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De la vie à l'intérieur

Le levain, matière fascinante

En cette période de confinement, cuisiniers amateurs et boulangers du dimanche (re)découvrent l’art d’élever un levain, pour concocter du pain maison, savoureux et nutritif. Pourquoi cette matière vivante nous captive-t-elle ?

Nous avons commencé à faire du pain avec de la levure de boulanger, pour éviter de sortir trop souvent. Et puis, pour faire les choses bien et pour obtenir un meilleur pain, on a lancé un levain la semaine dernière ! Il grossit bien, il a une bonne odeur un peu aigre, on est contents !, raconte Léonore, Grenobloise de 28 ans. Faire pousser quelque chose, voir grandir ce levain, imaginer toutes les bactéries… C’est plus marrant qu’une plante verte !, ajoute Timothée, son compagnon, qui, chaque jour, observe attentivement les évolutions de leur petit protégé. Les circonstances actuelles poussent des férus de bonne nourriture et de fait-maison à se lancer dans la fabrication d’un levain. Bien entretenu, ce mélange de farine et d’eau bulle, se développe et se renforce… Il permet ensuite de faire gonfler le pain. Bien pratique quand la levure de boulanger vient à manquer !

Une matière vivante et imprévisible

Les nouveaux adeptes sont ravis et curieux d’apprendre. Mais, au-delà de cette période particulière, pourquoi est-ce que faire son levain est si fascinant ? On reproduit une technique qui existe depuis des millénaires, pour fabriquer un aliment de base, explique Marie-Claire Frédéric, spécialiste de la fermentation, journaliste, auteure de nombreux livres et du blog Ni Cru Ni Cuit et historienne de l’alimentation. De plus, le levain est un produit vivant. On voit cet ensemble de micro-organismes en activité. On le rafraîchit [on ajoute de l’eau et de la farine, NDLR], et le levain monte, gonfle. Autre aspect passionnant : on utilise seulement quelques ingrédients. On part de presque rien, on entretient un levain, et on prépare du pain avec de la farine, de l’eau et du sel, souligne Cécile Decaux, fondatrice d’Atelier Pain et auteure de Levain (La Plage).

Grâce à ce caractère vivant, faire grandir un levain et le transformer en miche dorée constitue une expérience étonnante. Toute boulange a un aspect magique. On ne sait jamais quelle forme ça va prendre. Ce côté inattendu est encore plus fort avec le levain, explique Owi Owi, auteure du blog de cuisine Owi Owi Fouette-moi, très fourni en excellentes recettes et astuces boulangères. Ce n’est pas une recette classique, avec une pesée, une température… Ce n’est pas de la technique pure. Il faut de l’expérience, de l’observation, de la sensibilité, constate également Marie-Laure Fréchet, journaliste et auteure de l’Encyclopédie du pain maison (Flammarion). Constamment, le levain nous demande des capacités d’ajustement et d’adaptation. On s’apprivoise peu à peu. Il faut s’occuper de cette petite chose. Ce n’est pas une pâte inerte, ajoute-t-elle, rapprochant même ce lien à la notion de « care » (« prendre soin ») anglo-saxon.

Séraphin, Albin, Loulou et les autres

Alimenter quotidiennement son levain avec une dose de farine et d’eau, veiller à ce qu’il n’ait ni trop chaud, ni trop froid, observer sa croissance… Il nécessite en effet des soins réguliers, presque comme un petit animal de compagnie. Ce qui amène à une relation à part, qui n’existe pas avec un bol de bouillon ou une pâte de gâteau au chocolat ! On l’élève, on le nourrit… Il y a tout un vocabulaire très particulier !, observe Marie-Claire Frédéric. Ainsi, un vrai lien se créé. Ce n’est pas un ingrédient industriel. C’est notre création, avec sa personnalité, ses besoins, ses cycles. C’est quelque chose de personnel. On forme une vraie équipe, lui et nous, sans aide extérieure, décrit Owi Owi.

Mieux on s’en occupe, mieux il nous le rend en faisant du bon pain, glisse Cécile Decaux. D’ailleurs, la coutume veut que l’on attribue un prénom à son levain… C’est lié au caractère unique de chaque levain. Cela lui donne son individualité. En effet, en fonction du type de farine, de la mouture, de l’eau, de la température et de tout un tas de paramètres, la composition d’un levain et le goût du pain varient. Mon premier levain s’appelait Gégène, en hommage à la chanson. Ensuite, au fil de mes quelques premiers essais, il y a eu Gégène 1, 2, 3… Aujourd’hui, mon levain a 10 ans. Mais je ne l’appelle plus… Un peu comme les vieux couples !, s’amuse Cécile Decaux.

Patience, patience…

Cette matière unique nous force à la patience. Pour faire de belles et bonnes choses, il faut du temps. Le levain va à son rythme, à la différence de la levure, inventée pour faire gonfler rapidement, souligne Marie-Laure Fréchet. Cela prend du temps de le faire naître et de faire en sorte qu’il soit mature. C’est aussi pour ça que quand il est bien actif, on y tient !, ajoute la journaliste. Pas de précipitation, mais de la persévérance paisible : Ce n’est pas un organisme que l’on dresse pour obéir au doigt et à l’œil, et qui réagit toujours de la même façon ! Je prépare un pain au levain sur deux jours… Il n’y a pas d’horloge, la pâte est prête quand elle est prête. Ce n’est pas contrôlable, pas prévisible, explique Owi Owi.

Autant de fascinantes raisons de lancer un levain. L’idée ce n’est pas d’arrêter d’aller chez le boulanger. Plutôt de se réapproprier la cuisine de tous les jours, note Marie-Laure Fréchet. En période de confinement, cette curiosité pour le levain peut répondre à des besoins très pratiques mais aussi à une plus grande disponibilité. Il faut être là, surtout au début, pour s’en occuper toutes les huit à douze heures, rappelle Marie-Claire Frédéric. Les expertes interviewées observent depuis le début du confinement une croissance exponentielle de la lecture des articles sur le levain, des commentaires et interactions sur ce sujet.

Les ressources ne manquent pas, des plus simples aux plus pointues : il existe une communauté de fans de levain, présents sur des blogs spécialisés ou les réseaux sociaux. En ce moment, il y a un élan de découverte collective. C’est riche, les gens s’épaulent, se refilent des expériences. Cela apporte une certaine dédramatisation : on voit que ce n’est pas une niche, c’est accessible, dit Owi Owi. Et puis, le levain a à voir avec la vie. Entamer un projet, se lancer un défi, cela peut nous porter. C’est de la surprise, du plaisir. Dans ce contexte, ça fait du bien !

Pour se lancer et donner vie aussi :

L’incroyable aventure du levain maison, publié ici-même en 2017, avec les conseils de Cécile Decaux.
Créer un levain (il est né le divin Marvin), sur le blog Owi Owi Fouette-moi.
J’attends un levain, sur le blog Ni cru Ni cuit.
Tuto « Créer son levain » sur le compte Instagram de Marie-Laure Fréchet.

Un commentaire

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  1. Bonjour à vous les abeilles
    Suite à ma lecture ,je serais très intéressée de recevoir ce super levain que je nommerais CHARLIE merci de me donner la marche à suivre good lock je vous aime déjà MERCIIII Joëlle C’RAMIC

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