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Solidarité sans frontière

Le Recho, du cœur dans les épinards des réfugiés

À moins de 10 km de Dunkerque, dans le camp de migrants de la commune de Grande-Synthe, dix filles en foodtruck nourrissent et unissent les réfugiés avec leur cuisine généreuse concoctée avec les invendus des supermarchés. Visite.

A Grande Synthe, 740 réfugiés attendent de rejoindre l'Angleterre.

À deux pas de l’A16, l’autoroute qui file direct à Calais, un panneau indique sobrement « aire des gens du voyage ». Quel voyage ! Une voiture de police campe devant une grande allée. On aperçoit au loin des cabanes en bois bien rangées dont certaines façades ont été colorées. Des hommes déambulent sur ce sol fraîchement stabilisé. S’il n’y avait pas l’autoroute d’un côté, la voie ferrée de l’autre et derrière une forêt de pylônes électriques, on pourrait presque croire à une enfilade de cabanes de plage. Mais ici, à la Linière, premier camp humanitaire construit selon les normes de l’ONU, ce n’est pas pour changer de tenue que Berzan, Helgurd ou Niyan se sont retrouvés. Plutôt pour changer de vie. Pour fuir leur pays et rejoindre l’Angleterre. Enfin.

Ici, la vie s'organise. Une petite cité se créé.

Devant chaque baraque de 6 m2, de petits braseros laissent échapper leur fumée. Ici et là, des drapeaux rouge/blanc/vert flottent au vent. « Au camp de Grande Synthe, plus de 80% de la population est kurde, » explique Sylvie, figure locale d’Emmaüs qui, depuis de très nombreuses années, vient en aide aux migrants.

Erigé par Médecins Sans Frontières (MSF), porté par un maire missionnaire-visionnaire, le camp de Grande Synthe a ouvert au printemps 2016.

En cette fin du mois d’août, un nouvel élément vient s’ajouter au décor. Un foodtruck immaculé au doux nom de Recho (pour Refuge, chaleur et optimisme) s’est installé près de la salle communautaire. À l’intérieur, Vanessa, Elodie, Marie, Gabrielle et Damien Carême, le maire de la ville, distribuent les 150 repas préparés le matin-même dans les cuisines du théâtre de la cité avec un sourire qui semble ne jamais vouloir les quitter. Les hommes font la queue, récupèrent les déjeuners pour un, deux ou sept réfugiés. Personne ne leur demande des comptes, ce n’est pas l’idée. Le Recho est fait pour donner, réconforter.

« Notre désir est simple, nous pensons que la cuisine est un moyen privilégié pour recréer un trait d’union entre les hommes, » expliquent les deux cheffes, Vanessa Kryceve et Elodie Hué, à l’origine du projet. « C’est un générateur de plaisir : on se met au service les uns des autres pour s’offrir et partager de la joie, des instants de bonheur. » Et de reprendre humblement les dires de Mère Térésa : « Nous réalisons que ce que nous accomplissons n’est qu’une goutte dans l’océan, mais si elle n’existait pas dans l’océan, elle manquerait ».

On cuisine vegan parce que c’est la cuisine que l’on défend, parce qu’elle n’a pas de religion, explique Vanessa.

Depuis le début de l’aventure, la goutte d’eau portée par les dix belles femmes de l’association s’irise au contact des associations locales qui œuvrent dans la région depuis un bon nombre d’années. Car sur le camp, tout est parfaitement organisé. Médecins Sans Frontières a pensé, construit et financé ce lieu dont l’État ne voulait pas et gère aujourd’hui les questions médicales, l’Afeji se charge du fonctionnement et de l’entretien des sanitaires, la logistique et la sécurité des lieux est confiée à Utopia 56 cofondée par le Breton Yann Manzi, figure notoire du festival des Vieilles Charrues. Et la popote ? Ce sont une quinzaine de réfugiés, des ONG allemandes et anglaises et tout un tas d’associations locales qui l’ont prise en main. Dans la cantine centrale où, pour faire chauffer de l’eau, il faut couper du bois, ils cuisinent chaque jour les plats des migrants accueillis sur le camp.

Pendant dix jours, Vanessa et son équipe offrent une soupape aux cuisiniers. Chaque matin, pour préparer les repas, elles se lèvent tôt. Sur le pont dès potron-minet, elles accueillent une quinzaine de bénévoles dans les coulisses du théâtre. «  On travaille de 6 à 23 heures, on est sur les réserves, confie Vanessa. Mais l’aventure nous donne une énergie incroyable. »

Brigade bénévole

En cette troisième journée du Recho, la brigade éphémère forme une belle brochette. Sylvie et Marion sont venues de Bruxelles et ont épluché les pommes de terre. Josette a trié les légumes fraîchement débarqués par les deux camions d’Emmaüs, invendus des magasins Auchan voisins. Bénévole depuis des années pour l’association Salam créée à la fermeture de Sangatte, elle n’en est pas à son premier coup d’essai. « On a installé les douches sur le camp, on a mis des containers de vêtements. Maintenant on cuisine 4 fois par semaine dans un local prêté par l’église de Grande Synthe. »

Parmi les marmitons, il y a aussi Marine Tondelier, élue d’opposition à Hénin-Beaumont, des membres de l’association Afrik pour le développement humain et la protection de l’environnement et Sven qui a connu le Recho par Facebook. « Je suis là pendant les 10 jours pour aller vers un monde meilleur. Je sais, ça fait un peu illuminé de dire ça, mais me confronter à la réalité pour me rendre compte des choses est la voie que j’ai choisie pour agir à mon échelle. »

Après Grande-Synthe, le foodtruck poursuivra sa route sur les camps de Belgique, d’Allemagne, de Grèce ou du Danemark. Et pourquoi pas à Beyrouth, Istanbul ou Al Zaatari en Jordanie.
Mobilisation générale pour préparer les repas des réfugiés.

« Le projet du Recho est un projet humain comme j’en ai rarement vu, se félicite le maire qui est là presque chaque matin pour aider aux fourneaux. Il est solidaire, éthique, lutte contre le gaspillage alimentaire et implique les habitants, les associations ». Totalement emballé, l’élu passe dès qu’il peut mettre la main à la pâte. « Il faut dire que les dix femmes du Recho sont jeunes et jolies », s’amuse Sylvie, baroudeuse de l’humanitaire, ravie de voir arriver la relève.

L’après-midi, le Recho descend du camion pour installer des ateliers-cuisine au cœur du camp. Des planches à découper sont distribuées aux réfugiés pour préparer tous ensemble le repas du soir. Au début, quelques personnes arrivent timidement, puis d’autres les rejoignent. En quelques heures, l’ambiance se détend. Ça rit, ça chante, ça échange dans un anglais approximatif ou dans la langue des mimes. Pas de doute, la cuisine adoucit les mœurs.

Vers 20 heures, tout est enfin prêt. Un grand dîner de chef pour 450 convives est proposé. Chacun est libre de l’emporter chez soi ou de s’installer à la grande table commune pour le partager sous les étoiles.

« Quand tu vis ces moments-là, tu te retiens de chialer », confie Sven. Aujourd’hui comme hier, certains réfugiés manqueront à l’appel. Cachés sous une bâche ou sur le toit d’un train, ils atteindront peut-être demain l’autre rive. Celle du cheddar et du fish and chips.

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Pour poursuivre sa route, le Recho a besoin de l’aide de tous sur HelloAsso. Camille Cottin, Kyan Khojandi, Radu Milhaileanu, Christien Estebech, Ruben Sarfati, Antoine de Caunes et bien d’autres soutiennent l’initiative. Et vous ?

4 commentaires

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  1. On s’en fout qu’elles soient jeunes et jolies les cuisinières nan ? Elles seraient petites et moches que l’aventure et le projet seraient tout aussi chouettes. Mais je note qu’il y a zéro mec derrière les fourneaux même pas un mal foutu. Et monsieur le maire il est beau gosse ou pas ?
    Dommage l’article est par ailleurs interessant et enthousiasmant

  2. j’ai adoré cet élan de générosité. Comment participer à cette expérience ? J’espère pouvoir un jour me joindre à une équipe dans mon département la seine et marne (proche de Melun).

  3. Bonjour,
    Super cet article, ce travail ensemble, cette solidarité, toute la joie que cela donner aux uns et aux autres, cela donne envie d’y participer…comment ??

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