Après plus de vingt ans de cuisine gastronomique traditionnelle (comprendre : riche en luxueuses protéines), le chef annécien Laurent Petit du restaurant Le Clos des Sens a chaussé de nouvelles lunettes pour scruter de plus près les ressources qui se trouvaient à ses pieds. Un changement d’approche à 180 degrés qui lui a inspiré une cuisine sensible, lacustre et végétale qui vient d’être récompensée par une troisième étoile au Michelin. Preuve que même au pays de Gargantua, les lignes bougent !
Longtemps, Laurent Petit a mitonné des homards, travaillé la truffe et mis tout l’éventail convenu des viandes nobles à ses menus gastronomiques. Aujourd’hui, changement d’ambiance.
Les convives de son restaurant du Clos-des-Sens à Annecy sont accueillis par une délicate eau infusée aux épines d’épicéa, tandis qu’en salle, on se régale d’une spectaculaire tomate du jardin rôtie, d’un thé d’écrevisses ou d’une envolée de champignons de Savoie. Il y a quatre ans, le chef a fait ce qu’il appelle son cooking-out : L’année de mes 50 ans, je me suis réveillé un matin en me disant « Laurent, si tu as quelque chose à dire, dis-le maintenant ! » Il me fallait aller au bout de mes convictions.
Le chef étoilé, fils de boucher-charcutier, prend alors une première décision considérée comme radicale, voire intrépide dans le microcosme de la haute gastronomie : il met au rancart la viande, au risque de décevoir ses clients supposément accros aux assiettes carnées. Il n’en est rien : Cette décision m’a libéré. Rompre avec la viande, que je considère comme un leurre, m’a ouvert d’autres portes et les clients ont suivi.
Des créations locales à 99 %
Avec la saisonnalité et la proximité comme maîtres-mots, Laurent Petit met sa créativité au service de la philosophie minimaliste du less is more (moins c’est mieux) et apparaît comme transcendé par cette transition culinaire. À la façon d’un manifeste, il commence dès 2015 par établir deux règles simples en cohérence avec ses convictions : du végétal en veux-tu, en voilà, mais pas de protéines animales donc, à l’exception de celles qui proviennent des trois lacs environnants (Annecy, Le Bourget et Léman) riches en écrevisses et fins poissons. Il choisit aussi de revoir ses habitudes pour aboutir à un approvisionnement locavore à 99 %, provenant d’une centaine de kilomètres à la ronde.
Ici, on s'approvisionne auprès de producteurs locaux situés à moins de 100 kilomètres.
Il va sans dire que les saisons jouent un premier rôle dans l’orchestration des menus qui changent au fil des mois… et que dire du terroir qui entoure le restaurant ? Entre le massif alpin des Bauges, les lacs et les plaines, il est d’une variété extraordinaire que l’on apprécie de retrouver dans les assiettes, dont la plupart, épurées, sont réalisées par des céramistes régionaux.
Parmi les joies retrouvées de cette nouvelle démarche, Laurent Petit cite sa relation privilégiée avec les producteurs : trois pêcheurs (un par lac), un cueilleur en montagne, quelques maraîchers et fermiers qu’il considère comme des partenaires et non des fournisseurs (un gros mot), au point d’afficher leurs noms dans le vestibule de son restaurant gastronomique. En ouvrant les yeux sur leur savoir-faire, j’ai trouvé un contact humain exceptionnel. La force d’une assiette tient aussi au pêcheur qui travaille à 4 h du matin et vous confie sa marchandise quelques heures plus tard. Je suis un obsédé de la fraîcheur, et grâce à eux, je suis servi !
Jardin nourricier en permaculture
Après cette première révélation, rien n’arrête plus Laurent Petit, qui centre encore davantage sa démarche sur les éléments qui l’entourent. À l’été 2018, il inaugure cette fois un jardin d’Eden nourricier, créé de toutes pièces à l’aplomb de la terrasse de son établissement. Cultivé en permaculture, terrassé – l’eau d’arrosage est récupérée du toit et descend hydrater les plantations par capillarité – et bien sûr, sans aucun intrants chimiques, plus de 200 variétés d’aromates, légumes, fruits et fleurs comestibles ont pris racine dans ce laboratoire horticole à ciel ouvert, jusqu’au piquant poivrier de Sichuan. Il ne reste plus aux commis qu’à faire la cueillette avant le service, un ballet qui se déroule sous les yeux des clients de l’hôtel attenant à la table.
Au fond du jardin se dresse une cabane en bois, conçue pour fumer à domicile le poisson. On a beau chercher, peu ou pas d’incohérences subsistent. Dans toutes les dimensions de son fonctionnement, l’établissement répond à des exigences pointues en matière de respect de l’environnement : éclairage, déchets compostés, flotte de véhicules électriques (voitures et vélos) à disposition des clients et du personnel… Une table étoilée locavore et écolo est née.
Bien sûr, s’attabler chez Laurent Petit n’est pas à la portée de toutes les bourses, et ne le sera sans nul doute pas moins depuis que cette troisième étoile au guide Michelin est venue faire étinceler son restaurant. Mais comme dans tous les domaines, l’émergence de chefs de file précurseurs, engagés dans une démarche durable et respectueuse de notre environnement, a valeur d’exemple et d’inspiration collective. Un rôle que Laurent Petit prend à cœur, en s’appliquant à partager sa vision d’une cuisine qui prend sa source au jardin avec ses clients, mais aussi avec les jeunes cuisiniers de son équipe.
________
Restaurant Le Clos des Sens à Annecy-le-Vieux (Haute-Savoie)> www.closdessens.com
Merci beaucoup pour ce beau témoignage qui met en avant que notre restauration bonne, belle et responsable, c’est possible! ??✨
Bravo pour tous ces efforts qui payent car on mesure l’investissement de chaque membre des équipes pour arriver si haut!
Nous avons eu la chance de dîner au Clos des sens en octobre dernier et avons tout aimé , la beauté du lieu, la beauté des plats, leur originalité, la gentillesse du personnel et du chef
Oui on peut faire de l’excellence avec du local si on a du talent et la passion du beau et bon Merci Laurent Petit
En famille nous avons été « reçus » par l’équipe du Clos des Sens. Ce n’est plus un repas, ni un dîner, ni un déjeuner : ce sont des merveilles inconnues ici découvertes. La réception et l’accueil sont chaleureux, ils nous guident dans la compréhension de ces chefs-d’œuvre.
Le porte- monnaie : un choix tout simplement. Pas de redevance télé, pas de tabac, pas de babioles, pas de faux luxe encombrant, etc.. Alors choisir l’essentiel. Et savoir reconnaître le prix d’un travail, celui d’un artiste comme celui de son équipe. jbm.