AVANTAGES AVANTAGEUX |
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On dit que c’est fade | Tellement bon |
On dit que ça a mauvais goût | Ah cette saveur si pénétrante |
Les enfants n’aiment pas | Et quelle belle couleur aussi |
Les grands non plus | Aussi beau dedans que dehors |
En fait, tout le monde s’en f… | Ne coûte quasiment rien |
Choix/Retour de courses
Si le navet « nouveau » de printemps arbore ses belles fanes vertes et signe de sa fraîcheur, le bon gros navet d’hiver n’a que sa couleur violette comme lettre de recommandation. Alors donc, son violet doit être bien violet, sa peau intacte et, soupesé, il doit paraître dense, surtout pas léger. En effet, avec le temps, le navet se creuse, devient caverneux et surtout développe des saveurs âcres tout à fait inadmissibles.
La santé, c’est le silence des organes
Le navet est assez généreux en micronutriments mais aussi en fibres toujours bienvenues et acclamées par votre si superbe et délicat intestin. À noter aussi que le navet, s’il n’est pas confit à la graisse d’oie, est un des légumes les plus légers du marché. Compte tenu des kilos que vous avez pris cette année et de la forme en barrique que vous imitez avec tant de talent (pas autant que moi j’espère), pensez au navet : sain, bon, léger…
Un peu de culture sur la culture
Comme la littérature le souligne assez bien, explicitement, ou en creux, le navet a toujours eu un peu de mal à être classé puisqu’il fait partie de la famille des chou brassica sans en partager les caractéristiques, son hybride le chou-rave excepté bien entendu. Un temps, les auteurs ont considéré que l’ancêtre du navet semblait être une sorte de colza sauvage, remarqué, acclimaté puis cultivé pour ses graines oléagineuses mais dont la racine, frêle, n’avait encore rien à voir avec notre généreux navet.
Puis on finit par retrouver la trace d’un autre légume plus proche encore, originaire du nord de l’Europe annoté par Carl von Linné Brassica Campestris, plante spontanée remarquée dans la seconde moitié du XIXᵉ siècle en Bretagne mais dont la racine, même après plusieurs sélections, ne dépassait pas le diamètre d’un doigt… D’où vient notre moderne navet alors, si charnu et si gros ? D’une monstruosité héréditaire soigneusement conservée et augmentée par la sélection, déclare Gibault qui cite Brassica Napus ou « navette », dont le feuillage et les graines atrophiées laissaient toute la vigueur de la plante profiter à la racine…
Les conseils synoptiques et avisés
Cuissons | Découpes | Affinités | Coup de pouce |
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Pas de cuisson (que pour les navets nouveaux) | Tranches fines ou très fins bâtonnets | Les vinaigrettes sans moutardes de préférence avec des vinaigres droits comme ceux de vin ou de Xérès, de riz | Il faut vraiment choisir des navets ultra nouveaux et super frais, sinon, aieee caramba quelle horreur… |
Bouillie (mais pas tout seul quand même, sinon, quelle punition) | Entier ou coupé en deux, il garde mieux sa saveur ainsi | Vraiment pas grand-chose, on parle ici du navet cuit avec le pot au feu, la poule au pot : du gros sel suffira | Selon le marché, tentez de panacher au moins deux variétés de navets, c’est plus amusant |
Cocotte (pas tout seul, avec une pièce de viande ou volaille) | Coupé en quartiers, au moins sinon la cuisson sera trop longue | Le canard, la pintade, l’oie, la dinde, vous voyez le navet n’est pas sectaire | A ajouter blanchi à l’eau salée, autour de la volaille au cours du premier tiers de la cuisson. On fait dorer un peu puis on laisse cuire au jus |
Vapeur | Entier pour les petits, en quarts ou moitiés pour les plus gros | L’huile d’olive, le curry, les épices indienne, la crème fraîche, le fromage blanc, la ciboulette, le piment, les huiles de courge, d’olive… | Cuisson pas trop longue pour obtenir une texture al dente, puis assaisonnements à disperser sur les navets tièdes |
Les préceptes définitifs et incontournables
Le vieux navet creux est la lanterne rouge du règne végétal. C’est sans doute vrai : il suffit de mastiquer sa chair filandreuse et rustre pour s’en convaincre.
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Photos : Guillaume Czerw, stylisme Sophie Dupuis, 180°C
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