La première miellerie collective du Pays basque a ouvert ses portes au mois de juin 2021. À Macaye, apiculteurs professionnels et amateurs partagent matériel et connaissances pour adoucir les papilles des locaux.
Depuis déjà plusieurs heures, avec un grand grattoir et des gestes précis, Argitxu Beyrie retire l’opercule de cire qui recouvre les cadres en bois dont le miel est encore à extraire. Les abeilles déposent cette protection pour maintenir à l’abri de l’humidité le nectar doré qu’elles ont concocté. Pour éviter que l’humidité ne s’y infiltre une fois l’opercule enlevé, la salle d’extraction du miel est maintenue au chaud et les portes et fenêtres doivent rester fermées.
Ici ça va, plaisante Éric Kammenthaler, le conjoint et associé d’Argitxu, il ne fait que 27 °C ! L’apiculteur fait référence à la salle d’à côté, la chambre chaude, où sont stockés avant extraction les cadres rectangulaires. Il y fait 33 °C, le taux d’humidité est de 38 % et les hausses (caisses contenant plusieurs cadres) peuvent y rester pendant cinq jours, maximum. C’est ce qui a été décidé, pour permettre un roulement, par la collectivité des apiculteurs qui a créé Etzi Etxea, la première miellerie collective du Pays basque ayant ouvert ses portes à Macaye, au mois de juin 2021.
Mettre en commun
L’idée de créer au Pays basque un lieu collectif où chacun peut venir extraire son miel à divers moments de l’année vient d’Éric. Lui et sa conjointe Argitxu, tous deux anciens archéologues, sont devenus apiculteurs professionnels en 2016. Il a parlé de cette idée de miellerie collective avec une autre apicultrice professionnelle, dès 2019, qui a tout de suite été très enthousiaste. Grâce à l’appui de B.L.E, Biharko Lurraren Elkartea, un organisme qui regroupe les paysans bio du territoire, après l’obtention de divers financements, et grâce à l’implication des membres qui ont notamment réalisé une partie des travaux seuls, le projet est devenu réalité.
Au départ, on était quatre ou cinq. Maintenant, on est 30, sourit Éric, qui espère voir arriver encore plus d’adhérents afin que la miellerie tourne bien. L’objectif initial était surtout de mutualiser des outils et équipements techniques, de manière à ce que les frais soient ainsi supportés par tous les adhérents. Cela permet aussi d’avoir accès financièrement à un lieu adapté, dans de bonnes conditions d’hygiène. Les apiculteurs amateurs disposent rarement d’un lieu dédié, souligne-t-il. À Macaye, les utilisateurs ont à disposition deux extracteurs de miel (gros cylindres métalliques qui, en tournant, permettent au miel d’être éjecté des cadres) et un fondoir collectif (pour récupérer la cire d’abeille).
Un lieu ouvert à tous
Le couple d’apiculteurs répète cette opération d’extraction trois à quatre fois par an. Les amateurs, qui produisent moins, ne le font généralement pas aussi souvent, uniquement en fin de saison. Au-delà de l’aspect matériel, l’idée est aussi de promouvoir l’abeille noire locale, affirme Argitxu. On essaie d’inciter les gens à en avoir. D’autant que les ruches des amateurs seront bénéfiques pour l’environnement des alentours grâce à la pollinisation faite par les abeilles permettant à la flore de se reproduire. Certains professionnels sont transhumants et déplacent leurs ruches pour que les abeilles puissent butiner différentes fleurs. Ce n’est pas le cas d’Argitxu et Éric, ni des amateurs, dont les ruches sédentaires sont accrochées à leur territoire local.
Beaucoup de gens ont deux ou trois ruches dans leur jardin, ajoute Argitxu. L’idée c’est qu’ils puissent aussi se faire plaisir en produisant leur propre miel. Et ils ne semblent pas être les seuls à prendre du plaisir. C’est devenu un lieu d’échange ici, se réjouit Argitxu, qui évoque la visite surprise d’un apiculteur amateur la semaine dernière. On lui a tout expliqué pendant deux jours. Il est parti avec 20 kg de miel qu’il a lui-même extrait, il était super content !
Abeilles noires cherchent flore colorée
Dans la salle chaude, seules de petites affiches scotchées sur le mur permettent de distinguer les pros des amateurs. Les hausses bio sont distinguées des conventionnelles afin d’éviter tout mélange. Les amateurs ne peuvent pas être en bio [seul un professionnel peut obtenir une certification, NDLR], précise Argitxu. Certains travaillent tout de même comme tel mais sans certification.
En revanche, les deux producteurs professionnels de l’association l’ont obtenue. Dans leur ferme d’Ossès, à une vingtaine de kilomètres de là, ils produisent du safran ainsi que divers produits de la ruche (miel, bougies à base de cire d’abeille, extraits de propolis, savons ou baumes à lèvres…) et bientôt des truffes.
Leurs ruches et abeilles noires locales sont situées dans la vallée de la Nive entre Itxassou et Urepel. De là, elles peuvent aller butiner différents types de fleurs. Au bout de la chaîne : du miel de châtaigner, de bruyère, d’acacia ou de tilleul, en fonction de la saison. Ainsi que du miel de montagne, appellation qui peut être utilisée quand les ruches sont placées en zone de montagne (à partir de 500 ou 600 mètres environ) et qu’Éric et Argitxu emploient lorsque les abeilles ne se sont pas contentées de butiner un seul type de fleur, souvent entre deux saisons.
Ce matin, on a goûté toutes les hausses pour savoir s’il s’agissait de miel de châtaigner, de bruyère [au goût plus prononcé] ou de montagne, explique Argitxu, tandis qu’Éric s’attelle à étiqueter les grands seaux de miel qu’il devra encore laisser décanter pendant quelques jours, afin de le débarrasser des dernières impuretés. Avant cela, il a simplement placé les cadres délestés de leur opercule de cire dans le grand et le petit extracteur. Le miel est expulsé des alvéoles sur les côtés de l’extracteur et va tomber au fond. Il faut le faire tourner longtemps, précise-t-il. On n’a pas besoin de faire autre chose finalement, ni de le chauffer ni de trop le travailler. Le secret du bon miel, c’est d’en faire le moins possible !
une merveille de la nature ce que font nos abeilles ! et bravo à ces initiatives qui permettent la mutualisation des installations pour une gestion raisonnées de leur production – bravo également aux apiculteurs d’en prendre soin